Hommage aux victimes de Munich, drame pour Israël et l’olympisme
Une commémoration a eu lieu ce mardi à l'ambassade d'Israël à Paris, en présence d'élus français, d'ambassadeurs et d'olympiens israéliens
Le 5 septembre 1972, un commando terroriste palestinien pénètre dans le village olympique de Munich. La prise d’otages tournera au carnage, un épisode qui hante encore Israël et qui a bouleversé l’appréhension de la sécurité des Jeux. Un écho particulier cette année alors que 115 otages sont toujours aux mains du groupe terroriste palestinien du Hamas et de ses complices à Gaza depuis le pogrom mené le 7 octobre dans le sud d’Israël.
Le chef du Comité olympique international (COI) Thomas Bach a déclaré que les Jeux étaient la preuve que, même dans les périodes sombres, le monde peut encore s’unir par le biais du sport.
« Comme à chaque édition des Jeux olympiques depuis le massacre » perpétré par les « terroristes de l’organisation palestinienne ‘Septembre noir’, le Comité olympique [israélien] organise une cérémonie commémorative en présence des familles » des onze victimes israéliennes, a-t-il dit à l’AFP.
« Certains trouveront peut-être cela naïf, mais dans notre monde déchiré par les trop nombreux conflits et guerres, les Jeux olympiques prouvent que nous pouvons encore rassembler le monde entier », a déclaré Bach lors de la cérémonie qui s’est déroulée à l’ambassade d’Israël à Paris.
« Les athlètes vivent cette culture de la paix ici même à Paris », a-t-il poursuivi. « Les athlètes des comités nationaux olympiques dont les pays sont actuellement en guerre ou en conflit les uns avec les autres vivent pacifiquement ensemble sous un même toit dans le village olympique. Cette culture de la paix était, est et sera toujours au cœur de notre communauté olympique. »
Yaël Arad, présidente du Comité olympique israélien, a déclaré que la présence de 88 athlètes israéliens aux Jeux de Paris, 52 ans après Munich, envoyait un message : « Nous sommes là. Le sport israélien n’a pas été détruit. Le terrorisme n’a pas gagné. »
Et au lendemain du pogrom du Hamas du 7 octobre, Arad a déclaré que « le fait que nous soyons présents ici aujourd’hui […] prouve l’endurance des athlètes israéliens et la résilience de la société israélienne ».
Ces jours-ci, a-t-elle ajouté, « il n’est pas facile d’être un athlète israélien dans l’arène internationale […], de faire face aux menaces, à l’inquiétude de nos proches restés au pays ».
Elle a remercié Bach et les responsables olympiques et français pour « l’hospitalité chaleureuse et accueillante dont ils ont fait preuve à notre égard et à l’égard de notre délégation », et a ajouté qu’ils « n’ont ménagé aucun effort pour nous accueillir en toute sécurité et dans la bonne humeur ».
La maire de Paris, Anne Hidalgo, s’est également adressée au mémorial, tout comme l’ambassadeur d’Israël en France, Joshua Zarka, tandis que le président Isaac Herzog – qui avait assisté à la cérémonie d’ouverture à Paris mais qui est depuis rentré en Israël – a envoyé un message vidéo. Ankie Spitzer et Ilana Romano, les veuves des Israéliens tués André Spitzer et Yosef Romano, qui ont mené l’effort pendant des dizaines d’années pour commémorer les onze victimes de Munich, ont également prononcé des discours au cours de la cérémonie.
Lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021, les onze victimes israéliennes – Spitzer, Romano, Moshe Weinberg, Zeev Friedman, David Berger, Yakov Springer, Eliezer Halfin, Yossef Gutfreund, Kehat Shorr, Mark Slavin et Amitzur Shapira – avaient été commémorées pour la première fois lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux.
S’adressant directement à Spitzer et Romano, Bach les a remerciés pour leurs dizaines d’années d’amitié et leur militantisme sans faille.
« Mon admiration pour vous est d’autant plus grande que vous avez dû attendre si longtemps, trop longtemps, pour que cette commémoration ait lieu », a déclaré Bach.
En 1972, les terroristes avaient tué deux athlètes israéliens et en avaient pris neuf autres en otage, espérant les échanger contre plus de 200 prisonniers palestiniens.
