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Entretien

Hoenlein : la “pandémie” mondiale de l’antisémitisme menace aussi l’Amérique

“Nous avons vu l’antisémitisme au Royaume-Uni, nous avons vu l’antisémitisme en France et nous le voyons dorénavant se propager partout”, a déclaré le responsable juif américain, appelant à la tenue d’un sommet global pour combattre ce phénomène

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Malcolm Hoenlein, vice président exécutif de la Conférence des présidents des organisations juives américaines majeures, dans les bureaux du Times of Israël à Jérusalem, le 2 février 2016. (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)
Malcolm Hoenlein, vice président exécutif de la Conférence des présidents des organisations juives américaines majeures, dans les bureaux du Times of Israël à Jérusalem, le 2 février 2016. (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)

L’entretien a été mené le 26 février 2017 dans les locaux du Times of Israel à Jérusalem

L’antisémitisme est en train de prendre des dimensions potentiellement « pandémiques » dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis et si rien n’est fait, il pourrait devenir une menace excessivement grave, a indiqué l’un des plus hauts dirigeants de la communauté juive américaine, appelant les dirigeants du monde entier à dénoncer sans relâche ce phénomène.

“Je pense que nous assistons à une pandémie en formation », a expliqué Malcolm Hoenlein, président de la CoP (Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations). « Je ne pense pas que ce soit déjà présent. Je pense que l’Amérique est différente de l’Europe. Mais le potentiel est là ».

Lors d’un entretien, Hoenlein a également évoqué les grandes inquiétudes face à l’alignement total du gouvernement israélien avec le président américain Donald Trump, dont certains craignent qu’il ne transforme la question israélienne en un problème partisan aux Etats-Unis.

Il a appelé le Premier ministre Benjamin Netanyahu à inviter en Israël le nouveau chef élu du parti démocrate, Tom Perez, pour tenter de cimenter un soutien bipartisan en faveur de l’état juif.

« Nous avons vu l’antisémitisme au Royaume Uni, nous avons vu l’antisémitisme en France et nous le voyons dorénavant se propager partout », a indiqué Hoenlein au Times of Israël.

« Regardez le nombre d’incidents en Allemagne, en Scandinavie et dans d’autres parties du monde. Et maintenant, nous voyons apparaître des croix gammées en Amérique, ou des menaces [téléphoniques] ou des agressions contre des gamins sur les campus. Cela se répand donc. Ce n’est pas isolé dans une zone géographique. C’est comme un virus qui se propage. Et il faut le nommer pour ce qu’il est ».

L’interview d’Hoenlein a eu lieu quelques heures avant l’annonce d’un acte de vandalisme apparemment antisémite qui a eu lieu dans sa ville de Philadelphie. Plusieurs stèles d’un cimetière de la ville, le Jewish Mount Carmel Cemetery ont été renversées, un acte qualifié de “choquant” et d’inquiétant par le gouvernement israélien.

« Je ne pense pas maintenant que ce soit une menace directe à l’encontre de l’existence même des Juifs ou de la survie des Juifs », a commenté Hoenlein au sujet d’un mouvement généralisé d’actions antisémites qui a récemment pris corps aux Etats Unis, avec notamment la profanation de cimetières et des alertes à la bombe contre des centres communautaires juifs. « Je pense que ce cancer, si on ne s’en occupe pas, se développera et deviendra de plus en plus menaçant ».

Pierres tombales profanées au cimetière juif de Philadelphie, le 26 février 2017. (Crédit : capture d'écran ABC)
Pierres tombales profanées au cimetière juif de Philadelphie, le 26 février 2017. (Crédit : capture d’écran ABC)

Le meilleur exemple d’un tel processus est la France, où le sentiment anti-juif « s’est métastasé pendant un certain temps », a-t-il dit.

« Ce n’est pas arrivé d’un seul coup », a-t-il ajouté, citant des informations récentes faisant état d’agressions contre des Juifs et des propos de parents proches qui vivent en France et qui affirment que la vie y est devenue « intolérable ».

