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La campagne de Becca Balint au Congrès US est un hommage aux survivants de la Shoah

« J’ai grandi en sachant que les gens pouvaient faire des erreurs quand ils avaient peur », affirme la candidate « juive », soutenue par Bernie Sanders

Becca Balint en campagne pour représenter le Vermont au Congrès, dans une photo non datée de cette année. (Crédit : Becca Balint pour le Congrès des États-Unis/via la JTA)
Becca Balint en campagne pour représenter le Vermont au Congrès, dans une photo non datée de cette année. (Crédit : Becca Balint pour le Congrès des États-Unis/via la JTA)

Becca Balint porte ses mains au visage, en signe de panique, pour évoquer la réaction de son père, survivant de la Shoah, lorsqu’elle lui a dit, un jour, que le facteur était sympathique.

« Cela l’inquiétait énormément que le facteur semble en savoir beaucoup sur ma vie et sur celle de mes voisins », poursuit-elle, à propos de son emménagement à Brattleboro, dans le Vermont, il y a une quinzaine d’années.

Depuis le canapé situé sur son porche, Balint se penche vers la caméra de la réunion Zoom. « Le facteur est venu et a dit : ‘Oh mon Dieu, comment faites-vous pour vivre dans une petite ville où tout le monde sait ce que vous faites ?’  »

Balint, âgée de 54 ans, candidate démocrate pour l’unique siège du Vermont à la Chambre des représentants, mène une campagne fortement inspirée par l’expérience de la Shoah vécue par sa famille, mais pas seulement.

Si elle est élue (et il est probable qu’elle le soit, cette circonscription étant considérée par les experts comme un bastion démocrate), elle apportera à la Chambre une éthique forgée par la Shoah dans une mesure jamais vue depuis que Tom Lantos, unique démocrate survivant élu au Congrès, est mort en fonction, en 2008.

« Ce qui est arrivé à ma famille pendant la Shoah a guidé toute ma vie d’adulte, m’a encouragé à cultiver la compassion et tenter d’apaiser les divisions », explique-t-elle.

« La montée des autocrates et de l’autoritarisme, ce n’est pas de la théorie pour moi. Ces choses là ont eu un impact direct sur ma famille et [c’est important] que les gens comprennent que ce n’est pas si ancien, que cela nous affecte encore aujourd’hui et que cela peut nous guider en ce moment. »

La présidente du Sénat du Vermont, Becca Balint, prononce un discours de victoire à ses partisans réunis à Brattleboro, dans le Vermont, le 9 août 2022. (Crédit : Kristopher Radder/AP)

Dans une interview en toute franchise, Balint explique que sa mère n’est pas juive et qu’elle est mariée à Elizabeth Wohl, dont le père est juif mais la mère, non. Balint se dit issue d’une famille « juive ».

« Ma vie spirituelle est un amalgame de judaïsme, de quakerisme et de bouddhisme – et je sais que certains de vos lecteurs pourront trouver cela étrange, voire offensant », a-t-elle écrit dans un courriel vendredi, au lendemain de l’interview.

« Mais je pense que c’est une partie importante de mon histoire, pas si rare chez les Juifs de gauche du Vermont. »

Durant l’interview, Balint a évoqué des conversations avec son père lors de son entrée en politique, lorsqu’elle a été élue au Sénat du Vermont, en 2014.

« ‘Quand j’ai été élue pour la première fois, mon père m’a appelée pour me demander si “On avait crevé mes pneus ou tagué ma maison’.»

« Je sais que c’est un traumatisme profondément enraciné, alors je fais avec, mais c’est un peu difficile, à chaque fois, de commencer par ça. »

Dans son courriel du lendemain, elle écrit : « Je voudrais m’assurer d’avoir eu l’air profondément aimante et respectueuse de mon père. Il a vécu un traumatisme terrible : je sais que c’est un fardeau horriblement douloureux à porter. Je ne voudrais jamais avoir l’air irrespectueuse envers lui. Il a été un père merveilleux. »

La sénatrice Becca Balint, de l’État du Vermont, candidate à l’investiture du Parti démocrate pour le siège vacant du Vermont à la Chambre des représentants des États-Unis, s’adresse aux électeurs de Colchester, dans le Vermont, le 24 juillet 2022. (Crédit : AP Photo/Wilson Ring, dossier)

Elle n’avait pas besoin de s’inquiéter : il est clair qu’elle adore son père. Quiconque connaît ou a vécu avec la deuxième génération de survivants de la Shoah comprend immédiatement les sentiments ambivalents que Balint a ressentis toute sa vie durant. Le besoin incontrôlable des parents survivants de protéger leurs enfants peut être à la fois source de réconfort et de colère.

« Il m’a élevé avec un fort sens de la justice sociale et un scepticisme sain à l’égard de la condition humaine », écrit Balint à propos de son père. « J’utilise tout ceci au quotidien, dans mon travail. »

Peter Balint est né en Hongrie et sa famille s’est installée en Allemagne après les bouleversements de la guerre. Sa famille a émigré aux États-Unis quand il avait 13 ans. Becca Balint est né dans un hôpital de l’armée américaine à Heidelberg, où il était stationné. Elle a grandi dans l’État de New York et a vécu sa vie d’adulte dans le Michigan et en Californie, avant de s’installer dans le Vermont en 1994.

Balint, qui a brillamment remporté sa primaire du 9 août, a fait du traumatisme de la Shoah vécu par son père – mais aussi de sa détermination à en sortir – une pièce maîtresse de sa campagne.

« Je sais ce qui peut arriver quand nous nous détournons l’un de l’autre », c’est ainsi que commence son spot publicitaire pour la télévision, avec en filigrane des photos de son grand-père, Leopold Balint.

