« J’ai craint pour ma vie », dit l’activiste agressé en protégeant un hameau palestinien
Alex Povolotsky a été violemment frappé alors qu'il montait la garde aux abords du hameau de Farasiya dans la Vallée du Jourdain
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Un activiste israélien qui a été frappé avec violence par des partisans présumés du mouvement pro-implantations alors qu’il aidait à protéger une communauté palestinienne rurale du nord de la vallée du Jourdain, a dit avoir craint d’être battu à mort pendant l’incident.
L’attaque a eu lieu avant l’aube, lundi, dans le petit hameau pastoral de Farasiya qui a subi des attaques répétées de résidents d’implantations extrémistes de la région, ont indiqué les activistes.
Alex Povolotsky, 39 ans, a été frappé à la tête et au torse et a essuyé de nombreux jets de pierres, le laissant gisant au sol et saignant abondamment de la tête. Gavriel, 70 ans, qui montait la garde à ses côtés – ce n’est pas son vrai prénom – a été roué de coups et aspergé de gaz lacrymogène.
Povolotsky, Gavriel et Tamar, une autre activiste – ce n’est pas non plus son vrai prénom – tentent d’apporter leur aide dans la communauté de Farasiya depuis plusieurs semaines et plus précisément depuis les atrocités qui ont été commises par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre, et le début de la guerre à Gaza. Ces événements ont entraîné une forte hausse des attaques perpétrées à l’encontre des Palestiniens de Cisjordanie par les partisans extrémistes du mouvement pro-implantations, des violences qui ont été largement documentées par les groupes activistes.
Ces agressions, qui ont été particulièrement loin dans le nord de la Vallée du Jourdain et dans le sud des collines de Hébron, ont amené plus de 1 000 Palestiniens issus de 15 communautés rurales à quitter leurs habitations, a indiqué le bureau de coordination des Affaires humanitaires des Nations unies.
Farasiya est un hameau minuscule situé aux abords de la Route 90, dans la Vallée du Jourdain, qui est habituellement habité par environ huit familles de bergers, même si elles ne sont pas présentes toute l’année. Suite aux attaques commises à leur encontre dans le sillage du 7 octobre, les familles avaient fui le hameau – sept sont depuis revenues.

Povolotsky, Gavriel et Tal font partie d’un groupe qui se nomme Jordan Valley Activists. Ses membres restent dans les communautés rurales palestiniennes pour tenter d’empêcher les attaques des membres du mouvement pro-implantations par leur seule présence. L’armée et la police israéliennes répondent plus facilement aux informations portant sur des attaques quand elles sont transmises par des Israéliens que ce n’est le cas lorsqu’elles sont rapportées par des Palestiniens, affirment-ils.
Ils se trouvaient tous les trois à Farasiya, dimanche soir, lorsqu’ils ont été réveillés vers 2 heures du matin par le bruit d’un tracteur labourant un champ aux abords du hameau.
Un groupe de jeunes Israéliens – les activistes ont déclaré que certains étaient des résidents de l’implantation voisine de Rotem et de l’avant-poste illégal des Fermes d’Asael – accompagnaient le tracteur et ils ont commencé à jeter des pierres sur les maisons de Farasiya, a raconté Povolotsky au Times of Israel.
« Gavriel est allé leur demander ce qu’ils faisaient », a ajouté Povolotsky.
« L’un d’entre eux a aspergé Gavriel de gaz lacrymogène directement dans les yeux, puis il l’a frappé de manière répétée… J’ai couru jusqu’à lui et je me suis interposé pour le protéger, en protégeant spécialement sa tête parce qu’ils nous jetaient des pierres. »
Les jets de pierres ont continué et Povolotsky a été violemment battu, blessé à la tête et au torse, avec une entaille au-dessus de son œil droit.
Povolotsky a appelé les services de secours du Magen David Adom tandis que Tamar, qui était restée à l’intérieur, a téléphoné à l’armée et la police. Les attaquants ont pris la fuite.
Quelques soldats sont venus en compagnie d’un policier qui a recueilli le témoignage de Gavriel. Une ambulance du Magen David Adom est arrivée, refusant d’entrer dans le hameau malgré la présence des militaires.
Povolotsky a noté qu’il avait dû parcourir avec difficulté une partie du chemin qui le séparait de l’ambulance, les personnels refusant de quitter la route principale. Un brancard a finalement été apporté et il a été pris en charge à l’hôpital HaEmek d’Afula, où les médecins ont procédé à des points de suture sur sa blessure à la tête.
Gavriel n’a pas voulu aller à l’hôpital, refusant de laisser Tamar seule.
Povolotzky a porté plainte au commissariat de Maale Adumim, dans le district de la police de Benjamin, dans la journée de lundi.
« C’était vraiment effrayant. J’ai pensé qu’ils allaient nous lyncher », raconte-t-il. « C’est ce que vivent notamment les Palestiniens en permanence. Nous sommes privilégiés ; nous appartenons au camp qui domine. Ces familles vivent sous cette menace au quotidien. »
Povolotsky accuse les attaques menées actuellement contre les Palestiniens d’avoir pour objectif de procéder à « un nettoyage ethnique » du secteur.
« J’éprouve un sentiment personnel de responsabilité, le sentiment de devoir faire tout ce qui est possible dans de telles circonstances. Je ne peux pas rester à l’écart en observant ces violences, l’expulsion de ces familles… Sinon, la situation sera irréversible et ils ne pourront jamais revenir. Ces gens procèdent à un nettoyage ethnique dans la région toute entière », s’est-il exclamé.
« C’est pour ça que nous restons là 24 heures sur 24 – parce qu’aussitôt que nous partons, ils attaquent. Et il n’y aura personne pour les protéger et pour appeler la police. »

L’organisation Yesh Din, qui s’oppose aux implantations et qui traque les violences des extrémistes juifs, dit avoir enregistré 242 attaques de ce type dans plus de 80 villes et villages depuis le 7 octobre.
Ces violences sont documentées par les cinq chercheurs de l’organisation qui, sur le terrain, interrogent des témoins ou des victimes de ces agressions, recevant parfois des informations de la part d’intermédiaires ayant assisté aux incidents, dit Yonatan Kanonich, directeur de recherche au sein de l’organisation.
Kanonich affirme que la majorité de ces attaques ont été filmées et qu’il existe donc des vidéos attestant des faits même si, dans certains cas, les téléphones mobiles qui ont été utilisés par les Palestiniens pour enregistrer les images ont été cassés par leurs agresseurs.
Il ajoute que malgré les informations portant sur une baisse des attaques anti-palestiniennes, ces dernières semaines, il y en a eu 17 la semaine dernière seulement.
Un porte-parole de la police a annoncé qu’une enquête avait été ouverte sur l’incident survenu à Farasiya mais que les forces de l’ordre n’avaient procédé pour le moment à aucune arrestation.