La coalition dénonce l’audience consacrée à une requête sur l’aptitude de Netanyahu
La Haute-cour a organisé une audience suite à une requête qui réclame que le Premier ministre Benjamin Netanyahu soit déclaré inapte à son poste de Premier ministre

Les leaders de la coalition ont raillé la Haute-cour, samedi, pour l’audience organisée suite à une requête qui réclame que le Premier ministre Benjamin Netanyahu soit déclaré inapte à son poste de Premier ministre, affirmant que le fait de seulement délibérer au sujet de cette possibilité était l’équivalent d’un coup d’état.
Vendredi, le tribunal a donné un mois à Netanyahu pour répondre à une requête qui avait été soumise, jeudi, par l’organisation Mouvement pour un Gouvernement de Qualité, qui affirme que le Premier ministre contrevient à un accord sur les conflits d’intérêt qu’il avait conclu et qui lui interdisait de s’impliquer dans des dossiers susceptibles d’affecter son procès pour corruption en cours. La procureure-générale Gali Baharav-Miara, pour sa part, devra présenter son positionnement sur la question aux magistrats avant le 12 mars.
Le groupe a spécifiquement cité la législation que le gouvernement tente actuellement d’avancer, qui prévoit de réduire de manière drastique la possibilité, pour la Haute-cour, de réexaminer des lois et qui accorderait au gouvernement le contrôle de la nomination des juges – des composantes de cette refonte radicale devraient être présentées lors d’un vote initial dès lundi.
« C’est une tentative illégale visant à renverser un Premier ministre en exercice, ce qui n’est guère différent d’un coup d’état militaire », a fait savoir un communiqué émis par les chefs de la coalition en référence à l’audience. « Aucune autorité judiciaire, notamment la Haute-cour, n’a l’autorité suffisante pour mener ce genre d’action. Seule la nation peut décider du Premier ministre et seule la nation, par le biais de ses représentants à la Knesset, peut décider de la fin éventuelle de son mandat ».
« La nation et ses représentants n’accepteront jamais une délibération judiciaire sur la possibilité d’un coup d’état », a-t-elle ajouté.
Le communiqué a été émis au nom de tous les chefs de faction de la coalition de Netanyahu – qui comprend son parti du Likud, trois formations d’extrême-droite et deux partis ultra-orthodoxes – à l’exception du Premier ministre lui-même. C’est le ministre de la Justice, Yariv Levin, qui est le numéro deux du Likud, qui l’a signé à la place de Netanyahu.
Les leaders de la coalition avaient émis un communiqué similaire, le mois dernier, après des informations rapportées par les médias qui avaient laissé entendre que Baharav-Miara réfléchissait à ordonner à Netanyahu de prendre un congé exceptionnel. Elle avait ensuite démenti avoir envisagé une telle initiative.

Répondant au communiqué de samedi, le Mouvement pour un Gouvernement de Qualité a fustigé les dirigeants de la coalition. « Certains d’entre eux sont des criminels condamnés qui ne reconnaissent pas l’état de droit », a noté le groupe, faisant apparemment référence au responsable du Shas, Aryeh Deri, et au ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite Itamar Ben Gvir, qui ont tous les deux été reconnus coupables dans des dossiers criminels.
Le groupe a insisté sur le fait que la Haute-Cour avait l’autorité nécessaire pour juger de l’aptitude de Netanyahu à son poste, faisant remarquer le jugement rendu, le mois dernier, contre Deri, qui avait dû abandonner ses postes ministériels dans la foulée. Il a fait savoir que le Premier ministre « n’est pas apte démocratiquement à tenir son rôle ».
« Il se trouve dans une situation de fort conflit d’intérêts, personnellement et institutionnellement et ses actions… témoignent de la nécessité de le disqualifier immédiatement », a-t-il continué.
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, s’en est aussi pris à la coalition.
« Vingt-quatre heures après un attentat terroriste terrible qui a ôté la vie à deux enfants et à un autre homme, et après un tir de roquette supplémentaire émanant de la bande de Gaza qui a pris pour cible les résidents du sud du pays, qu’est-ce qui intéresse la coalition ? Les problèmes judiciaires du Premier ministre », a dit Lapid. « Parce que ces gens ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et à leurs intérêts personnels ».
« Je suggère aux leaders de la coalition qu’ils abandonnent immédiatement cette loi démente et qu’ils commencent à s’occuper de l’État d’Israël », a-t-il ajouté.

Selon les dispositions de l’accord sur les conflits d’intérêts qui avait été rédigé par le procureur-général de l’époque, Avichai Mandelblit, Netanyahu ne peut pas s’impliquer dans des dossiers qui toucheraient d’une manière ou d’une autre les témoins et les autres accusés dans son procès ou dans une législation qui aurait un impact dans les poursuites judiciaires intentées à son encontre.
Il lui est aussi interdit d’intervenir dans toute question relative au statut de plusieurs hauts-responsables de la police et du parquet, dans les secteurs placés sous la responsabilité du ministère des Communications ou au sein de la Commission des nominations judiciaires qui est chargée de nommer les juges à la Cour de district de Jérusalem – où se déroule actuellement son procès – et à la Cour suprême, qui serait susceptible de devoir se prononcer dans les procédures en appel relatives à ses mises en cause pour corruption.
Dans sa requête déposée jeudi, le Mouvement pour un Gouvernement de Qualité a reconnu que la Cour avait déjà refusé de prendre une mesure aussi radicale par le passé. Toutefois, étant donné les propositions que le gouvernement avance actuellement pour réduire considérablement le pouvoir du système judiciaire, la nécessité pour Netanyahu de prendre un congé est devenue plus urgente, a affirmé le groupe.
Netanyahu est actuellement traduit devant les juges dans trois affaires de corruption. Il doit répondre de fraude et d’abus de confiance dans deux dossiers et de corruption, fraude et abus de confiance dans le troisième. Il ne cesse de clamer son innocence et déclare que les charges ont été fabriquées de toutes pièces dans le cadre d’un « coup d’état politique » mené par la police et par le parquet.
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Le nouveau gouvernement de Netanyahu est en train de faire avancer une législation qui affaiblira gravement le système judiciaire israélien. La refonte proposée par le ministre de la Justice Yariv Levin, avec le soutien de Netanyahu, prévoit de restreindre de manière importante la capacité de la Haute-cour à invalider des lois et des décisions gouvernementales avec l’adoption d’une clause dite « dérogatoire » qui permettrait au Parlement de surseoir aux décisions de la Cour suprême avec un vote à la majorité simple de 61 députés. Ces propositions prévoient aussi de donner au gouvernement le contrôle total de la sélection des juges ; de faire disparaître la notion juridique du « caractère raisonnable » du code pénal israélien, une notion sur laquelle s’appuient les magistrats pour juger une législation ou une décision prise par la coalition et elles prévoient également que les ministres seront autorisés à nommer leurs propres conseillers juridiques au lieu de devoir faire appel à ceux qui opèrent sous les auspices du ministère de la Justice.