« Mon grand-père a été assassiné lors d’une marche de la mort pendant la Shoah. J’ai grandi en sachant que les gens pouvaient faire des erreurs quand ils avaient peur. »

Puis on voit Balint, sa femme et leurs deux enfants, en train de chanter les bénédictions de Hanoukka, affirmation publique de leur identité juive.

La victoire de Becca Balint dans la primaire démocrate du Vermont, en août 2022, indique qu’il est probable qu’elle remporte le seul siège de l’État à la Chambre des représentants en novembre. (Crédit : Campagne Balint via la JTA)

Le spot professe une vision du monde complètement opposée à ce qu’elle a pu entendre pendant son enfance.

« Nous avons ressenti le soulagement qui vient lorsque nous cessons de nous détourner les uns des autres et que nous nous retrouvons, que nous nous acceptons », dit-elle. « Je pense que nous sommes trop souvent encouragés à rejeter les autres. »

Elle pourrait aussi bien décrire son père, qui, selon elle, l’a encouragée à la plus grande prudence dans ses relations de voisinage.

« J’ai mis du temps à comprendre que l’entourage pouvait être une force pour changer le monde », écrivait-elle en 2012, deux ans avant de se présenter à une charge publique. « Mon père a toujours hésité à se lier avec ses voisins, encore aujourd’hui. »

Balint s’est fait une réputation de « pacificatrice » en tant que leader du Sénat de l’État, en parvenant à faire adopter des lois complexes avec le soutien de toutes les parties prenantes.

Balint, qui est titulaire d’une maîtrise en éducation de Harvard et d’une maîtrise en histoire de l’Université du Massachusetts à Amherst, évoque un souvenir éminemment triste.

Le professeur de sa tante, en Hongrie, qui recueillait des informations au profit des autorités, avait demandé aux étudiants si leurs parents étaient juifs.

« Ce sont les blessures qui ne guériront jamais, jamais », confie-t-elle.

Elle indique que sa rivale aux élections primaires, la gouverneure Molly Gray, avait axé sa communication de campagne sur sa naissance dans une ferme du Vermont.

« Nombre de Vermontois sont venus me dire a ce moment-là : ‘Ce n’est pas ce à quoi nous aspirons’.»

« Loin de moi l’idée de vouloir critiquer sa stratégie de campagne, mais je trouve le verdict des urnes très encourageant. »

Balint l’a emporté sur Gray par 60 % contre 37 % des suffrages.

La gouverneure Molly Gray s’adresse aux électeurs de Middlesex, dans le Vermont, le 20 juillet 2022. (Crédit : AP Photo/Wilson Ring)

Ses spots de campagne mettent en avant ses premières – première femme chef de la majorité au Sénat de l’État du Vermont – et, si elle gagne, première membre du Congrès – ainsi que sur ses victoires législatives, dans les domaines de la santé reproductive, des soins de santé et du logement.

Elle a reçu l’appui du sénateur juif de l’État, Bernie Sanders.

« Il m’a dit : ‘Je ne veux pas juste vous donner mon appui, je veux vous aider à gagner l’élection, je veux faire cette tournée dans le Vermont. Avant tout, il faut nourrir les gens. Les nourrir et les divertir.’ » Donc, ces questions ont été traitées en priorité. »

Les réunions de soutien de cet été ont mis en avant le groupe The Western Terrestrials et les macaroni au fromage.

Balint, qui incarne la gauche du parti, s’attendait à ce que le petit noyau de démocrates progressistes qui soutiennent le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanction d’Israël (BDS), la rejette. Elle ne soutient absolument pas BDS.

« Cela a été incroyablement douloureux pour une grande partie de la communauté juive, en particulier autour de Burlington, lorsque le conseil municipal a voté sur des questions liées au BDS », confie-t-elle. « Je suis positionnée à gauche de mon parti. Je sais que ce sera une dynamique différente. Je pense que c’est contre-productif.

Elle a rencontré le président sortant, Peter Welch, qui a remporté l’investiture démocrate pour succéder au sénateur Patrick Leahy, qui prend sa retraite. Elle s’est également entretenue au téléphone avec le représentant Jamie Raskin, le Démocrate juif du Maryland.

Constitutionnaliste, Raskin fait partie du comité d’enquête sur l’insurrection du 6 janvier 2021 au Capitole, dirigée par ceux qui colportent les propos de Donald Trump selon lesquels il aurait en fait remporté les élections de 2020.

C’est « quelqu’un que j’admire absolument », dit-elle de Raskin.

« Je lui ai parlé il y a quelques jours au téléphone. Il m’a dit : « Becca, nous avons une démocratie à sauver, c’est cela qui nous attend. » Et je sais que c’est vrai. Et donc je vais me tourner vers des gens comme lui, avec une vision très claire, pour m’aider à comprendre comment naviguer, parce que je vais être une éponge. »

Le grand-père de Balint, lors de la marche de la mort menant de Mauthausen aux camps de concentration de Gunskirchen en Autriche, quelques semaines avant la libération, s’est arrêté pour aider un camarade malade, sachant qu’ils risquaient tous deux d’être abattus. C’est ce qui arriva.

Balint ne le dit jamais explicitement, mais le choix entre la mort et faire le mal est une évidence pour elle. Elle dit aspirer à « une intrépidité subtile ».

Lorsqu’on lui demande ce que cela signifie, elle expliqu que « peu importent les provocations, peu importent les insultes, je sais qui je suis. Donc, quelles que soient les manœuvres, ça ne prendra pas avec moi. »

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