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Interview

Lapid se confie sur la campagne, le programme de Kakhol lavan et Israël

"Il y a un sentiment d’espoir dans ce pays, et nous l’avons apporté. Nous devons donc bien faire quelque chose de positif", a déclaré le chef de Yesh Atid

Le président de Yesh Atid, Yair Lapid, s'exprime durant un événement organisé par le mouvement pour la qualité du gouvernement à Modiin, le 4 février 2019. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)
Le président de Yesh Atid, Yair Lapid, s'exprime durant un événement organisé par le mouvement pour la qualité du gouvernement à Modiin, le 4 février 2019. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Si Kakhol lavan bat le Likud de quatre sièges ou plus aux élections de mardi, « aucune force sur terre » ne l’empêchera de former la prochaine coalition, a déclaré jeudi Yair Lapid le numéro 2 du parti centriste au Times of Israel.

Lapid s’est exprimé peu avant que le sondage final de pré-élection de la Douzième chaîne ait attribué à Kakhol lavan, dirigé par l’ancien chef de l’armée israélienne Benny Gantz, 30 sièges contre 26 pour le Likud de Benjamin Netanyahu, même si la chaîne publique Kan a donné un avantage de 31-30 en faveur du Likud.

Les deux sondages ont néanmoins indiqué qu’un bloc de droite et de religieux dirigé par Netanyahu pourrait former une coalition à 64 sièges, mais Lapid était catégorique pour affirmer que certains partis qui ont clairement exprimé leur préférence au Likud vis-à-vis de Kakhol lavan pourraient changer d’avis si son parti devançait Netanyahu de quatre sièges ou plus.

« Il y a eu 20 gouvernements dans l’histoire d’Israël. Dix-neuf d’entre eux ont été formés par le vainqueur [ayant remporté le plus de sièges]. Il n’y a eu qu’une exception et ce cas, avec Tzipi Livni [à la tête de Kadima en 2000] était très exceptionnel », a-t-il déclaré au Times of Israël dans un entretien.

« Globalement, si on gagne de façon nette, on formera le prochain gouvernement. C’est la règle. Pouvez-vous imaginer quelqu’un visé par trois inculpations, qui a perdu l’élection, et à qui on demanderait de former un gouvernement ?, a-t-il dit au sujet de Netanyahu. Cela ne se produira pas ».

« Si nous gagnons avec un avantage de quatre, cinq, six sièges [sur le Likud], nous formerons le gouvernement. Il n’y a aucune force sur terre qui pourra nous empêcher de le faire », ajouté Lapid.

Interrogé sur le rôle que le président Reuven Rivlin devrait jouer là-dedans – Rivlin décidera à qui demander de former le gouvernement, en s’appuyant sur les recommandations des chefs de tous les partis qui ont remporté des sièges à la Knesset – Lapid a dit : « J’attends que le président, en tant que représentant du peuple d’Israël, écoute ce que le peuple a à dire : si le peuple d’Israël me dit que nous avons voté pour Kakhol lavan, et Kakhol lavan a gagné… »

Des gens passent devant des affiches de la campagne électorale montrant le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et les dirigeants de Kakhol lavan, de gauche à droite, Moshe Ya’alon, Benny Gantz, Yair Lapid et Gabi Ashkenazi, à Tel Aviv, le 3 avril 2019. Sur les affiches on peut lire, à gauche, « Un Likud fort, un Israël fort » et, à droite, « Chaque vote compte, victoire pour Kakhol lavan ». (AP Photo/Oded Balilty)

Lapid a également suggéré que des partis qui ont explicitement soutenu Netanyahu pendant la campagne électorale pourraient changer de ton si Kakhol lavan venait à remporter une victoire décisive. Ils pourraient recommander Gantz comme Premier ministre et chercher à rejoindre une coalition dont il serait à la tête.

« Les gens disent des choses pendant les campagnes électorales. Et ensuite, quand les gouvernements sont formés, les gens disent des choses différentes… Mon conseil est de revenir aux choses basiques : les vainqueurs forment des gouvernements. Pas les perdants », a-t-il dit.

Même les partis ultra-orthodoxes Shas et YaHadout HaTorah, qui ont exclu de participer à une coalition avec Kakhol lavan, pourraient changer d’avis, a affirmé Lapid, s’ils devaient se trouver « devant l’éventualité de passer trois ou quatre ans dans l’opposition ».

