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"Je ne serais pas surpris s'il y avait 40 morts"'

L’armée israélienne se prépare à des manifestations massives à Gaza

Un haut-responsable militaire a averti que la situation sécuritaire est précaire avec un fort potentiel "d'escalade et de mauvaises appréciations" qui pourraient mener à la guerre

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Les soldats de l'armée israélienne près d'un tank sur une base militaire près de la frontière avec Gaza, le 30 mai 2018 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Les soldats de l'armée israélienne près d'un tank sur une base militaire près de la frontière avec Gaza, le 30 mai 2018 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

CLOTURE DE SECURITE DE GAZA — Les militaires israéliens se préparent pour des affrontements massifs le long de la clôture de sécurité avec Gaza, vendredi après-midi, potentiellement comparables à ceux qui avaient eu lieu en date du 14 mai auxquels des dizaines de milliers de personnes avaient participé et qui avaient entraîné la mort de 60 Palestiniens environ, a déclaré un haut-responsable militaire jeudi.

Le responsable a indiqué que l’armée oeuvrait à limiter le nombre de morts du côté palestinien mais qu’elle se préparait à un bilan similaire à celui du 14 mai. L’officier a accusé le groupe terroriste du Hamas, qui dirige la bande de Gaza, de tenter de faire en sorte qu’il y ait un grand nombre de victimes.

« Je ne serais pas surpris si demain, il y avait 40 morts. Mais je veux qu’il y en ait zéro », a commenté le haut-gradé issu du commandement du sud, s’exprimant sous condition d’anonymat.

« Le Hamas veut plus de morts. Nous voulons ne voulons pas de morts du tout », a-t-il dit.

Des manifestants palestiniens, des pierres à la main, durant une manifestation le long de la frontière avec la bande de Gaza, à l’est de Gaza city, le 1er juin 2018 (Crédit : AFP/Mahmud Hams)

Les militaires avaient initialement anticipé que de larges manifestations auraient lieu le long de la frontière mardi pour commémorer l’anniversaire de la guerre des Six jours de 1967, auxquels les Palestiniens se réfèrent sous le terme de ‘Naksa’, ou défaite.

Le Hamas a finalement décidé de recommander aux Gazaouis de prendre part à des émeutes majeures vendredi – journée qui est également le dernier vendredi du Ramadan et que l’Iran désigne sous le nom de Journée Quds, en soutien aux Palestiniens.

Jeudi, les militaires ont jeté des tracts dans toute la bande avertissant les résidents de rester à l’écart de la frontière et de ne pas prendre part aux affrontements.

Au début de la semaine, l’armée israélienne a fait venir des bataillons d’infanterie de renfort au sein de la division de Gaza en amont des violences attendues. Ces derniers jours, des équipes de l’armée ont également oeuvré des deux côtés de la barrière de sécurité pour poser plusieurs kilomètres supplémentaires de barrière en fil barbelé, a expliqué l’officier.

« Nous sommes prêts depuis mardi », a-t-il ajouté.

Le responsable a indiqué que les militaires s’attendaient à ce que vendredi soit une journée particulièrement violente sur la base de divers facteurs, notamment au vu des activités sur les réseaux sociaux, des discours prononcés dans les mosquées de Gaza, des préparations sur le terrain et des communications internes au Hamas.

Les restes d’un obus de mortier qui a frappé la cour d’un jardin d’enfants dans la région d’Eshkol, près de la frontière de Gaza, le 29 mai 2018. (Shay Machluf)

Les tensions avec la bande de Gaza en proie aux agitations ont atteint leur paroxysme la semaine dernière, avec une flambée massive entre les organisations terroristes au sein de l’enclave côtière et l’Etat juif. Mardi dernier, le Hamas, le Jihad islamique palestinien soutenu par l’Iran et un certain nombre de groupes moins importants ont lancé approximativement 200 tirs de mortier et roquettes vers le sud d’Israël en 22 heures. En réponse, les forces aériennes israéliennes ont frappé 65 cibles du Hamas et du Jihad islamique dans la bande de Gaza, notamment un tunnel d’attaque du Hamas.

