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Iran/Armes: Washington veut rétablir l’accord nucléaire pour prolonger l’embargo

"On ne peut pas faire son marché dans une résolution, en disant qu'on veut mettre en oeuvre certaines parties et pas les autres", proteste un diplomate occidental

Le président américain Donald Trump signe un document rétablissant les sanctions contre l'Iran après avoir annoncé le retrait américain de l'accord nucléaire iranien, dans la salle d'accueil diplomatique de la Maison Blanche à Washington, le 8 mai 2018. (AFP / Saul Loeb)
Le président américain Donald Trump signe un document rétablissant les sanctions contre l'Iran après avoir annoncé le retrait américain de l'accord nucléaire iranien, dans la salle d'accueil diplomatique de la Maison Blanche à Washington, le 8 mai 2018. (AFP / Saul Loeb)

Les Etats-Unis de Donald Trump ont claqué la porte avec fracas de l’accord sur le nucléaire iranien. Mais dans l’espoir de renouveler un embargo sur les armes, ils tentent désormais de prouver qu’ils ont encore voix au chapitre d’une structure internationale qu’ils ont eux-mêmes abandonnée.

La manœuvre laisse sceptiques les alliés occidentaux de Washington. Et fait craindre aux détracteurs du milliardaire républicain que le but ultime soit, avant la présidentielle de novembre à laquelle il brigue un second mandat, de donner un coup fatal à cet accord déjà vacillant depuis le départ américain et le désengagement progressif iranien.

« On ne peut pas faire son marché dans une résolution, en disant qu’on veut mettre en oeuvre certaines parties et pas les autres », proteste un diplomate occidental sous couvert de l’anonymat.

Au cœur de ce nouveau débat : l’embargo sur les ventes d’armes conventionnelles à l’Iran, qui expire en octobre et que les Américains tentent à tout prix de prolonger.

Risque de veto

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, qui milite depuis des mois contre son expiration, a réaffirmé la nécessité de le renouveler la semaine dernière, lorsque Téhéran a annoncé avoir mis pour la première fois en orbite un satellite militaire – un lancement qui prouve, a plaidé le secrétaire d’Etat, que la République islamique a menti en assurant pendant des années que son programme spatial était strictement commercial.

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo s’exprime au département d’Etat de Washington, le 11 décembre 2019 (Crédit : AP Photo/Alex Brandon)

Il est temps que les autres pays « comprennent ce que le président Trump a compris dès son entrée en fonctions, que l’accord iranien était un accord mauvais, et fou », a-t-il martelé dans un entretien avec la chaîne Christian Broadcasting Network.

Or l’embargo sur les armes est inscrit dans une résolution de 2015 du Conseil de sécurité de l’ONU qui visait justement à entériner l’accord nucléaire, négocié par l’ex-président américain Barack Obama et les autres grandes puissances afin d’empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique.

La durée de cinq ans était le fruit d’un compromis avec la Chine et la Russie, initialement opposées à l’embargo. Son renouvellement se heurte aujourd’hui au très probable veto de Pékin et surtout de Moscou, qui espère décrocher de juteux contrats d’armement.

Mais il existe, juridiquement en tout cas, un moyen de contourner un
veto : si un Etat partie prenante à l’accord nucléaire atteste d’une violation significative de la part de l’Iran – ce qui pourrait in fine déclencher le retour des sanctions de l’ONU levées après sa signature en 2015.

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, les ministres des Affaires étrangères britannique Philip Hammond, russe Sergueï Lavrov, allemand Frank-Walter Steinmeier, français Laurent Fabius, chinois Wang Yi, la secrétaire générale de l’UE pour le Service d’action extérieure, Helga Schmid, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Sécurité, Federica Mogherini, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif et l’ambassadeur d’Iran à l’AIEA, Ali Akbar Salehi, pendant les négociations sur le programme nucléaire iranien, à Vienne, en Autriche, le 6 juillet 2015. (Crédit : Joe Klamar/AFP)

Du coup, un responsable américain et plusieurs diplomates expliquent que l’administration Trump tente d’affirmer que Washington est toujours en mesure d’attester d’une telle violation iranienne. Dans un argumentaire juridique émis l’an dernier, le département d’Etat américain relevait que les Etats-Unis étaient toujours inclus dans la liste des « Etats participants » dans la résolution onusienne de 2015.

Un comble, lorsque l’on sait que Donald Trump, jugeant cet accord trop laxiste, l’a unilatéralement dénoncé en 2018 et a rétabli et même renforcé les sanctions américaines contre Téhéran. Au grand dam de la Russie et de la Chine, mais aussi de ses alliés européens qui estiment toujours que le texte était le meilleur compromis possible pour empêcher l’Iran d’accéder au statut de puissance nucléaire.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, lors d’une conférence de presse à Téhéran, Iran, le 10 juin 2019. (Ebrahim Noroozi/AP)

Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, en réponse à un article du New York Times sur cette stratégie controversée, a estimé que Mike Pompeo espérait que la sortie américaine de l’accord aurait « mis à genoux l’Iran ».

« Etant donné son échec pitoyable, il veut maintenant être reconnu comme participant à l’accord. Cessez de rêver : la Nation iranienne décidera toujours de son propre destin », a-t-il lancé sur Twitter.

A Washington, la nécessité de prolonger l’embargo sur les armes fait l’objet d’un consensus partisan.

Mais les défenseurs de l’accord de 2015 redoutent que la stratégie du secrétaire d’Etat ait des effets pervers.

« Si Pompeo parvient à ses fins, le retour des sanctions internationales contre l’Iran signifierait l’effondrement de l’accord », prévient Kelsey Davenport, du cercle de réflexion Arms Control Association.

Elle craint même que Téhéran en profite pour quitter le Traité de non-prolifération nucléaire, « compliquant encore davantage de futures négociations avec l’Iran et renforçant le risque d’une crise atomique régionale ».

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