L’administration Biden « approuve » la définition de l’antisémitisme de l’IHRA
Répondant à l'appel des groupes juifs majeurs, un officiel du département d'Etat prône l'adoption de la définition qui, pour certains, nuit à la liberté d'expression sur Israël
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Une haute-responsable du département d’Etat américain a annoncé lundi que l’administration Biden « approuve et défend » la définition de l’antisémitisme qui est devenue un point de friction entre les principales organisations et les groupes progressistes juifs de la communauté aux Etats-Unis.
« Comme l’ont fait les administrations américaines précédentes, issues de chaque côté de l’échiquier politique, l’administration Biden approuve et défend la définition de travail de l’IHRA [International Holocaust Remembrance Alliance] de l’antisémitisme. Nous nous réjouissons du nombre croissant de pays et d’instances internationales qui l’utilisent dorénavant et nous recommandons vivement à ceux qui ne l’utilisent pas encore de le faire », a déclaré Kara McDonald, vice-secrétaire d’Etat à la Démocratie, aux droits humains et au travail.
S’adressant aux participants d’une rencontre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), McDonald a déclaré que « nous devons nous éduquer et éduquer nos communautés à reconnaître l’antisémitisme sous ses nombreuses formes de manière à ce que nous puissions appeler la haine par son nom et passer à l’acte de manière efficace pour la contrer. Et c’est la raison pour laquelle la définition de travail de l’antisémitisme mise au point par l’IHRA, avec ses exemples réels, est un outil si précieux ».
La définition de travail de l’IHRA est un document de 500 mots accompagné d’une brève explication de l’antisémitisme et suivi de 11 exemples illustrant ses manifestations, dont un grand nombre implique le discours sur Israël.
La définition a été adoptée par des dizaines de pays et par une liste croissante d’organisations et d’universités pour aider à contrôler, combattre et sensibiliser à l’antisémitisme. Mais ses dispositions sur Israël sont aujourd’hui au cœur des débats et l’adoption de la définition peut signifier des choses très différentes pour les groupes divers.

Les défenseurs de la définition affirment que ses exemples sur Israël – qui comprennent les comparaisons entre l’Etat juif et les nazis, la qualification d’Israël en tant que pays raciste et l’application d’un double standard à Israël qui n’est par ailleurs appliqué à aucun autre pays – aident à identifier la limite entre les activités anti-israéliennes et l’antisémitisme. Pour ses détracteurs, néanmoins, les exemples donnés peuvent finalement transformer toute critique légitime de la politique israélienne en manifestation d’antisémitisme.
Les Palestiniens ont déclaré que ces dispositions concernant le discours sur Israël servaient in fine à neutraliser toute critique du pays pour son traitement des Palestiniens ou pour ce qu’eux-mêmes considèrent comme étant des violations du droit international.
Détaillant le positionnement adopté par le département d’Etat, un responsable a dit au Times of Israel que « nous considérons cette définition de travail comme un outil excessivement important pour aider le public et le gouvernement à tous les niveaux, dans le pays et dans le monde entier, à reconnaître les formes contemporaines de l’antisémitisme quand ils les rencontrent. Nous devons aussi être capables d’identifier les nombreuses manifestations de l’antisémitisme dans le monde d’aujourd’hui de manière à pouvoir les confronter de la façon la plus efficace possible ».
William Daroff – à la tête de la CoP (Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations) qui avait appelé Joe Biden à suivre l’exemple donné par les administrations Obama et Trump qui avaient toutes les deux adopté la définition – a salué les propos tenus par McDonald. « C’est absolument la direction que nous voudrions que l’administration emprunte », a confié Daroff au Times of Israel.
Mais les 53 membres de la CoP n’ont pas tous adopté cette définition. Ainsi, les groupes Americans for Peace Now et Workers Circle, deux organisations progressistes, se sont abstenues de le faire. Americans for Peace Now, qui critique fréquemment la politique israélienne, avait déclaré le mois dernier à Haaretz ne pas souhaiter adopter la définition parce qu’elle avait d’ores et déjà été « utilisée à outrance pour étouffer toute critique légitime et tout activisme dénonçant les politiques du gouvernement israélien ».
Le mouvement Réformé avait opté pour un positionnement plus modéré, en estimant que la définition de l’IHRA était utile mais qu’elle ne devait pas, à terme, avoir force de loi.
« Notre engagement en faveur des principes de la liberté d’expression et nos préoccupations quant à l’abus potentiel de la définition nous obligent à insister pour qu’elle soit utilisée uniquement comme prévu : comme un guide et un outil de sensibilisation », avait fait savoir le mouvement dans une déclaration, le mois dernier. « La définition ne doit pas être codifiée en une politique qui déclencherait une action punitive potentiellement problématique permettant de circonscrire la liberté d’expression ».
Repoussant ces arguments, Daroff avait déclaré que « la définition elle-même établit clairement qu’elle ne doit pas être utilisée pour restreindre les discours légitimes. Elle établit toutefois clairement une vérité, qui est que la critique d’Israël sert souvent de substitut à la critique des Juifs ».
JTA a contribué à cet article.