La dernière fois que des partis haredis étaient dans l’opposition c’était quand le parti Yesh Atid de Lapid avait participé à un gouvernement dirigé par Netanyahu en 2013. On ne voit pas très bien comment ces partis pourraient travailler ensemble maintenant, avec Lapid – qui remplacerait Gantz en tant que Premier ministre deux ans et demi après les élections en respect d’un accord de rotation entre les deux – qui cherche à promouvoir une série de réformes politiques auxquelles les ultra-orthodoxes sont pour le moins vivement opposés.

« La loi de conscription militaire. L’annulation de la loi des mini-marchés. Une version civile du mariage. Des transports publics le samedi dans les zones non religieuses. Un accord [pluraliste] pour le mur Occidental. Des mathématiques et de l’anglais dans toutes les écoles du pays », sont notamment des mesures que Lapid défend.

Le chef de Yesh Atid, qui a fusionné son parti avec Hossen LeYisrael de Gantz et Telem de Moshe Yaalon dans le but de renverser Netanyahu, a aussi prédit que le Likud pourrait rapidement laisser tomber son chef si Kakhol lavan venait à battre le Likud de façon nette.

« Ils vont faire leurs adieux bien plus rapidement que quiconque ne le pense, a-t-il dit. Il y a une énorme amertume cachée au sein du Likud. L’un des plus grands défauts de Bibi est qu’il ne laisse personne se développer autour de lui. Il s’assure que les gens restent à terre. Personne n’aime cela. Tant qu’il est en place, ils seront prudents là-dessus. Mais on entend les premières voix [dissidentes] venir du Likud. Et elles me parlent. A la minute où il aura perdu du terrain, il y aura une réaction ».

Lapid a affirmé qu’il était impossible de prédire exactement à quoi ressemblerait la prochaine Knesset étant donné qu’il est encore incertain que quatre à cinq partis puissent franchir le seuil électoral, dans son estimation, et chacun d’eux pouvant faire pencher des blocs de quatre sièges dans une direction ou dans une autre.

Il a dit que le sondage établi pour les médias, qui a souvent une marge d’erreur plus haute que le seuil de 3,25 % d’entrée à la Knesset, devait être pris avec prudence. Il a aussi affirmé que les sondeurs exagéraient le poids des petits partis.

« S’ils ne le font pas, ils reçoivent des appels (du chef de Koulanou Moshe) Kahlon, (du chef d’Yisrael Beitenu) Avidgor Liberman et d’autres partis, leur disant « si vous publiez deux fois un sondage qui dit aux gens que je ne passe pas le seuil électoral, je vais disparaître à cause de vous’. Alors ils arrondissent vers le haut, et ils sont prudents. Ils devraient probablement être prudents ».

Les sondages de jeudi, publiés après les commentaires de Lapid, ont prédit que tous les partis actuellement dans la coalition passaient le seuil électoral, positionnant ainsi le bloc de droite à 64 sièges, assez pour donner à Netanyahu la majorité dans une Knesset à 120 sièges – et soit trois sièges de plus qu’à la fin de la dernière mandature.

Lapid a dit qu’il y avait une « dissonance de perception » entre une bonne partie de la couverture médiatique de la campagne et sa propre expérience personnelle.

« Il y a un fossé entre ce qui m’arrive et le discours que j’entends dans les médias. Je suis en plein dans l’expérience la plus optimiste, la plus incroyable et chaleureuse de ma vie, a-t-il dit. C’est un rassemblement de centaines de milliers de gens qui affirment qu’il est temps de changer le pays, temps de regarder tout ce que nous pensons être important – la santé, l’éducation, la sécurité et plus que tôt, le type de dirigeant dont le pays a besoin – des dirigeants optimistes qui rassemblent. Je suis avec un groupe de gens qui se préoccupe de tout cela. Et tout ce que j’entends de la part des médias est, donc, est-ce que ça va bien ? Et avez-vous entendu la dernière fake news qui a été lancée sur vous ? »

Quand on a interrogé Lapid sur le fait que Gantz avait eu une période d’apprentissage difficile, et qu’il n’avait pas assez vite compris le danger, par exemple, que des remarques faites lors de conversations privées deviennent publiques, Lapid a noté que Netanyahu « peut utiliser, et parfois de façon cynique, toutes les ressources du pays à son avantage politique. Et malgré cela, nous sommes en tête. C’est parce que nous communiquons ce vent de changement au peuple d’Israël. C’est devenu quelque chose de tangible pour eux ».