La semaine dernière a également été marquée par un certain nombre de tirs de roquettes. Le dernier a eu lieu samedi matin.

Alors que l’armée estime que le Hamas n’est pas intéressé par une guerre, le haut-responsable affirme qu’il existe le potentiel d’un conflit d’ampleur dans un avenir proche.

« Nous sommes aujourd’hui à un carrefour. Cela peut aller d’un côté ou de l’autre », a-t-il dit.

Selon le responsable, les deux facteurs décisifs seront « l’escalade et les mauvaises décisions ».

Un tank de l’armée israélienne au bord de la frontière avec Gaza, le 13 avril 2018 (Crédit : Sliman Khader/Flash90)

Une attaque à la frontière qui ferait des morts chez les soldats, des tirs de roquettes renouvelés ou d’autres violences significatives pourraient pousser Israël à la guerre. De l’autre côté de la clôture, une frappe militaire qui tuerait accidentellement des civils palestiniens pourrait également pousser le Hamas et les autres groupes terroristes au conflit, a-t-il noté.

« Quelques personnes décédées que nous ne souhaitions pas tuer »

La toute première inquiétude du militaire concernant la journée de vendredi est la possibilité d’une brèche massive qui serait ouverte dans la clôture de sécurité, avec des centaines d’émeutiers palestiniens qui pourraient alors piller une communauté israélienne installée à proximité de la frontière.

L’officier a indiqué que les troupes étaient prêtes à utiliser des moyens de dispersion moins létaux et relativement peu de balles réelles pour prévenir des infiltrations, sachant que si une brèche devait toutefois être ouverte, alors l’armée devrait utiliser la force létale pour conserver les émeutiers à distance des civils.

Un manifestant palestinien coupe une section de fil barbelé sur la clôture frontalière entre Israël et la bande de Gaza, à l’est de Jabalia, le 1er juin 2018 (Crédit :/ AFP PHOTO / Mohammed ABED)

Si 500 personnes devaient traverser la clôture, « il faudrait alors que je tue beaucoup de gens pour protéger Nahal Oz », a estimé le haut-gradé, se référant à un kibboutz proche de la frontière.

L’armée israélienne s’attend à ce que les affrontements commencent en fin d’après-midi ou en début de soirée, lorsque le jeûne quotidien du Ramadan prendra fin. Elle a noté que les manifestations, au cours du mois sacré des musulmans, ont été plus courtes, commençant plus tard mais s’achevant toujours à la même heure.

« Nous adorerions prolonger le Ramadan de deux ou trois mois », a-t-il plaisanté.

Au moins 120 Palestiniens ont été tués par l’armée depuis le début de la marche du Retour, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas à Gaza.

Un Palestinien transporte un blessé durant des affrontements avec l’armée israélienne entre la bande de Gaza et Israël, à l’est de Gaza City, le 14 mai 2018 (Crédit : AFP / MAHMUD HAMS)

Sur ce chiffre total, a expliqué le haut-responsable militaire, environ 30 ou 40 personnes étaient des combattants actifs que les militaires avaient tenté délibérément de tuer. Les autres deux-tiers, voire les trois-quarts, étaient des gens que les soldats voulaient blesser ou qu’ils n’avaient pas voulu viser intentionnellement.

« Il y a quelques personnes décédées que nous ne souhaitions pas tuer », a-t-il déclaré.

L’officier a néanmoins noté que la majorité des victimes avaient été ultérieurement identifiées comme appartenant à des organisations terroristes, et en particulier au Hamas.

« Ce n’est pas une anomalie statistique », a-t-il ajouté, mais bien la preuve que les activités violentes le long de la frontière sont dirigées par des membres des brigades régionales du groupe terroriste.

