Israël nie toute intention de doubler le nombre de résidents dans les implantations
Les conseillers du Premier ministre tentent de limiter les dégâts auprès des États-Unis après des signaux susceptibles d'indiquer une volonté d'expansion majeure en Cisjordanie
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
WASHINGTON — Le cercle proche du Premier ministre Benjamin Netanyahu a cherché à assurer à l’administration Biden, mardi, qu’Israël ne prévoyait pas de procéder à une expansion majeure des implantations de Cisjordanie, malgré des signes qui ont semblé indiquer le contraire de la part de l’armée et d’un membre influent du gouvernement.
Les messages transmis par les plus proches conseillers de Netanyahu sont une reconnaissance de la colère qui a refait surface à Washington face aux politiques mises en vigueur en Cisjordanie par le gouvernement de la ligne dure, alors même que le Premier ministre cherche encore à se faire inviter à la Maison Blanche et qu’il espère que l’administration américaine interviendra en faveur d’un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite.
Si Netanyahu a insisté sur le fait que la question palestinienne ne devait pas influencer les décisions prises par les pays arabes en faveur de la normalisation des liens avec Israël, les analystes estiment que des changements fondamentaux qui surviendraient en Cisjordanie compliqueraient considérablement ce type d’initiative.
Haaretz avait fait savoir, la semaine dernière, que le ministre des Finances Bezalel Smotrich avait demandé à plusieurs bureaux gouvernementaux de se préparer à la multiplication par deux de la population vivant dans les implantations israéliennes, ajoutant que le dossier était une problématique centrale pour la coalition. Cette population est actuellement de 500 000 personnes environ.
Quelques jours plus tard, le chef du Commandement central de l’armée, Yehuda Fox, avait signé une ordonnance militaire qui révoquait l’interdiction, pour les Israéliens, d’entrer à Homesh, l’une des quatre implantations de Cisjordanie évacuées en 2005 dans le cadre du retrait d’Israël de la bande de Gaza.
Mais les propos tenus par Smotrich et la directive émise par Fox ont entraîné la colère de l’administration Biden – qui ne prévoit pas de présenter un plan de paix dans un futur proche mais qui cherche à garder en vie la possibilité de l’établissement d’un État palestinien viable dans la plus grande partie de la Cisjordanie.
Un officiel américain a confié au Times of Israel que l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Tom Nides, s’était insurgé contre les propos du ministre d’extrême-droite et contre l’émission du décret militaire au cours de discussions avec les responsables israéliens.
Ces derniers ont répondu à leurs homologues américains que l’objectif poursuivi par Smotrich n’était pas une politique officielle déployée par le gouvernement.
Jérusalem a aussi insisté sur le fait que la création d’une nouvelle implantation à Homesh n’était absolument pas envisagée, a continué le responsable américain, confirmant une information transmise par le site d’information Walla.
Des arguments qui n’ont guère convaincu l’administration Biden qui a rappelé que l’avant-poste avait été construit sur des terres privées palestiniennes, a noté l’officiel israélien.
Les conseillers du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont cherché à expliquer que l’ordonnance militaire avait été émise dans le but de pouvoir commencer à déplacer l’avant-poste vers une zone située à proximité, hors des terres privées palestiniennes.
Une telle justification ne devrait probablement pas émouvoir l’administration Biden, qui s’oppose fondamentalement à toute expansion israélienne en Cisjordanie – que ce soit sur des terres publiques ou privées.
Walla a ajouté que les conseillers de Netanyahu avaient expliqué que le décret militaire avait été rendu nécessaire face aux pressions politiques exercées sur le Premier ministre par ses partenaires de coalition d’extrême-droite – un autre argument auquel les États-Unis ne devraient pas se montrer sensibles.
Avant même la révocation, par Tsahal, de l’interdiction de toute présence israélienne à Homesh, des Israéliens se trouvaient dans l’avant-poste presque quotidiennement, étudiant dans une yeshiva artisanale.
La Haute-cour de justice a reconnu que l’avant-poste de Homesh a été construit sur des terres palestiniennes privées mais l’armée n’a pas encore donné le droit aux agriculteurs palestiniens de retourner régulièrement sur leurs parcelles.
Le site avait pris une nouvelle dimension politique à la fin de l’année 2021 après un attentat terroriste meurtrier qui avait ôté la vie à un étudiant de la yeshiva de Homesh – une attaque qui avait entraîné de nouvelles pressions en faveur de la reconnaissance officielle du séminaire religieux par le gouvernement.
La coalition est favorable à la légalisation officielle de Homesh et elle était parvenue à faire adopter, au mois de mars, une législation qui autorise la présence israélienne dans les quatre implantations du nord de la Cisjordanie qui avaient été évacuées en 2005, ouvrant la porte à leur reconstruction.
L’ordonnance militaire signée la semaine dernière a découlé de l’approbation de ce projet de loi.
La législation avait provoqué une convocation de l’envoyé israélien aux États-Unis, Michael Herzog — une première depuis plus d’une décennie.
Après la signature de l’ordonnance, jeudi dernier, l’administration Biden s’était contentée d’émettre un communiqué – l’un des plus durs jamais émis à l’égard d’Israël – disant que l’initiative prise était « contradictoire à la fois aux engagements pris par l’ancien Premier ministre Ariel Sharon et par le gouvernement actuel à l’égard des États-Unis ».
Le Premier ministre de l’époque, Ariel Sharon, avait envoyé un courrier au président américain George W. Bush, il y a vingt ans, dans lequel il s’engageait à évacuer les quatre implantations du nord de la Cisjordanie afin d’accorder l’espace nécessaire à un État palestinien contigu dans le secteur. En échange, Bush avait reconnu la nécessité, par écrit également, de procéder à des échanges de parcelles dans le cadre d’un futur accord de paix entre Israéliens et Palestiniens, permettant ainsi aux blocs d’implantations proches de la Ligne verte de rester sous le contrôle israélien.
Pour sa part, le gouvernement de Netanyahu estime que l’administration Obama avait été la première à revenir sur les engagements pris par les deux chefs de gouvernement en rejetant l’idée que les États-Unis souhaitaient faire la différence entre les blocs et les implantations installées dans les profondeurs de la Cisjordanie.
Mais la déclaration faite dimanche par le département d’État a également souligné les promesses faites par Israël à l’administration actuelle, en référence ostensible aux engagements pris lors de conférences régionales qui avaient eu lieu au mois de février et au mois de mars concernant l’arrêt de l’expansion des implantations en Cisjordanie – avec, de manière plus précise, un moratoire de quatre mois des discussions sur les nouvelles implantations et un gel de six mois sur la possible légalisation de nouveaux avant-postes.
« Développer encore les implantations israéliennes en Cisjordanie est un obstacle à la mise en place d’une solution à deux États », a continué le communiqué américain.