Juifs et Palestiniens côte à côte pour reconstruire une maison frappée par l’ouragan Harvey
Des bénévoles du New Jersey disent que l'ouragan a apporté une opportunité de bâtir des passerelles entre les communautés, accomplissant la vision du 'melting pot' américain

NEW YORK — De toutes les maisons situées dans les quartiers de Houston ravagés par les eaux, c’est dans celle de la famille Khoury qu’un groupe de bénévoles juifs du New Jersey s’est rendu.
« La première chose que j’ai entendue lorsque je suis arrivé a été l’accent de la mère. Elle a pris dans ses bras le rabbin qui portait sa kippa noire et son tzitzit. « Nous sommes Palestiniens. Vous êtes Juifs. C’est le meilleur pays au monde ! C’est l’Amérique ! », se souvient Scott Wisotsky, décrivant le moment où lui et les autres bons Samaritains qui l’accompagnaient sont arrivés au domicile de Victor et Mary Khoury.
Wisotsky a fait le voyage vers Houston en compagnie de membres de la branche du New Jersey de Mesorah, un réseau de jeunes professionnels juifs. C’est le chef de cette branche associative, le rabbin Rabbi Yehoshua Lewis, qui a pris la tête du groupe de 11 bénévoles décidés à venir en aide aux habitants des maisons détruites par les inondations qui ont suivi l’ouragan Harvey.
De retour à New York, Wisotsky explique que l’équipe est encore sidérée par le fait que sur toutes les maisons où elle aurait été susceptible d’intervenir – l’ouragan qui a sévi le 25 août a détruit plus de 100 000 foyers dans la ville – la maison dans laquelle elle a été amenée à aider ait appartenu à des Américains palestiniens. Pour la majorité de ces bénévoles juifs, cela a été la première fois qu’ils ont eu l’occasion de pénétrer dans une habitation palestinienne.
« Ce sont deux cultures qui se sont rassemblées. Pourquoi faut-il une catastrophe pour nous placer côte à côte ? Américains, Juifs, Palestiniens – nous ne formons pourtant qu’un seul peuple », s’exclame Wisotsky.

La famille Khoury, qui vit dans le quartier de Fleetwood, a survécu à trois ouragans avant Harvey. Chaque tempête est venue et est passée, sans une fuite. La nuit de Harvey, le couple avait pris place dans le salon, au premier étage, lorsque l’eau a commencé à pénétrer à l’intérieur, raconte Mary Khoury.
« Le niveau montait très vite et nous avons grimpé à l’étage supérieur. Nous avons dû être évacués au petit matin par les gardes-côtes. Tout flottait dans l’eau sale et dans les eaux usées », ajoute Khoury lors d’un entretien téléphonique accordé au Times of Israel.
Le quartier de la famille Khoury s’étend entre deux barrages et les corps d’ingénieurs militaires ont libéré de l’eau depuis ces deux réserves aux environs de 2 heures du matin le 28 août, inquiets qu’une défaillance de ces retenues d’eau puisse entraîner l’immersion de la moitié de Houston.
Tout le premier étage de l’habitation du couple Khoury est resté submergé par les eaux stagnantes pendant deux semaines.
« En l’espace d’un clin d’oeil, nous avons tout perdu. Les meubles, les choses que nous collectionnions, les photos, les livres. C’est difficile. Je n’ai plus trente ans. Je suis à la retraite, mon mari est à la retraite. Quand je vais à la maison, je suis paralysée. Je n’ai même plus une seule assiette », explique Khoury. « Que pouvons-nous faire ? Ce n’est pas seulement moi. C’est tout le monde ».
Wisotsky regardait les informations sur l’ouragan depuis son appartement cosy de l’Upper West Side lorsqu’il a ressenti l’absolue nécessité de faire quelque chose – n’importe quoi.

Il est rapidement entré en contact avec Mesorah. Une fois à Houston, le groupe a travaillé sous la direction de l’organisation à but non-lucratif NECHAMA – Réponse juive au désastre.
Le groupe a décollé de l’aéroport de Newark à six heures du matin le dimanche 17 septembre. Un peu moins de quatre heures plus tard, l’avion touchait le sol du tarmac de Houston. Wisotsky a regardé par la fenêtre. Peut-être n’y a-t-il pas eu de problèmes à Houston, se souvient-il avoir pensé. Tout semblait aller bien à l’aéroport.
Il a été difficile pour Wisotsky de croire que l’ouragan avait fait, selon les estimations, jusqu’à 160 milliards de dégâts. Passant en voiture dans le centre-ville, les bénévoles ont bien vu des tapis et des meubles sur les trottoirs. Mais rien ne les avait préparé au spectacle de désolation qu’ils allaient découvrir.
Après être descendu de l’avion, le groupe a récupéré ses sacs et est allé prendre possession de ses voitures de location. Plutôt que de se rendre à l’hôtel, les bénévoles se sont directement rendus à la première adresse figurant sur leurs listes. Alors qu’ils conduisaient, Wisotsky indique qu’ils ont un peu plaisanté sur la normalité apparente de ce qu’ils voyaient.
Puis l’énormité de la catastrophe les a frappés de plein fouet.
« Imaginez que tout ce qui est à vous est jonché sur une pelouse. Des piles de livres, des albums de photo, des canapés, des vêtements, des clous, des plaques en placo, des fils. Tout ça dehors : Dans la rue. Pâté de maisons après pâté de maisons », raconte le rabbin Lewis.

Comme Wisotsky, c’était la première fois que Lewis s’était porté volontaire pour intervenir suite à une catastrophe naturelle.
« Vous sautez à pieds joints dans la vie des gens en leur venant en aide à un moment difficile. J’ai été surpris de voir combien ils avaient besoin de ce secours », dit-il.
Portant des lunettes de protection, des masques et des gants, le groupe a sorti des morceaux de mur moisis et traîné des planches boueuses hors de la maison. Les bénévoles ont également aidé à faire le tri dans les objets personnels des Khoury pour voir ce qui pouvait être sauvé et ce qui devait être jeté. Cela a été un travail minutieux.

« J’ai de vrais bons amis et je ne me suis jamais introduit de cette façon dans leurs affaires personnelles. Vous rencontrez un parfait inconnu et vous entrez dans tout ce qui fait son intimité. Des lettres, des photos de bébé, des albums de mariage », confie Wisotsky.
La famille Khoury et les bénévoles ont discuté en travaillant. Ils ont parlé cuisine et culture, ainsi que de politique et du conflit. Victor Khoury leur a déclaré que ce n’était pas une coïncidence si une organisation juive avait été envoyée à son domicile.
Ancien propriétaire d’un restaurant en Russie au début des années 1990, Khoury a fait passer de l’argent hors du pays à trois familles juives qui n’avaient pas été autorisées à l’emporter avec elles lorsqu’elles avaient immigré, a-t-il raconté.
Mary Khoury indique que son époux et elle ont eu le sentiment que leur vie était revenue à son point de départ. Des Palestiniens venant en aide aux Juifs, des Juifs venant au secours de Palestiniens.
« Le groupe était tellement adorable », a-t-elle commenté. « Je les bénis pour être venus depuis le New Jersey pour nous aider. J’ai tout publié sur Instagram. J’ai des abonnés en Jordanie et au Koweït. Jamais l’un de mes posts n’a obtenu tant de [mentions] ‘j’aime’. C’est comme ça que tout devrait se passer. Les êtres humains sont tous des êtres humains », a-t-elle conclu.
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