Les gouvernements européens ont dénoncé de tels incidents et ont augmenté les mesures de protection des Juifs, a déclaré Hoenlein.

« Mais nous ne pouvons pas nier le fait que l’antisémitisme aujourd’hui ne se fait plus dans l’obscurité, avec des craintes de répercussions. Ce type de retenue a disparu. Et je pense que nous devons en réimposer et que des normes doivent être établies. C’est pour ça que je veux que les responsables gouvernementaux affirment que ce n’est pas acceptable, tout comme le racisme sous toutes ses formes. »

‘Quand il y a de la haine contre les Juifs, cela devient le problème de tout le monde. Nous sommes les victimes, nous n’en sommes pas la cause’

Pour lutter de manière efficace contre l’antisémitisme, Hoenlein a réclamé un « sommet global » similaire à celui qui avait été organisé pour le compte de la communauté juive soviétique au cours du siècle dernier.

Il a vivement recommandé aux dirigeants des Etats-Unis, de l’Allemagne, du Royaume Uni, de l’Inde, des pays de l’Europe de l’Est et de l’Amérique du Sud d’y assister et d’affirmer sans équivoque que « la haine des juifs pèse trop lourdement et que nous allons dès maintenant tracer les limites ».

Combattre l’antisémitisme commence avec la communauté juive, « mais cela ne s’arrête pas là », a estimé Hoenlein.

« Ce n’est pas notre problème. C’est un problème de la société. C’est un problème du christianisme. Quand il y a de la haine contre les Juifs, cela devient le problème de tout le monde. Nous sommes les victimes, nous n’en sommes pas la cause. Ce n’est pas parce qu’on a fait une faute. Cela arrive en raison de qui nous sommes et de nos valeurs ».

Les enquêtes et un taux élevé de mariages mixtes indiquent que le public américain accepte et apprécie généralement les Juifs, a expliqué Hoenlein. « En même temps, nous assistons à une hausse de l’antisémitisme. Nous assistons à une hostilité croissante sur les campus en particulier. Nous assistons à des menaces proférées contre les institutions ».

Il s’est déclaré fortement troublé par « ce qui arrive sur les campus et l’acceptation des accusations contre Israël. Un grand nombre d’Américains adhèrent à l’affirmation selon laquelle Israël serait un régime d’apartheid.

Au cours de ces deux dernières décennies, c’était acceptable pour les Américains de dire qu’ils étaient anti-Israël. « Aujourd’hui, c’est acceptable de dire : ‘Je suis anti-Juif’ « , a constaté Hoenlein. Et cela, a-t-il suggéré, est partiellement dû au mouvement BDS (Boycott, Divest and Sanctions) anti-israélien qui, a-t-il affirmé, a permis de « légitimer » l’antisémitisme ».

Le documentaire "Crossing the Line 2" est consacré à l'augmentation des actes antisémites sur les campus nord-américains. (Crédit : capture d'écran/autorisation)
Le documentaire « Crossing the Line 2 » est consacré à l’augmentation des actes antisémites sur les campus nord-américains. (Crédit : capture d’écran/autorisation)

Hoenlein, à la tête de la CoP depuis 1986, a salué les propos de Trump contre l’antisémitisme et la haine, mais il a reconnu que son organisation espérait une réaction plus prompte.

Après de longues semaines durant lesquelles le président était resté muet face à une série d’événements clairement antisémites, il les a dénoncés mardi dernier, les qualifiant « d’horribles », de « douloureux » et de « triste rappel ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et le président américain Donald Trump, à la Maison Blanche, le 15 février 2017. (Crédit : Saul Loeb/AFP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et le président américain Donald Trump, à la Maison Blanche, le 15 février 2017. (Crédit : Saul Loeb/AFP)

« Les accusations d’antisémitisme à l’égard de Trump sont certainement infondées », a déclaré Hoenlein. « Nous devons faire très attention – et c’est un avertissement qu’on ne peut pas prendre à la légère – lorsque nous utilisons le label antisémite. C’est une accusation très puissante. Si vous la dévalorisez, si vous en faites un lieu commun, vous ôtez la force de l’accusation. Elle ne doit être utilisée qu’avec prudence et seulement lorsque vous pouvez la justifier. Et on doit l’utiliser dans des circonstances véritablement nécessaires ».

