La Syrie a failli abattre un avion civil pendant une frappe d’Israël – Russie
Selon Moscou, l'avion qui transportait 172 passagers a été forcé d'atterrir pour éviter des tirs anti-aériens jeudi matin
L’armée russe a accusé vendredi Israël d’avoir failli faire abattre un avion civil avec 172 passagers à bord pour échapper à une riposte syrienne à des bombardements qui avaient eu lieu la veille, près de l’aéroport de Damas.
Moscou a clamé que l’aviation militaire de Tsahal avait utilisé l’avion comme bouclier au cours de cette attaque qui a eu lieu jeudi matin.
L’armée de l’air israélienne avait bombardé une banlieue de la capitale syrienne, provoquant une riposte anti-aérienne syrienne, selon un communiqué du ministère russe de la Défense.
« Au moment de l’attaque des avions israéliens (…) un avion de ligne Airbus-320 était en approche, en vue de son atterrissage », a indiqué cette source, et il s’est retrouvé dans « la zone mortelle de tirs aériens et d’artillerie ».
Les militaires russes ont déclaré que l’appareil avait tenté d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport de Damas pendant les frappes israéliennes présumées mais qu’il s’est trouvé dans l’obligation de se poser sur la base aérienne russe de Khmeimim, a rapporté l’agence de presse officielle du gouvernement russe, TASS.
Les données de vol recueillies à l’heure approximative de l’attaque indiquent que l’avion était exploité par le transporteur aérien syrien Cham Wings. Le vol a failli être touché par les tirs du système de défense anti-aérienne syrien, selon le porte-parole du ministère russe de la Défense Igor Konashenkov.
« C’est seulement grâce aux actions rapides des régulateurs de l’aéroport de Damas et au travail efficace du système automatique de contrôle du trafic aérien que l’Airbus-320 a pu être escorté hors de la zone de danger et qu’il a pu se poser avec succès sur l’aérodrome de la base aérienne russe de Khmeimim, », a-t-il ajouté, selon TASS.
Les radars israéliens ont une « vision claire de la situation dans le ciel autour de l’aéroport de Damas », a souligné l’armée russe, accusant Israël de se « moquer totalement des vies de centaines de civils innocents ».
Cette déclaration a eu lieu moins d’un mois après que les forces armées iraniennes ont reconnu avoir abattu par « erreur » début janvier le Boeing 737 d’Ukraine International Airlines quelques minutes après son décollage à Téhéran. L’Iran craignait alors une riposte américaine à des raids iraniens en Irak. Les 176 personnes à bord, en majorité des Iraniens et des Canadiens, étaient décédées.
Konashenkov, a dénoncé ce qu’il a qualifié de « caractéristique désormais classique » de la part d’Israël qui consisterait à utiliser un avion civil comme « bouclier » contre les systèmes de défense antiaériens syriens – se référant apparemment à un incident survenu en 2018 où les militaires syriens avaient abattu un avion-espion russe lors d’une riposte contre une frappe israélienne dans l’espace aérien de la Syrie.
La Russie avait ultérieurement clamé qu’Israël était responsable de cet incident qui avait entraîné la mort des 15 membres de l’équipage de l’appareil, disant que les avions de Tsahal avaient utilisé l’avion-espion comme bouclier.
Les militaires israéliens avaient nié cette accusation et les analystes de la défense avaient également douté de la faisabilité d’une telle manœuvre.
Cet incident avait entraîné une querelle diplomatique majeure entre Moscou et Jérusalem.
Vingt-trois combattants iraniens et étrangers ont été tués au cours d’attaques menées contre plusieurs cibles situées aux abords de Damas aux premières heures de l’aube, jeudi matin. Ces frappes ont été attribuées à Israël par les médias syriens, selon un groupe de veille basé au Royaume-Uni.
L’agence de presse de l’Etat syrien, SANA, a clamé jeudi que les défenses antiaériennes du pays avaient abattu un certain nombre de missiles pendant ces frappes. Les analystes de la défense rejettent habituellement ce type d’affirmations, évoquant des fanfaronnades ne reposant sur aucun fondement de la part du régime syrien.
