Israël en guerre - Jour 424

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La tragédie de Meron a traumatisé les secouristes les plus préparés d’Israël

Les secouristes gardent de profondes cicatrices émotionnelles. L'un d'eux ne peut se défaire de l'image du garçon qu'il n'a pas pu sauver. Un autre s'est senti comme un "bourreau"

Les sauveteurs au Mont Meron, peu après la tragédie. Avi Marcus, secouriste en chef de United Hatzalah of Israël, est en haut à gauche. (Autorisation : United Hatzalah)
Les sauveteurs au Mont Meron, peu après la tragédie. Avi Marcus, secouriste en chef de United Hatzalah of Israël, est en haut à gauche. (Autorisation : United Hatzalah)

Les sauveteurs de Meron sont sous le choc. Ces hommes et ces femmes étaient prêts à tout – mais pas à ça.

Ils font partie des membres les plus résistants de cette robuste nation. Ils supportent la guerre et les attaques terroristes sans broncher. Mais la scène de vendredi, où 45 Israéliens ont été écrasés à mort et de nombreux autres blessés, a été insoutenable, même pour eux.

« Certains des nôtres se sont mis à pleurer en soignant les blessés et ont dû s’éloigner », a raconté dimanche au Times of Israël, dans son bureau de Jérusalem, Avi Marcus, secouriste en chef de l’organisation d’urgence United Hatzalah, qui avait dépêché des centaines de secouristes sur les lieux, encore sous le coup de l’émotion.

L’ampleur de la scène, où des dizaines de milliers de personnes sont passées de l’euphorie à l’horreur en l’espace de quelques secondes, impuissantes, à regarder les morts et les blessés défiler sous leurs yeux, a été trop dure à supporter pour certains secouristes.

Les secouristes et la police israélienne après un incident qui a tué et blessé des dizaines de personnes, lors des célébrations de la fête juive de Lag B’Omer, au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 30 avril 2021. (Crédit : David Cohen / Flash90)

« Ils ne pouvaient pas continuer, ils étaient tout simplement effondrés », a-t-il confié. « Le fait qu’il y ait autant de morts au même endroit, les uns sur les autres, a fait resurgir des traumatismes chez nous. Certains d’entre eux ont dit que cela leur a rappelé [les images] de la Shoah, de voir des chapeaux et des chaussures arrachés à des gens. »

Et maintenant, pour de nombreux secouristes – ceux qui ont mené à bout leur tâche comme ceux qui ont dû tirer leur révérence – les images mentales sont indélébiles. « Les gens n’ont pas dormi, n’ont pas mangé, » dit Marcus. « Ils sont désorientés, et nous avons même eu des épouses et des maris de secouristes qui ont appelé, inquiets, disant que leurs partenaires avaient pleuré ».

L’unité de psycho-traumatologie d’Hatzalah, qui est sous l’autorité de Marcus, a commencé, avec un debriefing à Meron, le long processus de traitement des séquelles psychologiques. Puis, samedi soir, dans 12 endroits à travers Israël, les secouristes d’Hatzalah se sont réunis pour la première d’une série de séances de thérapie de groupe.

« Nous organisons ces séances dans l’espoir de prévenir le syndrome de stress post-traumatique », a déclaré Marcus. « Les gens ont surtout parlé du sentiment de désespoir accablant et de leurs expériences en essayant de sauver des gens. »

« Ils ont demandé comment il était possible que de jeunes enfants soient tués. Il y avait beaucoup de questions sur le pourquoi. Et beaucoup de gens se demandaient s’ils avaient fait du mieux qu’ils pouvaient. La réponse que nous avons donnée est que nous avons tous travaillé selon les directives et fait de notre mieux dans les circonstances, et cela donne un sentiment de réconfort. »

Uri Belams, secouriste à United Hatzalah, en Israël. (Crédit : Nathan Jeffay/The Times of Israël)

Mais une réponse rationnelle ne suffit pas toujours à calmer la tourmente émotionnelle. Uriel Belams, 41 ans, secouriste volontaire de Hatzalah, dit qu’il sait que tous les secouristes, y compris lui-même, ont fait de leur mieux. Mais il ne peut s’empêcher de penser à un jeune garçon, dont les images ont circulé sur les réseaux sociaux, qui appelait à l’aide et qui a fini par mourir peu après.