Funérailles de Mohammed Dwedar un Palestinien de 27 ans tué dans lors des émeutes frontalières. Il est enterré dans le camp de réfugiés de Nusseirat, à Gaza,, le 15 mai 2018. (Credit : AFP/ MOHAMMED ABED)

Selon le haut-gradé, certaines de ces morts ont été entraînées par des balles ayant ricoché sur des pierres, ainsi que par un petit nombre d’erreurs avec des snipers qui ont raté leur cible. Dans de nombreux cas néanmoins, les balles ont touché une cible puis ont continué leur route, changeant parfois de direction si elles heurtaient un os, et frappant ensuite une autre personne.

« C’est ainsi que l’infirmière a été tuée », a dit l’officier, se référant à Razan Najjar, 21 ans, infirmière bénévole qui, selon les Palestiniens, a été tuée lors des émeutes de la semaine dernière alors qu’elle prenait en charge les blessés le long de la frontière.

L’enquête de l’armée est en cours mais ses conclusions initiales ont indiqué que Najjar n’avait pas été délibérément visée sur la base d’un réexamen des tirs dans le secteur au moment de sa mort.

Razan al-Najjar (D), une secouriste palestinienne de 21 ans, soigne une collègue blessée lors d’affrontements près de la frontière avec Israël, à l’est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 15 mai 2018. (AFP/ DIT KHATIB)

Le haut-responsable a déclaré qu’il semblait qu’un soldat avait tiré sur une cible différente et que la balle avait continué sa course après l’avoir touché, frappant Najjar à la poitrine. Il a souligné qu’il ne s’agissait pas d’une évaluation définitive.

Israël a fait face à des critiques internationales significatives pour ses actions le long de la frontière, y-compris pour le meurtre apparent de Najjar.

« La mort d’un personnel médical clairement identifié sous les balles des forces de sécurité au cours d’une manifestation est particulièrement répréhensible », a commenté dimanche Jamie McGoldrick, coordinateur humanitaire des Nations unies pour Gaza.

Vendredi dernier, un projet de résolution soutenu par les pays arabes et présenté à l’ONU, réclamant des mesures de protection pour les Palestiniens, a récolté l’appui de dix pays au Conseil de sécurité. Les Etats-Unis y ont opposé leur veto.

Le Hamas et le Jihad islamique ont reconnu que des douzaines de personnes parmi les morts depuis le mois de mars appartenaient à leurs rangs, avec notamment 53 des 60 victimes du 14 mai, la pire journée de violences à ce jour.

Préparation au danger

Le responsable du Commandement du sud s’est exprimé devant les journalistes dans l’un des environs 100 postes de snipers déployés par l’armée le long de la clôture de sécurité avec Gaza – à proximité desquels un groupe de palestiniens avait envoyé, la semaine dernière, une grenade de l’autre côté de la frontière – alors que les Gazaouis, sur la partie palestinienne, lançaient des cerfs-volants depuis l’enclave côtière vers le territoire israélien, certains portant des matériels incendiaires qui ont mis le feu aux champs situés aux alentours.

Un poste de sniper de l’armée israélienne à la frontière avec Gaza, à l’ouest du kibboutz Nahal Oz, dans le dus d’Israël, le 7 juin 2018 (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israel)

L’étroite bande de terre qui sépare la clôture de sécurité de la ligne des postes occupés par l’armée israélienne est par ailleurs jonchée de douilles, de morceaux de marbre lancés sur les troupes israéliennes à l’aide de frondes, et de débris de cerfs-volants incendiaires. Selon l’officier, des grenades n’ayant pas explosé, des cocktails molotov et des bombes artisanales sont régulièrement retrouvés dans la zone – et désamorcés.

L’armée a choisi d’établir ses postes à une telle proximité avec la frontière avec pour objectif d’offrir aux soldats une plus grande précision ainsi que plus de latitude dans le cas d’une brèche ouverte – même si les militaires se trouvent alors exposés à un niveau de risque « insensé », a dit l’officier en ramassant des morceaux de marbre sur la terre.

Un « cerf-volant incendiaire » qui est retombé près d’un poste de sniper israélien, le long de la frontière avec Gaza, à l’ouest du kibboutz Nahal Oz, dans le sud d’Israël, le 7 juin 2018 (Crédit :Judah Ari Gross/Times of Israel)

« Une pièce comme celle-là peut vous tuer », a-t-il dit, un morceau de marbre à la main.