Alors que certains, au sein de la communauté juive, ont été brusqués par le refus de la Maison Blanche de mentionner les Juifs dans un communiqué lors de la Journée Internationale de l’Holocauste, l’administration devra être jugée sur ses actions, a dit Hoenlein, faisant allusion au fort soutien de Trump à Israël.

Alors qu’il a fait attention à ne pas critiquer le Premier ministre, Hoenlein a noté « l’inquiétude » de la communauté juive américaine suite à la défense par Netanyahu du président américain. Trump avait notamment été accusé d’avoir attisé l’antisémitisme et les sentiments xénophobes.

« Les divisions post-électorales sont encore très profondes. Elles sont encore aujourd’hui très sensibles », a dit Hoelein. « La seule chose dont nous devons nous protéger, c’est de faire d’Israël une question partisane. Nous ne pouvons pas permettre que l’état juif devienne l’associé d’un parti ou d’une idéologie. Ce n’est pas une question conservatrice, ce n’est pas une question libérale ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avec le président de la conférence des présidents des organisations juives américaines majeures, Stephen M. Greenberg (au centre) et son vice président exécutif Malcolm Hoenlein à l'ouverture de la 42ème conférence de la Mission du leadership, à Jérusalem, le 14 février 2016. (Crédit : Avi Hayoun)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avec le président de la conférence des présidents des organisations juives américaines principales, Stephen M. Greenberg (au centre) et son vice président exécutif Malcolm Hoenlein à l’ouverture de la 42ème conférence de la Mission du leadership, à Jérusalem, le 14 février 2016. (Crédit : Avi Hayoun)

Le tweet écrit par Netanyahu pour soutenir la construction d’un mur frontalier avec le Mexique « a créé certaines réactions négatives chez nos amis et nos partisans hispaniques », a expliqué le leader juif.

« C’est toujours préférable qu’Israël et d’autres se tiennent à l’écart [de la politique nationale des Etats-Unis]. Parfois, c’est obligatoire. Nous n’hésitons pas à parler de l’antisémitisme dans les pays européens, il s’agit pour eux d’une affaire intérieure ».

La recherche de liens étroits entre le chef israélien et le nouveau président des Etats-Unis est appropriée, mais il est nécessaire « de garder en tête la manière dont cela peut être interprété », a continué Hoenlein. « Il y a eu des inquiétudes qui se sont exprimées, si le Premier ministre est considéré comme trop proche d’un parti, vous risquez de vous aliéner les autres. En même temps, être proche du président des Etats-Unis est un atout ».

Tom Perez pendant une conférence à Washington, en 2012. (Crédit : Lonnie Tague/Domaine public/WikiCommons)
Tom Perez pendant une conférence à Washington, en 2012. (Crédit : Lonnie Tague/Domaine public/WikiCommons)

Netanyahu a bien fait de rencontrer les dirigeants des deux côtés de l’échiquier politique au cours de son voyage récent à Washington, a déclaré Hoenlein. Le Premier ministre devrait immédiatement tenter d’établir de bons liens avec Tom Perez qui, samedi, a été élu au poste de nouveau président du Comité national du parti démocrate.

Son principal adversaire, Keith Ellison, suscitait la controverse au sein des Juifs américains en raison de ses associations passées avec des personnalités antisémites connues et de postures critiques affirmées à l’égard d’Israël. Perez a nommé Ellison au poste d’adjoint.

« Je pense qu’il est positif que M. Perez ait été choisi », a commenté Hoenlein. « Nous sommes impatients de travailler avec lui et nous espérons que le gouvernement d’Israël établira des contacts et l’invitera à visiter le pays ».

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