La confiscation des terres : une faveur politique ou une nouvelle règle ?
Pour les experts, cette décision blesse Israël diplomatiquement ; les critiques exagèrent son importance sur le terrain
Dans les jours qui ont suivi la fin de la guerre de Gaza, le Premier ministre semblait prendre un virage à gauche.
Il a fait un discours sur de « possibles horizons diplomatiques » pour Israël le 27 août et a suggéré la reprise des négociations de paix entre Israël et les Palestiniens. Certains articles ont même fait état d’une rencontre secrète entre Netanyahu et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Amman.
Mais dimanche, il a pris un virage à droite et a confisqué presque 400 hectares de territoire en Cisjordanie près de l’implantation de Gvaot située dans le Gush Etzion.
Cette mesure est une condition préalable à l’expansion des implantations. Elle interdit aussi aux Palestiniens d’utiliser ces terres pour construire ou pour cultiver.
Selon les médias israéliens, le gouvernement a confisqué ces terres en représailles à l’enlèvement et au meurtre des trois adolescents le 12 juin dernier, dans cette région.
Cette confiscation – la plus importante depuis des décennies – a été condamnée par la gauche israélienne et par la communauté internationale.
Le Département d’Etat américain affirme qu’elle est « contreproductive » au processus de paix. Dans une déclaration, l’ONG la Paix maintenant a affirmé que cette mesure est « la preuve que le Premier ministre n’aspire pas à de nouveaux horizons diplomatiques ».
« Israël essaie d’être maximaliste sur le territoire et de nier aux Palestiniens la contiguïté territoriale », affirme au JTA, Hagit Ofran, le dirigeant de Settlement Watch [Surveillance des implantations]. « Le message de cet acte est clair : Israël n’est pas enclin à faire la paix et des compromis mais veut continuer à s’implanter ».
Mais quelques experts affirment que cette mesure a affecté Israël diplomatiquement.
Les critiques exagèrent son importance sur le terrain. La zone confisquée est une bande de terre adjacente à la Cisjordanie qu’Israël compte conserver sous n’importe quel accord de paix.
Déclarer que cette portion de terre est une terre d’Etat est, expliquent-t-ils, une manière de calmer les alliés de droite de Netanyahu.
En effet, pendant la guerre, Netanyahu a refusé de suivre la suggestion de ses alliés qui lui demandaient de se débarrasser du Hamas pendant la guerre de Gaza.
« Je pense que cela correspond à une tendance générale », explique Michael Oren, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis, au JTA.
« Le gouvernement fait quelque chose qui déplaît à la droite, comme faire des concessions dans le processus de paix, ou en l’occurrence, accepter le cessez-le-feu à Gaza. Ensuite, il essaie de remédier [au mécontentement] de la droite en construisant en Judée-Samarie [Cisjordanie], ou dans ce cas en reclassant la terre ».
Selon l’officier supérieur Guy Inbar, le porte-parole de la section de Coordination des Activités dans les Territoires de l’armée israélienne [COGAT], la confiscation est la première étape vers une expansion possible de l’implantation.
Les Palestiniens qui revendiquent la terre ont 45 jours pour contester la décision devant les cours israéliennes. Si le recours échoue, le gouvernement doit encore prendre la décision de rendre légale la construction avant que l’on puisse commencer à construire sur les terres confisquées.
Un avant-poste d’une implantation israélienne illégale, Gvaot, se trouve sur une partie de cette terre. Plusieurs villages palestiniens environnants, selon Ofran, ont revendiqué la terre. Mais Inbar affirme qu’une enquête israélienne a révélé que cette terre n’a pas été utilisée pendant plusieurs décennies.
Les critiques internationales ont déjà fait reculer Netanyahu, par le passé. En 2012, Netanyahu a annoncé qu’Israël avait l’intention de construire dans une zone connue sous le nom d’E1, qui se trouve entre les villes palestiniennes de Bethléem et Ramallah, et entre Jérusalem et l’implantation de Maalé Adumim. Les Etats-Unis se sont opposés à ce projet, et deux ans plus tard, cette terre demeure vide.
Mais la confiscation de dimanche interdit aux Palestiniens l’utilisation de cette terre.
Les politiciens israéliens et les experts ont critiqué Netanyahu. Ils l’accusent d’aliéner Abbas et les alliés d’Israël alors même que les parties auraient pu reprendre les négociations de paix après l’accord de cessez-le-feu à Gaza.
« [Cette] annonce, qui n’a pas été faite par le cabinet, au sujet des 400 hectares de terre pour construire dans le Gush Etzion blesse Israël », a indiqué le ministre centriste des Finances Yair Lapid mardi lors d’un discours. « Conserver le soutien du monde était déjà compliqué, alors pourquoi était-il si urgent de générer une autre crise avec les Etats-Unis et le monde ? ».
Pendant ce temps, la possibilité de futures négociations de paix reste incertaine.
Les négociations ont pris fin en avril après qu’Israël ait renoncé à libérer les prisonniers Palestiniens comme prévu. Abbas a alors signé plusieurs traités internationaux – les négociations se sont définitivement effondrées lorsque Abbas a formé le gouvernement d’unité avec le Hamas, début juin.
Selon les médias, Abbas ne retournerait pas à la table des négociations à moins qu’Israël ne propose l’établissement d’une carte pourvue des frontières du futur Etat palestinien, dans le cadre d’une première étape. S’Il refuse, Abbas aurait pour projet de demander au Conseil de sécurité des Nations unies d’exiger le retrait de la Cisjordanie.
Les responsables palestiniens ont aussi récemment menacé d’adhérer à la Cour pénale internationale, ce qui permettrait à l’Autorité palestinienne de poursuivre Israël pour ses constructions d’implantations et pour ses violations présumées des droits des Palestiniens. Mais Abbas n’a pas encore déposé la demande d’adhésion.
« Dans la mesure où il n’y a pas de négociations, la confiance en l’Autorité palestinienne et en Abbas est loin d’être totale », explique Jonathan Rynhold, un chercheur associé au centre Begin-Sadat pour les études stratégiques de l’université Bar-Ilan.
« Si [Netanyahu] fait une offre territoriale généreuse, tout ceci deviendra hors sujet ».