« Nos défenses aériennes ont confronté une attaque israélienne » à l’ouest de la capitale », a fait savoir l’agence de presse SANA qui a ajouté que ces frappes avaient été commises depuis l’espace aérien du plateau du Golan syrien.
Le télévision d’Etat a diffusé des images montrant des explosions dans le ciel entraînées par les missiles antiaériens syriens.
Selon SANA, les frappes israéliennes ont visé le quartier d’al-Kiswah – un secteur situé aux abords de Damas que l’Etat juif avait reconnu avoir frappé, dans le passé, en raison de son usage par l’Iran comme base d’opérations – ainsi que Marj al-Sultan et Jisr Baghdad.
Au total, au moins trois positions gouvernementales et iraniennes situées près de Damas et à l’ouest de la capitale ont été prises pour cible, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme qui a noté qu’un incendie avait été déclenché dans l’un de ces secteurs.
Pour sa part, Hidai Zilberman, porte-parole de Tsahal, a expliqué avoir connaissance « d’informations étrangères » portant sur des frappes aériennes en Syrie mais il a refusé tout commentaire, conformément à une politique israélienne appliquée de longue date.
Cela fait longtemps qu’Israël affirme que le pays ne tolérera pas les efforts livrés par l’Iran – allié majeur du dictateur syrien Bashar Assad — pour ancrer une présence militaire permanente en Syrie et que l’Etat juif prendra les initiatives nécessaires pour déjouer ce projet d’enracinement. Israël accuse l’Iran de chercher à s’établir en Syrie de manière à avoir une nouvelle rampe de lancement susceptible d’être utilisée pour attaquer l’Etat juif.
Jérusalem a également promis de riposter à toutes les attaques visant le pays depuis la Syrie.
Même si les responsables israéliens se retiennent généralement de revendiquer les frappes spécifiques commises en Syrie, ils ont reconnu avoir mené des centaines de milliers de raids dans le pays depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011.
Ces opérations ont majoritairement visé l’Iran et ses groupes mandataires – en particulier le groupe terroriste libanais du Hezbollah – mais l’armée israélienne a également frappé les défenses antiaériennes syriennes lorsque des batteries ont pu s’activer contre les avions-chasseurs israéliens. Ces derniers mois, l’armée a reconnu avoir mené des raids en Irak pour déjouer, là aussi, les efforts d’établissement de l’Iran dans le pays.
L’attaque qui a eu lieu aux premières heures de la matinée de jeudi survient un mois, jour pour jour, après l’assassinat du chef des forces iraniennes al-Qods, Qassem Soleimani, tué par une frappe de drone américaine.
Soleimani était considéré comme l’artisan du projet de la république islamique de s’implanter en Syrie qu’Israël considère comme une menace et a juré d’empêcher.
Une évaluation transmise par les renseignements militaires israéliens au gouvernement, le mois dernier, avait indiqué que la mort de Soleimani pouvait donner à l’Etat juif une nouvelle opportunité de réduire ou de mettre un terme à l’enracinement de Téhéran en Syrie ou ailleurs.
Peu après la révélation de cette évaluation, Damas avait accusé les forces israéliennes d’avoir attaqué l’aéroport militaire T-4, situé aux abords de Homs, dans le centre de la Syrie. Cette base serait utilisée depuis longtemps par les forces iraniennes et les milices chiites et elle a été prise pour cible par les avions israéliens à plusieurs reprises dans le passé.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, la frappe du 14 janvier avait visé un entrepôt d’armement, ainsi qu’un bâtiment en cours de construction et deux véhicules militaires sur la base T-4. Elle avait tué trois combattants pro-iraniens.
Au mois de novembre dernier, quatre roquettes avaient été tirées vers le nord d’Israël depuis la Syrie. Toutes avaient été abattues par le système de défense anti-missile du Dôme de fer. En réponse, l’armée israélienne avait mené une série de frappes aériennes contre les forces iraniennes et contre des sites militaires du gouvernement, faisant plusieurs morts parmi les combattants pro-iraniens.
Judah Ari Gross et l’AFP ont contribué à cet article.
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