John Lewis salué pour son renforcement des liens entre Juifs et Afro-américains
Le responsable politique démocrate, qualifié par l'ADL de "boussole morale" de la nation, a annoncé lutter contre un cancer

WASHINGTON (JTA) — La coalition entre Juifs et Afro-américains qui s’est battue, depuis les années 1960, en faveur des droits civils a une forte connexion avec Atlanta. Il y aurait trois raisons à cela : une population afro-américaine substantielle, une communauté juive relativement importante et John Lewis.
Ce responsable politique démocrate et membre du Congrès de longue date originaire de Georgie, âgé de 79 ans, qui a annoncé dimanche souffrir d’un cancer du pancréas de stade 4, est proche des groupes juifs depuis des décennies. Et cette relation particulière s’est reflétée à travers les réactions des organisations de la communauté juive à l’annonce faite par John Lewis de sa maladie.
« Le représentant Lewis a été un combattant pendant toute sa vie, depuis la ferme miséreuse où il a passé son enfance dans l’Alabama à la longue lutte en faveur des droits civils, cette promesse faite de l’Amérique à tous ses habitants, en passant par son service à la Chambre américaine des représentants au cours des trente-deux dernières années », a fait savoir l’AJC (American Jewish Committee) dans un communiqué émis dimanche.
Jonathan Greenblatt, directeur-général de l’ADL (Anti-Defamation League), l’a qualifié de « boussole morale de notre nation », ajoutant qu’il avait « défini la norme de la poursuite vertueuse de la justice et de ce qui est bon ». « Ce n’est pas une exagération : M. Lewis a transformé notre pays à travers son combat et son esprit de leadership », a écrit Greenblatt dans un courriel adressé à la JTA.
Steve Cohen, un représentant démocrate du Tennessee et membre juif du Congrès représentant une circonscription majoritairement afro-américaine située à Memphis et ses alentours, a qualifié John Lewis de « voix héroïque de la conscience à une époque où les valeurs sont en diminution. Il est un saint américain ».
Parmi les autres députés juifs ayant fait son éloge, la sénatrice démocrate de Californie Dianne Feinstein et le président de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, représentant démocrate de New York.
Le parlementaire tente d’établir des partenariats avec les Juifs depuis qu’il a aidé à organiser la marche vers Washington en 1963. Lui et le rabbin Joshua Heschel figuraient parmi les leaders de la marche vers Selma, en 1965, et une photo des deux hommes formant une avant-garde aux côtés de dix autres personnes – aux côtés, notamment, du révérend Martin Luther King Jr. – est devenue emblématique.

En 2012, alors qu’il s’exprimait durant un événement organisé par l’AJC à la convention nationale démocrate à Charlotte, en Caroline du Nord, Lewis avait montré son impatience face au schisme qui s’était développé entre les Afro-américains et les Juifs au cours des décennies sur des questions telles que la discrimination positive et Israël.
« Si nous nous connaissons les uns les autres, si nous nous comprenons les uns les autres, alors il n’y aura plus de schisme », avait-il encouragé.
C’est de l’AJC dont John Lewis était le plus proche parmi toutes les organisations juives. Sous son égide, celui qui était alors conseiller municipal d’Atlanta a co-fondé la Black-Jewish Coalition d’Atlanta, en 1982. Cette année-là, il a accordé sa bénédiction et servi comme co-président du Black-Jewish Caucus au Congrès, qui est également une initiative de l’AJC.
Il soutient Jon Ossoff, candidat juif au Sénat américain de Georgie qui espère l’emporter face au sénateur en titre républicain, David Perdue, en 2020.
Son statut de quasi-martyr du mouvement des droits civils – il avait été sauvagement frappé par la police en 1956 à Selma – a conféré à John Lewis une aura de plus en plus rare : celle d’un responsable politique apprécié et reconnu des deux côtés de l’échiquier politique.
Kellyanne Conway, conseillère du président américain Donald Trump – aux propos souvent acerbes – a ainsi écrit sur Twitter qu’elle souhaitait faire part de « ses prières et de son réconfort à un héros des droits civiques courageux et intemporel ».
Au début du mois, le sénateur Johnny Isakson, républicain de Georgie qui a annoncé quitter le Congrès en raison de la maladie de Parkinson, s’était rendu dans l’autre chambre parlementaire pour écouter Lewis prononcer un discours d’hommage. Lewis avait terminé son allocution en traversant la salle et en allant étreindre son collègue avec affection, choquant certains républicains présents.

Les groupes juifs, au fil des années, se sont ralliés aux causes défendues par le responsable politique – et l’ont également défendu. Le mouvement réformé, l’AJC et l’ADL l’ont ainsi rejoint dans con combat pour faire de la protection du droit de vote des minorités une priorité absolue. Et, en 2017, lorsque Trump l’avait attaqué sur Twitter en accusant, « des mots et aucune action » – Lewis avait auparavant mis en doute la légitimité de son élection – les trois groupes avaient riposté au président.
« C’est faux ! Sa vie n’a été qu’action et résultats obtenus. Il a changé l’histoire des États-Unis », avait répondu l’AJC.
La légitimité de Lewis au sein des groupes Juifs a empêché ces derniers d’ignorer ses critiques. Cette année, l’élu a apporté son parrainage à une résolution s’opposant aux lois qui pénalisent les personnes boycottant Israël – une mesure soutenue à la fois par l’AJC et l’ADL. Il avait expliqué que s’il n’approuvait pas le mouvement anti-israélien BDS (Boycott, Divestment and Sanctions) – qu’il rejette – les boycotts étaient au cœur du mouvement des droits civils et qu’il les considérait comme entrant dans le cadre de la liberté d’expression.
En 2015, Lewis avait été le porte-parole des députés afro-américains qui avaient boycotté le discours prononcé par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu au Congrès, au cours duquel ce dernier s’était vigoureusement opposé aux efforts livrés par le président Barack Obama pour négocier un accord sur le nucléaire avec l’Iran. Les parlementaires avaient considéré cette allocution comme un affront fait au premier président afro-américain par le président de la Chambre d’alors, John Boehner, républicain de l’Ohio.
« Je suis attristé que le président vienne menacer cette position historique, ce soutien bipartisan offert à nos sœurs et à nos frères israéliens, par cette action », avait déploré John Lewis.
D’après un communiqué émis lundi par son bureau, le membre du Congrès continuera à assumer ses fonctions à la chambre jusqu’au commencement de son traitement. Les médecins ont estimé qu’il avait une « chance de se battre », a continué le communiqué.
« J’ai connu différentes formes de combat – en faveur de la liberté, de l’égalité, des droits de l’Homme élémentaires – pendant presque toute ma vie », a indiqué John Lewis. « Je n’ai jamais eu à faire face à un combat tel que celui qui m’attend aujourd’hui ».