La sœur de Sarah Halimi portera plainte en Israël pour tenter d’avoir un procès
La loi pénale d'Israël peut s'appliquer à des crimes antisémites commis à l'étranger et dénoncés par un citoyen israélien mais la France n'extrade pas ses ressortissants

La sœur de Sarah Halimi, une sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris, entend porter plainte en Israël pour tenter d’obtenir un procès contre son meurtrier, jugé irresponsable pénalement par la justice française, ont annoncé ses avocats à l’AFP.
Cette annonce répond à l’arrêt de la Cour de cassation du 14 avril qui a entériné le caractère antisémite du crime mais confirmé l’impossibilité de traduire en justice le meurtrier, compte-tenu de l’abolition de son discernement lors des faits.
Cette décision a suscité une très forte émotion dans la communauté juive et au-delà, accompagnée d’un vif débat sur la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles psychiatriques sur fond de consommation de drogues.
Mes Francis Szpiner et Gilles-William Goldnadel, deux avocats réputés, ont annoncé mercredi vouloir « saisir la justice israélienne d’une plainte à l’encontre de Kobili Traoré au nom d’Esther Lekover, sœur de la victime, » la loi pénale d’Israël pouvant s’appliquer à des crimes antisémites commis à l’étranger et dénoncés par un citoyen israélien, ce qui est le cas de leur cliente.
La France n’extrade toutefois pas ses ressortissants.
Le 4 avril 2017, Kobili Traoré, 27 ans, est en proie à une « bouffée délirante », lorsqu’il fait irruption chez sa voisine de 65 ans Lucie Attal, aussi appelée Sarah Halimi.

Aux cris de « Allah Akbar », le jeune homme musulman la roue de coups en récitant des versets du Coran avant de la jeter par-dessus le balcon de leur HLM de Belleville, dans l’Est de Paris.
Si, pendant l’enquête, sept experts psychiatriques ont tous conclu à une « bouffée délirante » chez le jeune homme, probablement provoquée ou aggravée par sa forte consommation de cannabis, l’un d’eux s’était démarqué sur les conséquences juridiques à en tirer.
L’expert Daniel Zagury suggérait en effet de retenir « l’altération du discernement », invoquant une « intoxication chronique volontaire » dont Kobili Traoré ne pouvait ignorer les dangers.
Les magistrats de la cour d’appel ne l’avaient pas suivi et avaient déclaré le meurtrier irresponsable pénalement, tout en retenant que les charges étaient suffisantes pour des poursuites pour meurtre avec la circonstance aggravante de l’antisémitisme.
Sur ce dernier point, ils avaient suivi les explications du Dr. Zagury sur la dimension antisémite du geste de Kobili Traoré, pris d’un « délire persécutif polymorphe, à thématique mystique et démonopathique ».
« Dans le bouleversement délirant, le simple préjugé ou la représentation banale partagée se sont transformées en conviction absolue », avait expliqué l’expert dans son rapport.
Le 19 décembre 2019, après un débat contradictoire lors d’une audience publique, la cour d’appel de Paris a reconnu le caractère antisémite du crime mais déclaré M. Traoré irresponsable pénalement et ordonné son hospitalisation assortie de mesures de sûreté pour 20 ans.
Saisie d’un recours, la Cour de cassation a confirmé le 14 avril son irresponsabilité pénale, estimant que loi « ne distingue pas selon l’origine du trouble mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ses actes ».
« Décider de prendre des stupéfiants et devenir alors ‘comme fou’ ne devrait pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale », a commenté dimanche le président de la République Emmanuel Macron qui a demandé une évolution législative.
Pour la défense de M. Traoré, le jeune homme vivait le soir des faits sa première crise psychiatrique, imprévisible contrairement aux effets habituels de l’ivresse cannabique ou alcoolique.