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Il y a 80 ans, la découverte du Struthof, seul camp nazi en France

Sur les 50 000 détenus internés au Struthof ou dans ses camps annexes, "17 000 sont décédés ou ont disparu, notamment lors des marches de la mort du printemps 1945"

Une vue générale de l'entrée du seul camp de la mort nazi sur le sol français, le camp de concentration du Struthof de la Seconde Guerre mondiale, à Natzwiller, dans l'est de la France, sur cette photo d'archives prise le 16 avril 2015. (Crédit : Patrick Hertzog/AFP)
Une vue générale de l'entrée du seul camp de la mort nazi sur le sol français, le camp de concentration du Struthof de la Seconde Guerre mondiale, à Natzwiller, dans l'est de la France, sur cette photo d'archives prise le 16 avril 2015. (Crédit : Patrick Hertzog/AFP)

« Vous êtes entrés ici par la grande porte et vous ressortirez par la cheminée » : dans l’ancien camp de concentration nazi de Natzweiler-Struthof, en Alsace, des dizaines de milliers de déportés ont connu l’horreur.

À l’occasion des 80 ans de la Libération de Strasbourg, Emmanuel Macron se recueillera samedi dans le village de Natzwiller (prononcé à l’époque Natzweiler par les Allemands), dans le Bas-Rhin. C’est là, à 800 mètres d’altitude sur les contreforts vosgiens, que se trouve le seul camp de concentration nazi érigé sur le territoire français, en Alsace alors annexée de fait par l’Allemagne.

Ouvert en mai 1941, le camp a d’abord reçu des détenus affectés à l’exploitation d’un filon de granit rose, puis au démontage de moteurs d’avion.

À partir de 1943 y sont envoyés les détenus dits « Nacht und Nebel » (Nuit et brouillard) d’Europe de l’ouest : des opposants politiques que les nazis veulent faire disparaître sans laisser de traces.

Le résistant français de la Seconde Guerre mondiale Henri Mosson, qui a été déporté au camp de concentration de Natzweiler-Struthof et au camp de Dachau, construit par les nazis, pose à Dijon, dans le centre-est de la France, le 28 octobre 2024. (Crédit : ARNAUD FINISTRE / AFP)

Parmi eux, Henri Mosson, 100 ans, un des derniers déportés français encore vivants.

Résistant, il est condamné à mort le 29 juin 1943 puis emprisonné à Dijon.

Le 26 novembre 1943, il arrive à la gare de Rothau, près du camp. Les détenus sont embarqués dans des camions ou des voitures « à coups de crosse et de morsures de chien ».

« Il n’y avait pas assez de place, alors certains devaient faire les 8 kilomètres restants à pied. Un est mort. »

À l’arrivée au camp, le commandant leur lance : « Vous êtes entrés par la grande porte. Vous ressortirez d’ici par la cheminée. »

50 000 détenus

Les détenus sont déshabillés, tondus, prennent une douche, dont l’eau est chauffée par le four crématoire. Ils sont désinfectés.

Affecté à la désinfection des vêtements avec lesquels les détenus arrivent, Mosson parvient à survivre malgré le froid, terrible en hiver, la chaleur en été, et la faim.

« À la fin, on n’avait plus que des orties en bouillon » témoigne le centenaire, qui pesait « 38 kilos » à son retour en Bourgogne.

Dans le camp, des hommes d’une trentaine de nationalités se côtoient, avec une majorité de Polonais, Russes et Français. Ils sont juifs, tsiganes, homosexuels, témoins de Jéhovah, détenus de droit commun…

Parmi eux, les « Nacht und Nebel » sont « tout en bas de l’échelle », décrit Michael Landolt, directeur du Centre européen du résistant déporté.

« Ils sont affectés aux tâches les plus rudes, et ils ont une mortalité plus importante », décrit Landolt. Quant aux prisonniers soviétiques et polonais, « ils sont considérés par les nazis comme des ‘untermenschen’, [littéralement des sous-hommes] et sont très maltraités ».

Sur les 50 000 détenus internés au Struthof ou dans ses camps annexes, « 17 000 sont décédés ou ont disparu, notamment lors des marches de la mort du printemps 1945, ce qui fait un taux de décès d’environ 40 % », souligne Cédric Neveu, historien.

Exécutions et expériences médicales

Le camp sera le théâtre d’exécutions par pendaison ou par fusillade et d’expériences médicales. En août 1943, 86 Juifs sont ainsi assassinés dans une chambre à gaz dans le but de constituer une collection de squelettes juifs.

Le 25 novembre 1944, deux jours après la libération de Strasbourg, des soldats américains trouvent le camp déserté.

« Ils découvrent un camp totalement intact et totalement vide. Il n’y a plus un gardien SS et plus un détenu. Le camp est en parfait état », raconte Neveu, qui y voit la preuve que « les Allemands pensaient probablement revenir ».

Mais le calvaire ne s’arrête pas pour les détenus qui ont été évacués vers d’autres camps. Ainsi, par ses annexes, de l’autre côté du Rhin, le camp « va continuer d’exister, comme les métastases d’un cancer », compare l’historien.

Sa fin définitive n’interviendra que lors de l’évacuation des annexes, au printemps 1945. Jusqu’en 1949, le camp sera utilisé comme site d’internement de collaborateurs, puis comme centre pénitentiaire, avant de devenir un lieu de mémoire, aujourd’hui visité chaque année par plus de 200 000 personnes.

La plupart des baraquements ont été démantelés mais leur emplacement est matérialisé au sol. Les visiteurs peuvent se recueillir dans les bâtiments du four crématoire, de la prison et, en contrebas, de la chambre à gaz, et parcourir les allées de la nécropole nationale, où sont inhumés plus d’un millier de déportés. Elle est surplombée par un monument en forme de flamme de 40 mètres de haut, arborant la silhouette d’un déporté émacié.

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