La Cour suprême saisie pour retirer le titre de « rabbin » à Moti Elon
Des organisations réagissent à la décision du Grand Rabbinat d'Israël autorisant Elon à conserver son titre après avoir accepté de ne plus exercer de fonctions religieuses
Une requête a été déposée mercredi auprès de la Cour suprême de justice contre une décision du Grand Rabbinat d’Israël permettant à un rabbin condamné pour agression sexuelle, Mordechai « Moti » Elon, de conserver son titre.
En avril, un comité de discipline rabbinique, qui avait menacé de retirer son titre à Elon, a décidé qu’il pouvait le conserver après qu’il s’eut engagé à ne plus exercer de fonctions rabbiniques dans la communauté pendant une période de 10 ans à compter de la date de sa condamnation.
La requête a été déposée par trois organisations : Kol VeOz, l’Association des centres de lutte contre le viol en Israël et Jewish Community Watch.
« L’affaire Moti Elon met en lumière certains des problèmes profonds que rencontre le rabbinat israélien dans la lutte contre les abus sexuels sur les enfants », a déclaré Manny Waks de Kol VeOz. « Personne ne conteste le fait qu’Elon est un agresseur sexuel d’adolescents ; il a été condamné par un tribunal et ses collègues rabbiniques de haut-rang et d’autres dirigeants concernés de la communauté orthodoxe ont reconnu qu’Elon est en fait un agresseur en série.
« Alors, pourquoi le rabbinat ne réagit-il pas de manière appropriée, à la fois pour donner un semblant de justice aux victimes d’Elon et pour protéger les futures victimes potentielles ? Quels crimes un rabbin éminent et très respecté doit-il commettre pour être déchu de toute son autorité et de son pouvoir », a-t-il ajouté. « J’espère que la Cour suprême de justice forcera la main du rabbinat pour qu’il fasse ce qui est juste ».
Ayelet Cohen Wieder, ancienne présidente du groupe de défense des droits des femmes Kolech et l’une des initiatrices de la requête, a déclaré qu’elle était « un élément important de la correction de l’injustice faite aux victimes ». Il s’agit d’une déclaration sociale et publique selon laquelle les abus sexuels ne vont pas de pair avec un titre de rabbin et d’autorité religieuse ».
Jewish Community Watch a qualifié la position du rabbinat de « profondément bouleversante » et « préoccupante », ajoutant que « le changement dont notre communauté a si désespérément besoin ne se produira que lorsque des mesures décisives et fortes seront prises ». Les enfants de notre communauté méritent ce changement, dont la sécurité est une priorité absolue ».
Amitai Dahan, l’une des victimes du rabbin, s’est dit heureux que la requête ait été déposée et a remercié tous les militants et organisations impliqués.
« Le rabbin Moti Elon a attaqué plus d’une personne au fil des ans, et bien qu’il ait été reconnu coupable de crime sexuel, la peine qu’il a reçue n’était qu’une amende minime et des travaux d’intérêt général, sans un seul jour derrière les barreaux », a déclaré M. Dahan dans un communiqué.
Après la décision du rabbinat en avril, Kolech avait demandé au conseiller juridique de l’organisme d’intervenir, arguant que le rabbinat ne remplissait pas son devoir de protection de la population contre les rabbins qui abusent de leur position et qu’il n’avait pas « soutenu les valeurs qui sont censées se refléter » dans le titre de rabbin.
Toutefois, le bureau du conseiller juridique a répondu que « la décision exprime le juste équilibre entre tous les intérêts généraux et les considérations pertinentes de la question », a rapporté Ynet.
Le conseiller a noté que le but de la suppression du titre de rabbin était d’empêcher un individu de remplir un rôle religieux dans la communauté et qu’avec son engagement de ne pas le faire avant 2023, Elon avait satisfait cet objectif.
Elon a été condamné en 2013 pour avoir commis à deux reprises un acte indécent contre un mineur. Il a été condamné à six mois de travaux d’intérêt général, ainsi qu’à une peine de 15 mois de prison avec sursis. Elon, autrefois un célèbre mentor du mouvement sioniste religieux israélien, a également été condamné à verser à la victime une indemnisation de 10 000 shekels (2 500 euros).
En 2015, la police s’est penchée sur de nouvelles allégations contre Elon, après qu’un ancien étudiant eut publié sur Facebook un post affirmant que le rabbin l’avait harcelé à deux reprises. Ces allégations n’ont pas donné lieu à de nouvelles poursuites judiciaires, mais le post de l’accusateur a fait l’objet d’une large publicité, faisant des vagues dans la communauté sioniste religieuse déjà obligée d’accepter le comportement d’Elon et un certain soutien rabbinique à son égard.
En décembre 2018, une enquête de la Douzième chaîne a rapporté qu’Elon avait admis avoir eu un comportement sexuellement inapproprié envers un jeune homme.
Selon le reportage d’enquête « Uvda », l’homme a fait appel à un certain nombre de rabbins de premier plan et leur a dit qu’il avait fait appel à Elon au cours de l’année précédente pour obtenir de l’aide dans les difficultés qu’il rencontrait. Mais les rencontres ont rapidement pris un caractère sexuel et ont porté sur des délits présumés non spécifiés.
On a conseillé à l’homme de porter plainte auprès de la police, mais il a dit qu’il préférait que l’affaire soit traitée par les autorités rabbiniques.
Un collège de trois grands rabbins du mouvement sioniste religieux a convoqué Elon et celui-ci, confronté à des preuves comprenant des enregistrements réalisés par la victime présumée au cours de leurs réunions, a reconnu les délits non divulgués. Une source a déclaré à « Uvda » qu’Elon « ne l’a pas nié et a assumé une certaine responsabilité pour ses actes ».
Elon a accepté de cesser toute activité publique, y compris l’enseignement, ainsi que les réunions privées. et de se faire soigner, selon le rapport.