La guerre en cours et le sort des otages retenus à Gaza viennent cette année percuter cette commémoration.
Le 7 octobre, lors de l’attaque sanglante sans précédent du groupe terroriste islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien, 251 personnes ont été enlevées. Parmi elles, 111 restent captives à Gaza, selon l’armée qui a lancé une offensive massive pour les libérer. Quatre autres étaient déjà détenues par le Hamas avant le pogrom : les dépouilles de deux soldats tombés au combat lors de l’opération Bordure protectrice de 2014, Oron Shaul et Hadar Goldin ; et deux autres Israéliens entrés eux de leur plein gré à Gaza, Avraham Mengistu et Hisham al-Sayed.
Cette situation « complexe et tendue », sur fond de tensions accrues avec le groupe terroriste islamiste libanais du Hezbollah et l’Iran, « cristallise » l’attention de l’équipe israélienne » en alerte, dit le Comité olympique israélien.
Des données personnelles sensibles de sportifs israéliens ont été divulguées et cinq membres de la délégation ont été visés par des menaces, dont des athlètes de gymnastique et de natation, selon une source française proche de l’enquête, ouverte pour menaces de mort aggravées.
Dans ce contexte, la quête de médailles aux JO de Paris des 88 athlètes israéliens, protégés par des services d’élites français et israéliens, est « bien au-delà du sport », assurait au village olympique le président israélien Isaac Herzog le 24 juillet.
À Munich en 1972, les alertes des services de renseignements sur un risque d’attaque avaient été ignorées et la sécurité négligée.
Les « Jeux de la Joie » censés faire oublier ceux de Berlin en 1936, sous le régime nazi, avaient éradiqué tout symbole du militarisme et veillé à ce que le personnel de sécurité présent ne soit pas armé. L’intervention de la police allemande sur le tarmac de l’aéroport Fürstenfeldbruck avait tourné au fiasco, sous les yeux du monde entier.
Cet épisode tragique « a changé la manière d’envisager les événements sportifs du point de vue de la sécurité, et cela a également modifié la façon d’aborder la question du terrorisme et le terrorisme en tant que tel », relève Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP).
« Entre Munich 72 et Montréal 76, les dépenses de sécurité sont multipliées par 50, en sachant qu’on partait de très bas puisque Munich, volontairement, avait organisé des Jeux très ouverts avec des restrictions de sécurité relativement faibles », dit-il.
Dans la foulée de Munich, outre un renforcement de la sécurité dans les aéroports, les modes d’intervention des forces de l’ordre sont repensés et des unités spéciales créées dans différents pays.
L’Allemagne de l’Ouest met en place le GSG-9, testé avec succès cinq ans plus tard en Somalie lors d’une prise d’otage et le détournement d’un avion.
En France, une unité anti-commando de la BRI voit le jour, puis la Gendarmerie nationale se dote d’un Groupe d’intervention (GIGN). En Grande-Bretagne, le Special Air Services Regiment (SAS) déploie des unités de guerre contre-révolutionnaire.
Les moyens technologiques ont par ailleurs évolué, à l’instar de la vidéosurveillance algorithmique autorisée à titre expérimental pour ces JO-2024 qui restent, parce qu’ils accueillent des millions de spectateurs et des sportifs venus de plus de 200 pays, une « sorte de crash-test, une répétition grandeur nature de gestion des flux », relève Mathieu Zagrodzki.
« Le coût humain d’une attaque peut être extrêmement élevé, avec la répercussion politique et médiatique que cela revêt », dit-il, c’est donc « un défi immense ».
Après plus de la moitié des Jeux, les provocations anti-Israël sont restées discrètes, avec des protestations éparses et des pancartes occasionnelles brandies pendant les matchs, mais aucun incident n’a affecté le déroulement des Jeux ou la capacité des Israéliens à participer aux compétitions.
Jusqu’à présent, Israël a remporté six médailles aux Jeux olympiques de Paris 2024, un nouveau record pour l’État juif : le bronze pour le judoka Peter Paltchik, l’argent pour le judoka Inbar Lanir, l’argent pour le judoka Raz Hershko, l’argent pour la véliplanchiste Sharon Kantor et l’or pour le véliplanchiste Tom Reuveny.