La comparaison Ukraine/Shoah de Zelensky suscite des réactions mitigées chez les élus
Le président ukrainien est accusé d'ignorer le rôle de son pays dans le génocide nazi ; Lapid s'est abstenu de toute critique et jure qu'Israël continuera d'aider l'Ukraine
Le discours du président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Knesset dimanche soir a reçu des réactions mitigées de la part des législateurs israéliens, certains le qualifiant de « scandaleux » et d’autres soutenant le président « en détresse ».
Plusieurs députés ont sévèrement critiqué Zelensky pour avoir établi des comparaisons entre la Shoah et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et d’avoir apparemment ignoré la complicité de certains Ukrainiens dans le génocide orchestré par les nazis.
« J’admire le président ukrainien et je soutiens le peuple ukrainien de tout mon cœur et du mieux que je peux, mais la terrible histoire de la Shoah ne peut pas être réécrite », a tweeté le ministre des Communications Yoaz Hendel.
Hendel a noté qu’une partie du génocide des Juifs par l’Allemagne nazie « a également été menée sur la terre ukrainienne ». Il a ajouté que si « la guerre est terrible, la comparaison avec les horreurs de la Shoah et de la solution finale est scandaleuse ».
Les médias israéliens ont cité des hauts ministres -qui ont préféré garder l’anonymat -qui se sont indignés de la « comparaison scandaleuse » faite par Zelensky.
« Zelensky a également déformé le rôle que son pays a joué dans le meurtre de Juifs », ont-ils déclaré, selon le site d’information Ynet.
Commençant son discours à l’intention des membres de la Knesset, Zelensky a déclaré que l’Ukraine et Israël font face à la même menace de la part de leurs ennemis respectifs – « la destruction totale de notre peuple, de notre État, de notre peuple, de notre culture, même du nom : Ukraine, Israël ».
En commençant son discours devant les membres de la Knesset, Zelensky a noté que le 24 février – date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – est aussi la date de la fondation du parti nazi en Allemagne en 1920. « Il a détruit des États entiers et tenté de commettre un génocide. »
Toujours le 24 février, « cent deux ans après les nazis, l’ordre a été donné de commencer l’invasion russe de l’Ukraine, qui a déjà tué des milliers de personnes et laissé des millions de personnes sans domicile », a-t-il dit, dans une allocution en ukrainien traduite en hébreu aux députés israéliens.
Les membres de l’opposition se sont montrés encore plus durs dans leur condamnation du discours de Zelensky.
Le député du Likud Yuval Steinitz a déclaré que cela « frôle la négation de la Shoah ».
« La guerre est toujours une chose terrible… mais toute comparaison entre une guerre classique, aussi difficile soit-elle, et l’extermination de millions de Juifs dans des chambres à gaz dans le cadre de la solution finale est une déformation complète de l’histoire », a-t-il déclaré.
Un certain nombre de députés du parti Sionisme religieux ont également critiqué Zelensky. Le chef du parti d’opposition d’extrême droite, Bezalel Smotrich, a fustigé les comparaisons avec la Shoah et a accusé le dirigeant ukrainien d’essayer de « réécrire l’histoire et d’effacer l’implication du peuple ukrainien dans l’extermination des Juifs ».
Le député du parti Sionisme religieux Simcha Rotman a rejeté la demande de Zelensky qu’Israël traite les Ukrainiens de la même manière que Zelensky a affirmé que l’Ukraine avait traité les Juifs pendant la Shoah.
« Je ne comprends pas l’ukrainien, mais si la traduction que j’ai entendue est exacte, Zelensky nous a demandé de traiter les Ukrainiens de la même manière qu’ils nous traitaient il y a 80 ans. Je suis désolé, mais je pense que nous devrons rejeter sa demande. Après tout, nous sommes une nation morale. Une lumière parmi les nations », a-t-il déclaré.
D’autres, principalement issus de la coalition, ont été plus indulgents envers le président ukrainien.
Le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, qui a condamné la Russie à plusieurs reprises depuis l’invasion de l’Ukraine, a soutenu Zelensky et le peuple ukrainien.
« Je réitère ma condamnation de l’attaque contre l’Ukraine et remercie le président Zelensky d’avoir partagé ses sentiments et la détresse du peuple ukrainien avec les membres de la Knesset et du gouvernement israéliens », a déclaré Lapid dans un communiqué.
« Nous continuerons à fournir une assistance au peuple ukrainien de toutes les manières que nous pouvons et ne tournerons jamais le dos au sort des personnes qui connaissent les horreurs de la guerre », a-t-il ajouté.
Le ministre de la Diaspora Nachman Shai, un virulent critique de la politique de la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked envers les réfugiés ukrainiens, s’est montré encore plus favorable à Zelensky.
« Les paroles de Zelensky transpercent le cœur. La nation ukrainienne a été attaquée, la démocratie ukrainienne a été attaquée, ils sont dans une détresse immense. Nous avons l’obligation humaine, juive et israélienne de les aider », a-t-il déclaré. « Notre assistance aux frontières de l’Ukraine et à l’intérieur du pays est de grande ampleur. Nous devons également assurer l’asile pour les réfugiés. Nous avons fait et continuerons de faire tout ce qui était en notre pouvoir. »
Le député d’Yisrael Beytenu Eli Avidar a qualifié le discours de Zelensky « d’émouvant ».
« L’indifférence tue », a déclaré Avidar, paraphrasant Zelensky. « Les efforts de médiation sont importants mais ils ne peuvent pas se faire au détriment des valeurs. Nous devons être du côté du bien contre le mal », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le député de Kakhol lavan Eitan Ginzburg a déclaré que les Israéliens devraient essayer de comprendre le président ukrainien.
« Je pense que dans ce genre de situation, il ne faut pas juger Zelensky. Il fait face à une situation unique en son genre. Si nous étions à sa place, nous critiquerions tout le monde de la même manière », a-t-il déclaré à Ynet.
Un porte-parole de la Knesset a déclaré aux médias israéliens après le discours que plusieurs cyberattaques tentant de perturber le discours de Zelensky avaient été identifiées puis déjouées par l’unité de cyber-sécurité de la Knesset.
Selon les informations de la Douzième chaîne, 119 législateurs (les 120 députés et environ 20 ministres qui ne sont pas membres de la Knesset) ont assisté à la visioconférence, sur les 140 personnes qui disposaient du lien de connexion sécurisé.