« Le Hamas n’a pas tué ton rêve » : L’éloge funèbre des pacifistes à Vivian Silver
Lauréate de nombreux prix pour son engagement en faveur de la paix, elle avait participé à la création de Women Wage Peace et avait mis en place des programmes d'aide pour les de Gazaouis
Des centaines de proches, Juifs et arabes, de la pacifiste israélo-canadienne Vivian Silver ont rendu hommage jeudi à une « femme hors du commun » et « porteuse d’espoir » tuée lors de l’attaque du groupe terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre.
Ils se sont réunis au kibboutz Gezer, dans le centre d’Israël, où la militante avait vécu dans les années 1970. Elle a été assassinée à l’âge de 74 ans dans sa maison du kibboutz de Beeri, proche de la bande de Gaza.
Venues d’horizons très divers, les personnes qui ont pris la parole ont dit leur profonde douleur face à la mort de Silver mais aussi leur détermination à poursuivre les causes pour lesquelles elle se battait : la paix et le féminisme.
« C’était une femme exceptionnelle », a dit à l’AFP Emilie Moatti, ancienne députée travailliste de la Knesset et proche de la défunte.
La mort de Mme Silver, disparue depuis l’attaque de son kibboutz, a été rendue publique mardi par les autorités israéliennes.
Le kibboutz de Beeri, à moins de cinq kilomètres à l’est de la frontière avec la bande de Gaza, a été ravagé par les terroristes du Hamas le 7 octobre. Au moins 85 personnes y ont été tuées et une trentaine d’autres prises en otage ou portées disparues, sur les 1 200 habitants.
Vivian Silver, 74 ans, avait mis en place des programmes d’aide pour les habitants de Gaza et les aidait à se faire soigner en Israël.
Elle avait remporté de nombreux prix pour son engagement en faveur de la paix et participé en 2014 à la création d’un mouvement féministe et pacifiste israélien, Women Wage Peace (WWP).
Lumière
En larmes, son amie Ghadid Hani, une arabe israélienne de Hura, ville bédouine du sud d’Israël, qui militait avec elle au sein de WWP, a raconté son dernier échange avec Vivian Silver durant l’attaque du Hamas.
« Tu m’as dit que ça allait mais que tu entendais des bruits et puis mes messages n’ont plus reçu de réponses », raconte Mme Hani, vêtue de noir et voilée, une écharpe bleue azur autour du cou, un des symboles du mouvement WWP.
« Tu disais que l’obscurité ne se repousse que par la lumière, comme j’aimerais que tu sois là pour apporter de la lumière et de l’espoir comme tu le faisais toujours », ajoute-t-elle.
« Ma chère Vivian, si tu m’entends, je veux te dire que le Hamas n’a pas tué ton rêve. »
« Il est impossible de détruire l’humanité, la solidarité, le désir d’un avenir plus sûr », a ajouté Hani.
Parmi la foule rassemblée sur la pelouse verdoyante du kibboutz Gezer, des Juifs orthodoxes, des bédouins, des femmes voilées et beaucoup de femmes vêtues de blanc avec l’écharpe bleue des WWP.
« Vivian était un symbole de paix, une femme porteuse d’espoir », témoigne la co-fondatrice de WWP, Marie-Lyne Smadja.
« Il faut gagner cette guerre et après, il faudra changer les paradigmes, se remettre en question mais d’abord écraser le Hamas et libérer les otages », dit-elle.
Le mouvement Women Wage Peace (« Les femmes font la paix ») dont l’idée a germé pendant la guerre entre Israël et le Hamas de juillet-août 2014 à Gaza compte des dizaines de milliers d’adhérentes.
« Le seul moyen de vivre en sécurité ici c’est de faire la paix », répétait Mme Silver, selon son fils Yonatan Zeigen.
« Nous, les vivants, continuerons à briller, à persévérer et à faire tout pour apporter le lendemain dont tu parlais toujours. Avec ton absence, je suis retombé amoureux des mots comme paix, égalité des sexes et fraternité », a déclaré M. Zeigen, lors de la cérémonie.
Qualifiant « d’horreurs » les exactions du Hamas le 7 octobre, le député arabe israélien Ahmad Tibi a confié à l’AFP être venu à cet hommage pour la mémoire d’une « femme hors du commun (…) qui pensait aussi au bien-être des gens de Gaza ».
Ayman Odeh, député arabe à la Knesset et chef du parti Hadash-Taal, a dit de Silver, en s’adressant aux journalistes, qu’elle était « la lumière étincelante de notre communauté », regrettant qu’« au lieu de danser avec elle une fois obtenue la paix, elle ait été victime de l’épouvante ».
Dov Khenin, membre de longue date de la Knesset sous les couleurs de Hadash, a confié à la Jewish Telegraphic Agency qu’il avait « le cœur brisé » et que Vivian « était d’un grand optimisme, toujours très souriante et agréable » lorsqu’elle travaillait avec lui sur toutes ces campagnes en faveur de la coexistence judéo-arabe.
« Nous te promettons, Vivian, de continuer ton œuvre, plus résolues et courageuses que jamais », a déclaré Avital Brown de Women Wage Peace. Brown s’est engagée à « continuer d’œuvrer avec nos partenaires palestiniennes et la communauté mondiale des femmes ».
Après le dernier discours, les membres de Women Wage Peace, toutes vêtues d’écharpes bleu clair, ont formé un cercle et chanté des chansons folkloriques israéliennes, en terminant par « Nous vaincrons ».
« Tu nous as appris ce qui était le plus important : être humain, considérer l’autre, le faible, celui dont la voix n’est pas entendue », a déclaré Hani, qui a dit sa difficulté à dire au revoir à Silver alors que la guerre fait rage.
« Je suis là, interdite », a-t-elle dit. « Nous sommes tous sous le choc. Que nous dirais-tu de faire maintenant ? Comment continuer sans toi ? »