« Je suis reconnaissant de ne pas avoir encore été dans l’obligation d’expliquer les raisons de la mort d’un soldat », a-t-il continué. Jusqu’à présent, le seul blessé israélien lors des émeutes hebdomadaires à la frontière avec Gaza a été un militaire légèrement blessé par une pierre, le 14 mai.

Depuis le 30 mars, les Palestiniens ont organisé des manifestations hebdomadaires le long de la frontière avec Gaza sous le nom de « marche du retour » qui ont rassemblé quelques centaines ou des dizaines de milliers de participants, selon les cas. Qualifiée initialement de mouvement de protestation non-violent, la marche a été rapidement cooptée par le groupe terroriste du Hamas qui cherche ouvertement la destruction d’Israël.

La majorité des personnes s’est tenue à distance de la frontière durant les manifestations mais, d’une semaine à l’autre, quelques centaines à quelques milliers se sont rapprochés de la clôture frontalière, arrachant le fil barbelé installé par l’armée, jetant des pierres ou des explosifs aux militaires. Dans certains cas, des manifestants ont tenté d’ouvrir des brèches. Il y a eu également un certain nombre d’attaques directes armées contre les soldats israéliens au cours des affrontements.

L’armée israélienne s’est appuyée sur « des gaz lacrymogènes et des gaz lacrymogènes » pour repousser les manifestants et a toutefois fait usage de tirs à balles réelles conformément aux règles de l’engagement, a dit l’officier.

Les manifestants palestiniens durant les affrontements avec les forces de sécurité israéliennes sur la frontière entre Israël et Gaza, à l’est de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 20 avril 2018 (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Il a ajouté que l’armée avait utilisé la force meurtrière dans des cas de menaces directes à la vie ou lorsqu’il s’était avéré qu’il y avait des risques suffisants que des brèches soient ouvertes dans la frontière par un nombre important de Palestiniens, ce qui n’a pas été le cas pour toutes les tentatives d’infiltration.

« Quatre personnes ne sont pas une menace. Mais s’il s’agit de quatre personnes avec des milliers derrière, alors nous ouvrons le feu », a-t-il expliqué.

Sous les termes des règles militaires de l’engagement, les soldats doivent tirer dans les jambes des émeutiers mais ils sont autorisés à viser le torse lorsqu’il y a une menace directe à la vie, lors d’un échange de tirs ou si des explosifs sont impliqués, a rappelé le responsable.

Interrogé sur la question de savoir si l’armée considérait que les lanceurs de cerfs-volants ou de ballons incendiaires étaient considérés comme des cibles légitimes pour la force meurtrière, l’officier a répondu qu’ils avaient fait l’objet de tirs dans certains cas mais qu’en général, l’armée ne les considérait pas comme une menace immédiate à la vie.

« C’est un type de danger différent », a-t-il dit, ajoutant qu’il « ne tente pas de minimiser » les risques posés par les dispositifs incendiaires.

Le cratère de Beeri suite à un feu attisé par des cerfs-volants avec Gaza en arrière-plan, le 6 juin 2018 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)

Pour combattre cette menace aérienne, l’armée s’est tournée vers les drones, utilisant les soldats en service et les amateurs réservistes pour intercepter les cerfs-volants avant qu’ils n’atteignent les terres agricoles israéliennes.

Plus de 500 cerfs-volants et autres dispositifs ont été ainsi abattus, selon les chiffres de l’armée israélienne, même si ceux qui sont parvenus à pénétrer sur le territoire ont été à l’origine de dégâts énormes dans le sud d’Israël.

Jusqu’à présent, presque 1 800 hectares auraient été dévastés par ces dispositifs, selon les estimations, la majorité des terres brûlées étant situées dans des parcs nationaux et des réserves naturelles, selon les responsables israéliens.

Le coût des dommages devrait atteindre un montant de 5 millions de shekels, selon l’Autorité fiscale.

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