La fin de la croissance exponentielle : le déclin de la propagation du COVID-19
Un modèle similaire - augmentation rapide des infections avec un pic à la 6e semaine et un déclin à la huitième - apparaît partout, indépendamment des politiques de riposte

Ce qui suit est le texte d’une étude réalisée par le professeur Isaac Ben-Israel, publiée le 16 avril 2020 (Il avait débattu de ses recherches sur une chaîne de télévision israélienne le 13 avril, disant que des statistiques simples montraient que la propagation du coronavirus diminuait à presque zéro après 70 jours – indépendamment du lieu touché et des mesures gouvernementales mises en œuvre pour tenter de le combattre).
L’article qui suit tente d’examiner le développement de la maladie du coronavirus en Israël depuis ses débuts dans le pays, il y a 56 jours (soit huit semaines).
Il s’avère que nous avons franchi le pic de la propagation du virus il y a environ deux semaines aujourd’hui – et qu’il disparaîtra probablement d’ici deux semaines.
Notre analyse montre qu’il existe un modèle constant par-delà les pays. De manière surprenante, ce modèle est commun aux pays ayant opté pour un confinement sévère, avec notamment la paralysie de l’économie, et aux pays ayant adopté des politiques bien plus accommodantes et qui ont continué à maintenir un quotidien ordinaire.
Les données indiquent que la politique de confinement peut être stoppée en l’espace de quelques jours et être remplacée par une pratique de distanciation sociale modérée.
Les données
Un nouveau concept est entré dans nos vies : celui de la croissance exponentielle – à savoir un taux de croissance géométrique. Si, en effet, le coronavirus se propage conformément à une croissance exponentielle, Israël aurait dû faire face à un nombre de malades multiplié par deux tous les deux ou trois jours. Et de manière déterminante, les données portant sur de nouveaux cas d’infections supplémentaires auraient indiqué une croissance à un taux accéléré. Est-ce cela qui s’est produit dans les faits ? L’étude qui suit se penche sur cette question.
Aujourd’hui, 56 jours après la découverte du tout premier cas de coronavirus au sein de l’État juif, le nombre de patients connu est passé de un le 1er février à 12 758 le 16 avril. Cette croissance a-t-elle été véritablement exponentielle ?
Le graphique suivant propose une description de la hausse quotidienne du nombre de nouveaux malades en Israël (l’axe horizontal indique les jours depuis la découverte du premier patient). Même un esprit sans formation mathématique préalable peut comprendre à partir de ce graphique que le nombre ajouté de malades, par jour, n’évolue pas à un taux constant et que la croissance n’est donc pas de type exponentielle.

Ce graphique montre que l’accroissement du nombre de nouveaux patients par jour connaît un pic qui se situe environ au 41e jour, avec environ 700 malades de plus, et qu’il commence ensuite à décliner.
Le temps requis pour multiplier par deux le nombre de malades est passé de 2 à 4 jours à environ 30 jours aujourd’hui, et il continue encore à baisser (graphique suivant) :
Un autre moyen d’observer le déclin de la maladie est de regarder le nombre d’infections quotidiennes supplémentaires par rapport au nombre d’infections totales, à savoir – le pourcentage de nouvelles infections par jour. Et le graphique suivant montre ceci :
Pour résumer : dans les quatre et cinq premières semaines qui ont suivi la découverte de la maladie en Israël, il y a eu en effet une croissance exponentielle des infections qui, depuis, a commencé à se modérer.
Le nombre de patients supplémentaires, par jour, a connu un pic environ six semaines après la découverte de la maladie et s’avère depuis en chute constante.
Comparaison globale
De manière remarquable, ce phénomène est commun à presque tous les pays du globe. Par exemple, aux États-Unis, alors que les chiffres sont largement plus élevés (avec une population de presque 330 millions de personnes), le même modèle de déclin est clair (je remercie mon ami Ronnie (Aaron) Yifrah pour les graphiques suivants) :
En Israël, les nombres absolus sont moins importants, mais le phénomène est similaire :
Et ce modèle n’est pas unique à Israël et aux États-Unis, mais représente un phénomène mondial qui se reflète dans le graphique suivant, lequel présente le nombre quotidien d’infections dans le monde (pour les pays ayant publié des données précises) :
Il est intéressant de noter que ce modèle – en particulier la croissance rapide lors de l’apparition du virus puis le déclin qui suit dans le nombre de nouveaux patients au quotidien – est commun à des pays qui ont répondu de manière significativement différente face à la maladie.
Nous en avons la démonstration dans les graphiques suivants illustrant la situation en Italie, un pays ayant imposé un confinement total, ainsi que la situation en Suède, qui n’a pas adopté de telles mesures :
Au vu des informations susmentionnées, nous pouvons revenir à la question originale : le coronavirus a-t-il continué à se propager de manière exponentielle ?
Après réflexion minutieuse, la réponse s’avère tout simplement négative. La propagation du virus commence à un taux exponentiel, mais se poursuit néanmoins de façon modérée, puis elle décline après environ huit semaines à partir de la date de son apparition.
Analyse
Au vu des données, il est impératif de détailler ce qui a été à l’origine du déclin du nombre d’infections.
