Israël en guerre - Jour 647

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Ignorant le cessez-le-feu imminent, les Israéliens organisent un dernier exode via le ciel jordanien

Malgré les longues files d'attente, la confiscation d'objets rituels juifs et la longueur du temps de trajet, la frontière jordanienne a attiré ceux qui voulaient désespérément partir en raison de l'absence d'autres vols

Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Des Israéliens embarquent dans un avion de la compagnie Tus Airlines à destination d'Athènes depuis Aqaba, en Jordanie, le 24 juin 2025 (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)
Des Israéliens embarquent dans un avion de la compagnie Tus Airlines à destination d'Athènes depuis Aqaba, en Jordanie, le 24 juin 2025 (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

En cette matinée de mardi, des centaines d’Israéliens irrités, traînant leurs bagages, sont coincés dans la file d’attente entre les côtés israélien et jordanien de la frontière, tout au sud du pays.

Les voyageurs racontent que quand ils ont entrepris de quitter Israël par ce poste-frontière – exceptionnellement encombré – qui se situe entre Eilat et Aqaba en ce 24 juin, tous n’avaient pas conscience qu’ils allaient prendre la fuite alors que le conflit opposant Israël à l’Iran vivait ses derniers instants.

Certains confient que s’ils l’avaient su, ils auraient peut-être préféré passer une nuit supplémentaire sous les sirènes et sous les tirs de missiles en échange du privilège de pouvoir directement embarquer dans un vol au départ de l’aéroport international Ben Gurion. Pourtant, même mercredi après-midi, certains Israéliens utilisaient encore le passage frontalier pour quitter le pays, probablement en raison du manque de liaisons aériennes assurées depuis le tarmac de Tel Aviv.

Difficile d’expliquer cette attente de trois heures et demie à la frontière, mardi – peut-être a-t-elle été due à la présence d’un seul scanner permettant d’examiner chaque bagage du côté jordanien.

Mais, comme le fait remarquer un commerçant jordanien assis à sa caisse dans sa boutique duty-free, il n’est guère fréquent de voir de tels encombrements lors du passage de la frontière.

« C’est comme ça depuis une semaine », dit-il.

Après le lancement, par Israël, d’une série d’attaques préventives qui ont pris pour cible des sites nucléaires et militaires iraniens à partir du 13 juin, l’Iran a riposté par des tirs aveugles de missiles balistiques qui ont visé des centres urbains israéliens. 28 personnes ont été tuées dans ces frappes, qui ont également fait plus de 3000 blessés. 9000 autres personnes ont été déplacées.

Israël a fermé son espace aérien au début de ce conflit violent, prenant au piège milliers d’Israéliens et de touristes étrangers qui devaient quitter le pays et qui se sont hâtés de trouver un moyen leur permettant de pouvoir fuir le territoire. L’État juif n’a complètement rouvert son espace aérien que dans la soirée de mardi, alors qu’un cessez-le-feu fragile semblait se maintenir.

La file d’attente pour passer en Jordanie à la frontière d’Aqaba, le 24 juin 2025 (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

Dans l’intervalle, un grand nombre de ceux qui voulaient quitter le pays ont pris la direction de l’aéroport international Queen Alia d’Amman en passant par le pont Allenby, dans le sud de la vallée du Jourdain ; par Aqaba, une ville située à proximité d’Eilat, au sud ou par l’Égypte via Charm el-Cheikh.

Aqaba est souvent considérée comme le poste-frontière le plus facile entre la Jordanie et Israël, car la localité permet d’accéder à la station balnéaire jordanienne. Mais ni le petit aéroport, ni le poste-frontière ne sont conçus pour accueillir des centaines d’Israéliens chaque jour.

Alors que les voyageurs font la queue, mardi à 7 heures du matin – un grand nombre d’entre eux ont conduit toute la nuit ou ils ont loué des bus depuis le centre du pays – les sonneries des téléphones se font entendre, avertissant de l’arrivée d’une nouvelle salve de missiles iraniens, l’une des six salves à avoir été tirées ce matin-là. Le cessez-le-feu doit prendre effet à 7 heures 30.

« Vous ne voulez pas désactiver ces notifications ? », interroge Gad, l’un des jeunes émissaires israéliens qui cherchent à partir pour rejoindre le Camp Surprise Lake à Cold Spring, dans l’État de New York. « C’est pour ça qu’on part d’ici. »

Une des jeunes femmes qui se trouve dans la file d’attente avec lui hausse les épaules.

« C’est comme ça que je reste en contact », répond-elle en montrant l’application Red Alert sur son téléphone.

Il y a toutes sortes de voyageurs dans la queue.

Il y a notamment d’autres jeunes émissaires israéliens, qui font partie d’un groupe d’environ un millier de personnes qui ont été engagées par l’Agence juive pour travailler dans des camps d’été juifs aux États-Unis, et dont le départ a été retardé en raison de l’interruption des vols.

Certaines familles expliquent qu’elles emmènent leurs enfants dans des camps d’été aux États-Unis. L’une d’entre elle dit se rendre à une croisière qui était prévue de longue date en Alaska, une autre raconte qu’elle part visiter les parcs nationaux américains.

