La Thaïlande attendra : les ex-soldats restent en Israël et créent leur business
Ces ex-soldats utilisent l'argent qu'ils reçoivent de l'armée à la fin de leur service militaire pour créer leur propre entreprise

JTA – Yotam Gross a eu une idée alors qu’il était commandant de la brigade Givati après l’opération Bordure protectrice à Gaza en 2014 : Au lieu de retourner à l’école après son service militaire israélien, il a décidé de consacrer ses journées à réunir les gens autour d’assiettes chaudes de houmous et de pain pita.
Tout l’argent dont il disposait provenait de ce qu’il avait économisé pendant qu’il était à l’armée, en plus de la prime de départ qu’il a reçue à la fin de son service. Il a tout ramassé et, avec quelques prêts, il a ouvert son propre bar à houmous qui fait partie d’une franchise, Hummus Eliyahu, à Beer Tuvia, un moshav dans le sud d’Israël.
Gross n’est pas le seul dans ce cas. Alors que la plupart des soldats israéliens libérés utilisent l’argent de l’armée pour financer un grand voyage à l’étranger (la Thaïlande et l’Inde sont des destinations privilégiées), et plus tard pour l’éducation, une poignée d’hommes d’affaires audacieux choisissent plutôt de l’investir dans une petite entreprise.
Les soldats libérés reçoivent deux principaux versements de la part du ministère de la Défense. Le premier est le « maanak shihrur », ou prime de libération, que les nouveaux civils peuvent utiliser librement une fois leur service terminé. Le deuxième versement est le « pikadon », ou dépôt, qui peut être utilisé pour des études universitaires ou une formation professionnelle, l’achat d’une maison ou d’une voiture, un mariage, des leçons de conduite et, moins fréquemment, pour démarrer une entreprise. Après cinq ans, les anciens soldats peuvent retirer l’argent et l’utiliser comme bon leur semble s’ils ne l’ont pas utilisé entre-temps.
« Le pikadon est destiné à remercier les soldats libérés pour leur contribution à l’État d’Israël », a déclaré un porte-parole du ministère de la Défense. « Cette subvention personnelle est destinée à aider les soldats libérés à s’intégrer le mieux possible dans la vie économique et sociale en Israël. »

Selon les données de 2017 du ministère de la Défense, seuls 4 % des soldats libérés utilisent le pikadon pour créer une entreprise. La plupart des personnes, soit 45 %, utilisent le pikadon pour poursuivre leurs études, suivis par les 40 % qui attendent les cinq ans pour retirer l’argent.
Les sommes que les soldats reçoivent pendant et après leur service varient en fonction de la durée du service et du poste occupé. Selon le site Web du ministère de la Défense, un combattant qui sert sur une période complète de deux ans et huit mois reçoit une première prime de libération de 17 518 shekels et 25 337 shekels en tant que pikadon. De l’autre côté, un « jobnik », ou soldat non combattant, qui a servi deux ans, reçoit 9 125 shekels dans un premier temps et un pikadon de 13 218 shekels.
« L’idée qui sous-tend le pikadon est de contribuer à faire en sorte que les [soldats libérés] se retrouvent au bon endroit », a déclaré Jake Flaster, chef du programme olim du Michael Levin Lone Soldier Center, qui conseille les soldats récemment libérés dont les familles vivent à l’étranger. « Surtout si vous êtes un soldat combattant, cela représente une belle somme d’argent. »
Malheureusement, ajoute-t-il, la plupart dépensent rapidement leurs économies de l’armée et considèrent rarement le pikadon comme une opportunité stratégique.
JTA s’est entretenu avec plusieurs soldats récemment libérés – aucun n’ayant plus de 24 ans – qui ont lancé leur propre entreprise en utilisant leur pikadon. Il convient de noter qu’en dépit d’une recherche approfondie, aucune femme chef d’entreprise appartenant à cette catégorie étroite n’a été trouvée. L’écart entre les sexes se reflète également dans les chiffres : Alors qu’elles représentent 50 % de la main-d’œuvre, seulement 20 % des entreprises israéliennes appartiennent à des femmes – dont seulement 8 % sont des entreprises indépendantes.
Voici quelques soldats récemment libérés qui se sont lancés, grâce, en partie, à leur pikadon.
Josh Phillips : De la fumée dans les yeux
Cela fait seulement trois ans que Josh Phillips a fait son alyah depuis Londres. En peu de temps, le Britannique a réussi à apprendre l’hébreu et à le parler couramment et à terminer ses deux années de service dans la compagnie Palsar de la brigade d’infanterie de Nahal en tant que soldat sans famille. La semaine dernière, il a ouvert London Vapes, un magasin de cigarettes électroniques dans le quartier branché de Florentine, dans le sud de Tel Aviv.
« C’est arrivé accidentellement », raconte Phillips, 24 ans, expliquant son lien avec l’industrie de la cigarette électronique. « Je suis un ancien fumeur et quand je vivais à Londres, je voulais arrêter de fumer et la cigarette électronique a fonctionné pour moi ».
« Vers la fin de mon service, j’ai recommencé à fumer. Je savais que je ne voulais pas. Je me suis mis à la recherche de magasins en Israël pour trouver une e-cigarette et j’ai réalisé qu’il n’en existe que très peu. »