« Nous avons transformé une idée sans forme de notre capacité à faire changer le pays en quelque chose de tangible pour la majorité d’Israël, a-t-il dit. Et il nous reste juste à faire un dernier mètre – pas un kilomètre – pour aller remporter cette élection. Il y a un sentiment d’espoir dans ce pays, et nous l’avons apporté. Nous devons donc bien faire quelque chose de positif ».

Benny Gantz lors d’un événement du parti Kakhol lavan à Ashdod le 30 mars 2019. (Flash90)

Il a néanmoins reconnu que « la seule façon de juger comment une campagne électorale a été menée est de manière retrospective après le scrutin. Dans quelques jours maintenant, soit vous me direz que c’était une campagne géniale et qu’il est incroyable que Bibi [Netanyahu], avec tout son expérience, ait autant foiré. Ou alors l’inverse ».

Kakhol lavan a critiqué Netanyahu, à plusieurs reprises, pour une série d’inculpations criminelles pour corruption auquel il devra sans doute faire face juste après les élections, et plus récemment, pour son éventuelle implication dans plusieurs accords navals illégaux où ses proches associés sont par accusés de corruption.

Pour Lapid, son parti offre non seulement un changement de Premier ministre, mais aussi « un changement des priorités du gouvernement ». A titre d’exemple, le parti veut investir 12,5 milliards de shekels supplémentaires (3,1 milliards d’euros) dans le système de santé sur cinq ans. Le budget du ministère de la Santé en 2018 était de (9,3 milliards d’euros). Cette mesure compliquerait certainement son travail pour former une coalition, car Lapid a dit que Kakhol lavan financerait l’investissement supplémentaire dans la santé, et d’autres dépenses budgétaires pour l’infrastructure et l’éducation, en éliminant des accords passés entre des partis lors des négociations de coalition qui allouent des fonds pour des besoins spécifiques de communautés.

Lapid a dit que Netanyahu, étant incapable de répondre à une critique politique et pour essayer désespérément de détourner l’attention des potentielles inculpations criminelles, s’est résolu à « des mensonges éhontés » dans le but de salir Lapid et Gantz. Le Premier ministre, en défendant des utilisateurs de réseaux sociaux qui répandent de « fausses informations » sur ses rivaux, a aussi donné une tribune « aux propos les plus abjects, à l’homophobie et au racisme ».

De son côté Kakhol lavan « a décidé du principe de base, à savoir que Gantz et moi n’allons pas mentir. Nous n’allons rien publier à moins que nous ne soyons sûrs que c’est vrai. Nous n’allons pas attaquer la famille du Premier ministre. Nous n’allons pas aller en-dessous de la ceinture. Apparemment, le Premier ministre n’a pas adopté cette règle, » a déclaré Lapid.

Que dire alors du portrait d’un Netanyahu qui aurait passé des années à profiter de la belle vie aux Etats-Unis alors que Gantz risquait sa vie dans les tranchées avec des soldats israéliens ? « Eh bien, il rendait les coups, a déclaré Lapid au sujet du deuxième discours politique majeur du chef de Kakhol lavan. Ce gars a été un guerrier toute sa vie, on lui a appris et il a appris à d’autres que si quelqu’un vous attaque, vous devez riposter. Alors il est intervenu pour dire à Netanyahu ‘il y a une limite à ce que je vais encaisser sans riposter, fais attention.’ Et ça a eu de l’impact. Netanyahu comprend ce type de langage. Je n’ai pas dit que nous menions une campagne de nonnes. Mais nous avons des limites ».

La campagne de Kakhol lavan a été affectée par une série de scandales que le parti a rejetées comme des tentatives politiques visant à le salir. Il y a aussi eu des fuites d’enregistrements de conversations entre Gantz et des proches associés, dont un enregistrement publié la semaine dernière dans lequel l’ancien chef de l’armée dit au sujet de Lapid et d’autres membres importants du parti qu’il n’est « sûr d’aucun d’entre eux ».

