Incitations au terrorisme: Une loi propose d’accorder une liberté d’enquête totale à la police
La législation permettrait à la police de lancer des investigations sans approbation du procureur de l'État ; les critiques redoutent des enquêtes "politisées" de la part des forces de l'ordre
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
La législation permettant à la police israélienne d’ouvrir des enquêtes sur les soupçons d’incitation à la violence – sans qu’il soit nécessaire, pour elle, d’obtenir l’approbation préalable du bureau du procureur de l’État – avance actuellement au sein de la commission de la Constitution, du droit et de la justice à la Knesset. Une initiative qui entraîne l’inquiétude des groupes de défense des droits civils et des députés de l’opposition, qui se disent tous préoccupés par les restrictions qui pourraient dorénavant planer sur la liberté d’expression.
Les enquêtes sur les infractions présumées de ce genre nécessitent actuellement l’approbation préalable du Bureau du Procureur de l’État, le droit à la liberté d’expression étant susceptible d’être violé si la police devait interpréter la loi de manière trop large.
Au mois de juillet, le procureur de l’État, Amit Aisman, avait publiquement annoncé que son Bureau avait connu certains incidents lors desquels la police avait ouvert des enquêtes criminelles portant sur des accusations d’incitation au terrorisme ou autres délits liés aux discours potentiellement haineux sans autorisation préalable ou en contournant délibérément les directives délivrées par le Bureau.
La clause figurant dans la loi et qui ouvrirait la porte à de telles enquêtes policières sans autorisation préalable du procureur de l’État a été récemment introduite dans le projet de loi par la députée d’extrême-droite Limor Son Har Melech, qui appartient au parti ultranationaliste Otzma Yehudit.
La législation – si elle est adoptée – permettra à la police d’ouvrir des enquêtes sur d’éventuelles incitations au terrorisme sur la base d’informations reçues par le biais de plaintes officielles « ou de toute autre manière ».
Son Har Melech a proposé cette nouvelle clause dans le cadre d’un projet de loi visant à renforcer la législation sur les incitations au terrorisme qui interdit tout éloge d’un individu s’étant rendu coupable d’un acte terroriste, et non plus seulement l’éloge de l’acte lui-même.
Ce projet de loi a été adopté en première lecture en séance plénière de la Knesset au mois de juillet, mais Son Har Melech cherche aujourd’hui à renforcer ces restrictions.
Une note qui accompagne la nouvelle version du projet de loi indiquait que des alternatives à la proposition de Son Har Melech seraient également débattues lors d’une audience de la commission, dans la journée de mardi.
Le projet de loi devait faire l’objet d’une audience et d’un débat en commission mardi, mais l’audience a finalement été annulée dans la nuit de lundi à mardi en raison des problèmes de calendrier rencontrés par les responsables du Bureau de la procureure-générale et du ministère de la Sécurité nationale.
Elle devrait être à nouveau programmée dans les prochains jours.
Le député Gilad Kariv, élu sous l’étiquette d’Avoda et membre de la commission, s’est insurgé contre cette législation, affirmant qu’elle serait utilisée comme outil d’intimidation politique. Il a ajouté que le projet de loi était encore plus dangereux en raison de ce qui s’apparente, selon lui, à une « puissante prise de contrôle » des forces de l’ordre de la part du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui est le président d’Otzma Yehudit.
« Établir que la police n’aura pas besoin de l’approbation du Bureau du Procureur de l’État pour ouvrir des enquêtes sur les incitations au terrorisme conduira à des enquêtes sans fin qui viseront à museler et à intimider les éventuels suspects, ainsi qu’à des enquêtes politiques », a affirmé Kariv.
Les groupes de défense des droits civils ont déploré à plusieurs reprises des « persécutions politiques » de la part de la police à l’encontre des citoyens arabes israéliens, en particulier depuis le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre, et le déclenchement de la guerre qui s’en est suivi.
En avril, l’organisation Adalah – qui défend les droits civils des Arabes israéliens et des Palestiniens qui vivent sous contrôle israélien – avait écrit à la Procureure-générale et au procureur de l’État pour leur demander de mettre un terme à ce qu’elle avait décrit comme un usage abusif du code pénal par la police, utilisé comme « comme moyen de persécution politique et de suppression de la liberté d’expression ». Le président de la Commission de la Constitution, Simcha Rothman, qui appartient au parti Hatzionout HaDatit, avait toutefois défendu avec ferveur le projet de loi, déclarant que les incitations au terrorisme ne pouvaient pas être considérées comme des discours susceptibles d’être protégés.
« Les incitations au terrorisme sont le terreau sur lequel les terroristes de la Nukhba [Hamas] ont poussé ; c’est le terreau sur lequel les Gazaouis qui, en voyant les otages, ont acclamé les kidnappeurs ont poussé, ces kidnappeurs qui sont massivement sortis, jeunes et vieux, pour assassiner, pour piller, pour violer et pour brûler les villes environnantes », avait écrit Rothman sur X.
« Les incitations au terrorisme ne font pas partie de la liberté d’expression. Elle sont parfois bien plus graves que les actes de terrorisme en eux-mêmes car un seul imam se livrant à ce type d’incitation peut créer des milliers de terroristes », avait-il ajouté.
« Tolérance zéro pour les incitations au terrorisme ! C’est la ligne que je défends depuis mon élection à la Knesset, et encore plus en tant que président de la commission », avait-il continué.