Belams avait vu le garçon à travers le chaos. « Je me demande si, s’il s’agissait de mon enfant, j’aurais fait plus », a-t-il déclaré tristement. « J’étais loin et pour le rejoindre, j’aurais dû grimper sur des gens. »

Même s’il sait que cela aurait été au détriment d’autres personnes, Belams ne peut s’empêcher de se dire qu' »il était, théoriquement, possible de le sauver ».

« Le garçon demandait de l’aide mais il est mort », a-t-il ajouté.

Au fil de l’entretien intense, Marcus a évoqué le moment qui repasse en boucle dans son esprit. C’est un moment qui lui a donné l’impression d’être un « bourreau ».

Avigdor Hayut, assis, à gauche, pendant les funérailles de son fils Yedidia Hayut dans un cimetière de Petah Tikva, le 2 mai 2021. (Crédit : AP Photo/Sebastian Scheiner)

« La première fois que j’ai pris conscience de la crise, c’est lorsque j’ai couru vers le premier patient, un homme qui avait du mal à respirer, et que j’ai commencé à lui faire un massage cardiaque, nous n’avions aucune idée qu’il s’agissait en fait d’un événement impliquant un grand nombre de victimes. Rapidement, cependant, j’ai commencé à comprendre que les morts étaient les uns sur les autres, avec des médecins qui essayaient de pratiquer la réanimation. »

Avi Marcus, secouriste à United Hatzalah, en Israël. (Crédit : Nathan Jeffay/The Times of Israël)

Marcus s’est levé de son bureau et a mimé le geste qu’il a fait – conformément aux protocoles médicaux – lors de cette prise de conscience. Il a pointé son doigt vers une ligne de corps imaginaires, et a dit « mort, mort, mort, mort ». C’est le choix qu’il a dû faire au milieu de la tragédie – évaluer que beaucoup de personnes immobiles ne seraient pas sauvées par la réanimation cardio-pulmonaire et ordonner aux médecins d’arrêter d’essayer et de se concentrer sur les autres à la place.

« J’ai réalisé que nous ne pouvions pas aider les personnes qui étaient inconscientes ou qui ne respiraient pas, et j’ai dû demander aux médecins d’arrêter de les réanimer, car il y avait davantage de personnes qui respiraient et qui avaient besoin d’aide. »

Il est sûr d’avoir pris la bonne décision, et d’avoir finalement sauvé des vies, mais cela n’élimine pas le sentiment de malaise inhérent à sa décision. « C’est très dur et traumatisant de prendre cette décision », a-t-il déclaré. « Je me sentais comme un bourreau, à prendre des décisions que je n’aurais pas dû avoir à prendre. »

Belams est devenu expert en situations d’urgence grâce à sa vie professionnelle et à son bénévolat au sein de Hatzalah. Il travaille au ministère de l’Education, où il aide les institutions à se préparer à des scénarios d’urgence. « Néanmoins, » dit-il, « rien ne vous prépare à cela ».

Lorsqu’il est arrivé chez lui après la scène, il était partagé entre, d’une part, le chagrin pour ceux qui étaient morts et la détresse particulière que certains d’entre eux soient des enfants et, d’autre part, l’immense gratitude que ses enfants soient en vie et en bonne santé. « Ça tourne en boucle dans ma tête », a-t-il dit. « Quand je suis rentré chez moi, j’ai serré mes enfants dans mes bras et j’ai exprimé ma gratitude qu’ils soient là, puis j’ai versé une larme pour ceux qui ne sont plus là et je suis allé rendre visite à une famille qui a perdu un père. »

« Les enfants pleuraient et je leur ai apporté mon soutien. En rentrant à la maison, je n’arrivais même plus à penser. Je n’avais plus la force de penser. Pendant Shabbat, j’ai essayé de retenir les larmes, mais je n’y arrivais pas, et j’ai pleuré. »

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