Phillips, qui vit à Florentine, en a trouvé un dans le centre de Tel Aviv.
« J’ai fait remarquer au propriétaire du magasin que le sud de Tel Aviv serait un endroit idéal pour un magasin de cigarettes électroniques, ce à quoi [il] a répondu : « Pourquoi ne pas le faire toi-même ? », raconte Phillips.
« Ma réponse immédiate a été de dire que je n’avais ni le temps ni l’expérience. Mais après quelques jours, je me suis dit : « Pourquoi pas ? »
Phillips a récupéré son pikadon et une partie de ses économies de l’époque pré-israélienne pour investir dans l’immobilier afin d’ouvrir un magasin avec le drapeau britannique peint en grand sur la façade.
Il travaille avec un magasin de cigarettes électroniques London Vapes déjà existant à Tel Aviv, mais Phillips précise que le magasin de Florentine lui appartient à 100 %.
« Je pense que ce que fait l’armée est en fait assez extraordinaire quand elle vous offre de multiples options pour accéder à votre pikadon – elle est plutôt stricte à ce sujet, ce avec quoi je suis d’accord », a ajouté M. Phillips. « Je pense que le pikadon est le meilleur moyen [de financer une entreprise] puisque c’est votre argent. »
Ido Vital : Le coup de pouce dont il avait besoin
Ido Vital n’avait que 14 ans quand il a commencé à couper les cheveux. Il a commencé comme apprenti dans le salon de coiffure de son quartier à Jérusalem en balayant les cheveux et en rangeant les serviettes avant de toucher une paire de ciseaux.
« A 14 ans, j’ai compris que c’était ce que je voulais faire toute ma vie, » raconte Vital, 24 ans. « C’était juste une évidence. »
Pendant ses trois années dans la marine, il se dépêchait de rentrer de la base le jeudi pour ouvrir un petit salon chez lui et couper les cheveux de ses amis et voisins.
Après son service militaire, Vital a déménagé à Tel Aviv pour étudier la coiffure, qu’il a financé avec son pikadon. Vital a ensuite récupéré une autre part de son dépôt militaire, ainsi que d’autres économies, pour ouvrir un salon de coiffure dans le marché Mahane Yehuda de Jérusalem.
Deux ans après son ouverture, Vital déclare que les affaires marchent mieux que prévu.
« L’armée m’a donné un petit coup de pouce [financier] pour payer mes études et ouvrir mon entreprise. C’était mon premier coup de pouce alors que je n’avais pas d’autre aide financière », précise-t-il.
« La première chose que la plupart des gens font après avoir quitté l’armée est de faire un grand voyage quelque part dans le monde. Ils veulent profiter et s’amuser. J’ai démarré mon entreprise peut-être un peu plus jeune que ce que j’aurais dû. Mais je suis heureux comme ça. »
Sean Haber : Le bon choix
Le coach personnel Sean Haber, 22 ans, ouvre la porte de sa maison au rez-de-chaussée de la rue Bezalel à Jérusalem pour dévoiler un jardin AstroTurf [pelouse artificielle] accueillant.
« C’est parfait pour les séances d’entraînement en plein air ! » dit-il gaiement en ouvrant la porte de sa salle de fitness, où de nouveaux équipements flambant neufs attendent les futurs clients qui vont bientôt transpirer.
Dans une autre pièce, la femme de Haber, Sara, exploite un salon de coiffure. Aujourd’hui, elle s’occupe d’une jeune mariée.
La famille de Haber a déménagé du Queens, New York, en Israël, quand il avait 12 ans, mais peu de temps après il est retourné dans sa ville natale pour terminer ses études secondaires tout seul. À 18 ans, Haber est revenu en Israël pour servir dans l’armée et a été enrôlé dans Yahalom, l’unité d’élite du génie de combat de l’armée israélienne. Il a commencé son service comme combattant et l’a terminé comme instructeur de fitness dans le cours de formation de Yahalom.
« J’avais vraiment l’impression de faire quelque chose de plus important [en tant qu’instructeur] », raconte Haber. « Les gens qui ne sont plus des soldats de combat sont stigmatisés, mais j’ai pu avoir une opportunité unique et utiliser mes compétences. »
Lorsque Haber a terminé son service militaire en novembre 2016, il souhaitait poursuivre le travail qu’il avait commencé au sein de l’armée.
« J’ai immédiatement récupéré mon pikadon et je l’ai investi dans un grand nombre d’équipements [d’entraînement] », explique-t-il.
« Mon plus grand rêve était d’ouvrir un centre pour les personnes ayant des besoins spécifiques. J’ai un frère autiste et avant d’être enrôlé dans l’armée, je travaillais avec des enfants ayant des besoins spécifiques », a dit Haber.

Il désirait aussi aider les soldats sans famille à se remettre en forme avant et après avoir été enrôlés.
« L’armée est axée sur l’Israélien moyen, qui est très mince et peut simplement courir », a expliqué M. Haber. « Les Américains ont tendance à être un peu plus lourds, mais l’armée leur dit de manger pour être forts. »
Cette approche, dit-il, ne convient pas à tout le monde. Haber propose sa salle de fitness et des formules d’entraînement spéciales à un tarif réduit pour les soldats sans famille.
« J’aimerais qu’il y ait plus de sensibilisation au fait que les gens peuvent utiliser le pikadon pour créer une petite entreprise », a déclaré M. Haber.
« A la seconde où vous sortez de l’armée, il y a [une déception]. Beaucoup d’Israéliens vivant avec leurs parents se demandent : « Que dois-je faire maintenant ? Des soldats sans famille se demandent ‘Est-ce que je rentre en Amérique ou est-ce que je reste en Israël ?’ Et je me suis dit que j’allais utiliser mon pikadon pour aider Israël et en même temps être capable de subvenir à mes besoins ».
L’essentiel, a-t-il dit, c’est que les avantages financiers de l’armée constituent une opportunité.
« Ne la gaspillez pas », a conclu Haber.
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