De gauche à droite : Les leaders de Kakhol Lavan, Moshe Yaalon, Benny Gantz , Yair Lapid et Gabi Ashkenazi posent pour une photo après l’annonce de leur nouvelle alliance électorale à Tel Aviv, le 21 février 2019 (Crédit : Jack Guez/AFP)

Jeudi, Lapid a déclaré qu’il « se fichait complètement » de ses commentaires, et a démenti les informations au sujet de tensions entre les quatre principaux responsables du parti – Gantz, Lapid, Yaalon et un autre ancien chef de l’armée Gabi Ashkenazi.

Lapid a promis qu’ils resteraient ensemble quels que soient les résultats de l’élection de mardi.

« Ce sont juste des gars géniaux. J’aime bien leur compagnie. J’aime bien travailler avec eux, a-t-il affirmé, en déclarant qu’ils n’étaient pas toujours d’accord sur tout mais que leurs réunions quotidiennes avaient du sens et, ce qui serait peut-être surprenant pour certains, étaient aussi pleines d’humour (« Bogie [Yaalon] est drôle. Je sais que des gens ne me croiront pas, mais c’est un gars marrant, quand il veut l’être. C’est un gars drôle. C’est toujours plus drôle quand quelqu’un de sérieux fait des blagues ».)

Un désaccord clef – et c’est un désaccord qui pourrait bien se faire sentir si Kakhol lavan devait diriger le prochain gouvernement – pourrait concerner la nature d’un possible accord de paix avec les Palestiniens. Alors que Gantz a affirmé son engagement à obtenir un tel accord, Yaalon s’oppose à la création d’un État palestinien et a déclaré clairement qu’il ne soutiendrait pas une solution à deux États. De son côté, Lapid a auparavant appelé à « un État palestinien démilitarisé dont la capitale serait Ramallah ».

Le programme diplomatique présenté par le parti inclut un soutien pour une Jérusalem « unie » comme capitale d’Israël, un contrôle israélien continu sur la Vallée du Jourdain, et le maintien de certains blocs d’implantations en Cisjordanie.

Si le programme évoque aussi la volonté d’entrer en négociations avec les Palestiniens, un tel programme serait probablement rejeté par l’Autorité palestinienne (AP), qui exige un État sur la base des lignes de 1967 avec Jérusalem est comme capitale. Il convient de noter que le programme n’indique pas soutenir la création d’un État palestinien.

Le ministre de la Défense Moshe Yaalon regarde le Premier ministre benjamin Netanyahu parler avec le ministre des Finances Yair Lapid lors d’une session plénière au parlement israélien le 5 juin 2013. (Crédit photo : Miriam Alster/FLASH90)

« Voici que nous disons, a expliqué Lapid en défense du programme et de l’unité du parti sur la question, « nous disons que nous sommes pour une séparation des Palestiniens ».

« Maintenant, vous me demandez pour dans cinq ans par rapport à maintenant. Il y a trois, quatre, cinq ans… » et quand il serait Premier ministre ? « Oui, quand je serai Premier ministre… quel type de solution politique il pourrait y avoir sur le sujet ? Alors Bogie vous dira un « État moins » et je vous dirai un État. Mais c’est une divergence d’opinion sur le résultat final d’un processus que nous n’avons même pas commencé. Alors vous pourrez me demander à ce moment-là », a affirmé Lapid.

S’il devait remporter les élections et former un gouvernement, Kakhol lavan aura peut-être à trancher la question plus tôt, car le plan de paix de l’administration Trump tant attendu sera le premier sujet que le prochain Premier ministre devra traiter.

Lapid a dit que le prochain gouvernement aurait à « prendre sérieusement en considération le plan d’un président qui est l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur ami qu’Israël a jamais eu à la Maison Blanche ».

Lapid a dit qu’il ne savait pas ce qu’il y avait dans le plan de Trump (« soi-disant personne ne sait vraiment »), avant d’ajouter que, « nous devons nous souvenir que ce président a aussi tendance à faire des surprises ».

« Alors, a conclu Lapid, nous devons attendre pour voir ce qui se passe ».

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