Certains pourront clamer que cette chute du nombre de patients supplémentaires chaque jour est le résultat du confinement strict qui a été imposé par le gouvernement et les autorités sanitaires. L’examen des données de différents pays, dans le monde entier, met toutefois grandement en doute cette affirmation.
Il s’avère qu’un modèle similaire – une augmentation rapide des infections qui atteignent un pic vers la sixième semaine et déclinent ensuite à partir de la huitième – est commun à tous les pays où la maladie a été découverte, indépendamment des politiques mises en place pour répondre au virus : certains États ont imposé un confinement sévère et immédiat qui ne s’est pas contenté de la pratique de la « distanciation sociale » et de l’interdiction des rassemblements, mais également le bouclage de l’économie (comme en Israël) ; d’autres ont « ignoré » l’infection et maintenu une vie presque normale (comme Taïwan – 6 morts sur une population de 23,7 millions d’habitants, la Corée du Sud – 237 morts sur une population de 51,4 millions ou la Suède – 1 765 morts pour une population de 10,7 millions d’habitants), et d’autres encore ont d’abord adopté une politique plutôt accommodante qui a été rapidement remplacée par un confinement complet (comme l’Italie ou l’état de New York).
Toutefois, les données révèlent des constantes chronologiques parmi tous ces pays en termes de croissance rapide initiale puis de déclin de la maladie.
Par exemple, nos calculs montrent que le modèle de nouvelles infections quotidiennes en tant que pourcentage du nombre d’infections accumulées (sous la forme de moyenne hebdomadaire), est le même dans tous les pays du globe. De manière typique, dans la première phase de propagation du virus, ce pourcentage monte à environ 30 %, décroît à un niveau de moins de 10 % après six semaines et atteint finalement un niveau inférieur à 5 % une semaine plus tard.
(Je veux faire part de ma reconnaissance au professeur Zvi Ziegler du Technion, qui m’a envoyé ses calculs et ses analyses concernant le taux hebdomadaire moyen d’infections en Israël et dans vingt autres pays).
Ce phénomène est illustré dans le graphique suivant, dans des pays choisis :
Il est important de faire la distinction entre les politiques de confinement qui ont compris un bouclage économique total ou des réductions partielles de la main-d’œuvre (comme cela a été le cas d’Israël où presque 85 % des salariés ont été mis au chômage partiel, pour un coût de 100 milliards de shekels par mois), et des politiques de distanciation sociale (interdiction des importants rassemblements, maintien d’une distance entre les individus, etc…)
Il est certain qu’un confinement total réduit la propagation du virus. Néanmoins, comme l’indiquent les données ci-dessus, il y a un déclin apparemment similaire du taux d’infection même dans des pays n’ayant pas mis en place un bouclage total. Des recherches supplémentaires devront être réalisées afin de mieux comprendre les raisons sous-jacentes à cette observation.
Conclusion
Un confinement sévère entraîne certaines conséquences négatives. Son effet immédiat est l’augmentation du taux de chômage et une chute du produit intérieur brut (en Israël, on estime que chaque mois de confinement réduit le PIB de 8 % environ) – ce qui entraînera à terme une hausse de la pauvreté et de la mortalité des suites d’autres maladies.
Dans la mesure où des preuves révèlent que la propagation du nouveau coronavirus décline même sans avoir recours à un confinement total, il peut être recommandé de renverser la politique actuelle et de mettre un terme au confinement. En même temps, il peut être également conseillé de continuer à faire appliquer des mesures à bas coût – port du masque, élargissement du dépistage de populations définies et interdiction des rassemblements massifs.
Nous recommandons donc d’augmenter la participation de la main-d’œuvre à la vie du pays en la faisant passer à 50 % au lendemain de Pessah (ou le dimanche suivant, en date du 19 avril). Il faudrait alors prévoir le retour de 100 % de la main-d’œuvre dans les deux semaines suivantes au maximum, sauf dans un nombre limité de zones présentant un fort taux d’infection, dans lesquels le taux de contamination sera régulièrement évalué. Un allègement de ces restrictions dans ces zones confinées et prédéfinies dépendra de la baisse du taux de croissance du virus à moins de 5 %.
Il est déterminant d’ôter le goulet d’étranglement qui empêche l’élargissement du dépistage à 20 000 ou 30 000 tests par jour et de se concentrer sur l’acquisition des écouvillons, kits de dépistage et réactifs (notamment issus de la production locale). Le déclin de la croissance du coronavirus en général, et du nombre de patients dans un état grave en particulier, éloigne la probabilité qu’Israël ne subisse la surcharge que les systèmes de santé ont connue en Italie, en Espagne et à New York. Face à de forts taux d’infection, ces systèmes se sont trouvés dans l’incapacité de prendre en charge l’afflux soudain de malades. Ceci étant dit, Israël pourrait connaître une pénurie de respirateurs. Et tandis qu’un tel cas de figure ne s’est pas encore présenté, il est crucial de faire en sorte de combler ce manque.
A LIRE : Anxieux, les Israéliens comptent leurs respirateurs – ou tentent d’en fabriquer
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