Bibianna, une Argentine-Israélienne qui a transité par Aqaba, en Jordanie, afin de contourner l’espace aérien israélien fermé pendant la crise iranienne, le 24 juin 2025. (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

Bibianna, une ressortissante israélo-argentine qui est originaire de Kfar Tavor, dans le nord du pays, se rend en Argentine pour s’occuper de sa mère de 88 ans qui vient de se fracturer le col du fémur.

Le voyage devrait durer 50 heures au total. Elle a d’abord fait le trajet jusqu’à Aqaba. Elle transitera ensuite à Athènes et à Paris avant d’atterrir en Amérique du sud. Elle rentrera chez elle dans deux semaines – avec un voyage qui sera vraisemblablement plus court.

Il y a des jeunes couples avec des bébés, dont Dvir et Ada, de Tel Aviv, et leur fils Ilai, âgé de 3 mois, qui partent se réfugier chez des amis, aux États-Unis, après un trop grand nombre de nuits passées dans l’abri antiaérien de leur immeuble.

« Nous devions partir de là », explique Ada. « Juste pour un petit moment ».

Elle explique que même la nouvelle du cessez-le-feu ne l’a pas dissuadée de quitter le territoire.

« Oui, il se peut que l’aéroport rouvre, mais qui sait quand nous pourrons réellement prendre un vol depuis Ben Gurion ? », interroge-t-elle.

La traversée du passage d’Aqaba est encore parsemée d’autres obstacles.

David Hansel, un Israélien qui a choisi de passer par Aqaba, en Jordanie, afin de contourner l’espace aérien fermé par Israël pendant la crise iranienne, le 24 juin 2025 (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

David Hansel, qui porte une une kippa noire en tricot sur ses boucles grisonnantes, se rend à Paris pour s’occuper de son père malade.

Il a retiré sa kippa lorsqu’il s’était mis dans la file d’attente, car il a remarqué que les agents jordaniens, à la frontière, se mettent en quête des symboles juifs visibles.

Le seul scanner détecte chaque paire de tefillin, ou phylactères, dans les bagages des voyageurs. Quand les agents de l’aéroport les repèrent, ils demandent aux voyageurs d’ouvrir leurs valises et ils recherchent d’éventuels châles de prière, d’éventuelles kippas ou tout autre objet rituel juif.

Hansel avait des tefillin dans son petit bagage. Dès qu’ils ont été repérés, les agents de l’aéroport l’ont renvoyé du côté israélien de la frontière pour qu’il les remette aux employés auprès desquels il pourra – il faut l’espérer – les récupérer lorsqu’il sera de retour au sein de l’État juif.

« Je ne savais pas qu’ils cherchaient les tefillin des gens », explique Hansel qui dit avoir décidé, dimanche dans la soirée, de partir pour Paris. « J’ai réfléchi dix fois avant de faire ce voyage via Aqaba, mais je ne savais pas qu’ils m’arrêteraient parce que je transportais mes tefillin ».

Un autre voyageur israélien brandit son sac à prières brodé et il appelle les autres personnes présentes à ne pas s’approcher du scanner avec des objets rituels, ou même avec des vêtements portant des inscriptions en hébreu.

« Ils prendront tout », indique-t-il.

Michele, une touriste originaire du sud de la France, raconte avoir été invitée à ramener la hannoukiah, les bougies et le couvre-hallah qu’elle avait achetés pendant son voyage du côté israélien de la frontière.

« J’ai dit à l’agent israélien de tout donner à une synagogue », confie-t-elle en haussant les épaules.

Il est difficile de dire pourquoi les agents jordaniens refusent l’entrée des objets rituels juifs sur le territoire du royaume – même si la raison serait liée apparemment à des questions de sécurité.

Après avoir passé la frontière, les voyageurs embarquent dans des bus jusqu’à l’aéroport international du Roi Hussein, un petit aéroport qui est devenu une plaque tournante pour les Israéliens pendant cette crise. Le trajet dure une quinzaine de minutes.

L’aéroport international King Hussein d’Aqaba bondé d’Israéliens qui se rendent vers d’autres destinations pendant la crise entre l’Iran et Israël, le 24 juin 2025. (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

Le hall principal est bondé d’Israéliens en partance pour Chypre, pour Le Caire et pour Athènes. Là-bas, les voyageurs prendront d’autres vols. Un grand nombre d’entre eux s’apprêtent à monter dans un appareil du transporteur Tus Airlines, une compagnie aérienne chypriote détenue par des Israéliens.

« Je n’ai pas dormi depuis cinq jours », s’exclame Amjad, un membre du personnel de l’aéroport jordanien, qui aide les passagers à trouver leur vol.

« Mais les affaires marchent bien, mieux que depuis le 7 octobre », ajoute-t-il.

À leur arrivée à Athènes, les Israéliens embarqueront tranquillement dans la navette, fatigués et épuisés, mais soulagés d’avoir passé les étapes les plus difficiles de leur voyage.

En quittant l’aéroport, à bord d’une autre navette à destination d’un Airbnb local dans la ville d’Artemis, où ils feront une escale avant de prendre un autre vol en direction de leur destination, le lendemain matin, les passagers pourront apercevoir un avion El Al et un avion Sun D’Or stationnés à côté d’une piste, attendant le moment où les appareils israéliens pourront à nouveau décoller dans un contexte de réouverture de l’espace aérien.

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