Israël en guerre - Jour 646

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Interview

L’australienne Erin Molan, devenue une pro-Israël, contre le reste du monde

La journaliste est devenue une héroïne en Israël et une cible chez elle en raison de son soutien indéfectible après le 7 octobre, mais son nouveau travail sur X brouille les pistes

Erin Molan
Erin Molan

Quelques heures après son arrivée à Tel Aviv, Erin Molan se tenait au bord de la Méditerranée, les yeux levés au ciel. Un missile houthi s’était écrasé il y a peu à proximité, ce qui avait eu pour effet de paralyser la quasi-totalité du trafic aérien.

« Je regardais dehors, là où il s’était écrasé et je pensais à l’absence de toute condamnation pour les civils innocents blessés ou les victimes qu’il aurait pu faire », dit-elle. « Chaque seconde, chaque jour, je me redis à quel point le monde est hypocrite. »

Pour sa troisième visite en Israël ces douze derniers mois, Molan était l’invitée de l’organisation de droite Nikraim LaDegel (Appelé sous le drapeau) pour laquelle elle a pris la parole le 5 mai dernier. Elle a également assisté aux Atlas Awards organisés par le Centre Ayn Rand qui lui a décerné un prix du courage moral en reconnaissance de son soutien à Israël et de son engagement en faveur de la vérité dans le milieu du journalisme.

Son emploi du temps était serré – avec pas plus de deux nuits à Tel Aviv – mais rempli de réunions, de discours et de rencontres avec des familles dont la vie a été bouleversée par la guerre.

Elle se souvient de ce père dont l’enfant est toujours otage à Gaza et de cette femme dont le fils a été abattu par erreur par un soldat de Tsahal.

« Elle n’avait aucune colère », explique Molan, en référence à la mère de Yotam, Iris Haim. « Il vous reste forcément quelque chose de ce pardon, de cette résilience. »

Depuis bientôt sept mois, la présentatrice australienne, qui s’était jusqu’alors fait connaitre par ses commentaires acerbes sur le sport et la politique, est devenue l’une des figures pro-Israël les plus connues au monde, avec toujours un mot pour les otages ou en faveur de la guerre que mène Israël contre le Hamas à Gaza.

Erin Molan (au centre) lors de la conférence Nikraim LaDegel à Tel Aviv, le 5 mai 2025. (Crédit : Autorisation)

De fait, Molan s’est taillée une solide réputation en Israël : dans la rue, les gens viennent la voir pour la remercier de son soutien.

Selon elle, même si ce nouveau déplacement la renforce encore dans ses convictions, elle se sent en décalage avec les remerciements de la rue.

« Je me contente de dire la vérité et je me sens mal à l’idée que les gens ressentent le besoin de me remercier. Il ne devrait rien y avoir de courageux dans le fait de dénoncer le meurtre de civils », explique-t-elle au Times of Israel.

Une voix isolée

Il y a de cela dix-huit mois, Molan était ni plus ni moins que l’une des présentatrices stars de Sky News Australia, chaîne payante très appréciée des milieux politiques conservateurs.

C’est en 2022 que Molan a commencé à travailler pour la chaine aux heures de grande écoute en qualité d’animatrice d’un programme hebdomadaire centré sur l’actualité – « Erin » – fait d’interviews, de commentaires politiques et des opinions de Molan sur les questions nationales et internationales.

C’est le pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre 2023, au cours duquel des terroristes ont tué en Israël 1 200 personnes, essentiellement des civils, et ont fait 251 otages à Gaza, qui a bouleversé la vie et la carrière de Molan, catholique qui, jusque-là, n’était jamais venue en Israël.

Mortifiée par le pogrom, elle a immédiatement témoigné de sa solidarité, d’abord sur les réseaux sociaux, puis à l’antenne.

« Cela n’a jamais été difficile pour moi, ni gris, ni flou. C’était noir ou blanc de savoir qui était du mauvais côté, dans cette histoire », poursuit-elle.

Les réactions face au pogrom l’ont davantage atterrée que l’attaque elle-même.

« Le 7 octobre n’a pas été le pire – c’est la réaction du monde, le pire dans cette affaire », souligne-t-elle.

Des centaines de manifestants pro-palestiniens et anti-israéliens se sont rassemblés à l’Opéra de Sydney, qui devait être illuminé aux couleurs du drapeau israélien à la suite des atrocités du Hamas le 7 octobre en Israël, tandis que la police conseillait à la communauté juive de rester à l’écart, à Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud, le 9 octobre 2023. (Crédit : AP/Rick Rycroft)

Quelques jours après le massacre, avant même qu’Israël ne réagisse à ce qui venait de se passer, Molan a vu une foule se rassembler à Sydney pour se réjouir du pogrom. Une manifestation s’est tenue devant l’Opéra de Sydney, avec des participants qui scandaient, entre autres slogans, « Gazez les Juifs ».

« C’est sans doute la première fois que je me suis sentie honteuse de mon pays », ajoute-t-elle. « C’était horrible, écœurant, déchirant. »

Molan explique qu’elle « ne savait absolument rien » de l’antisémitisme en Occident, particulièrement dans son pays de naissance, l’Australie, où pas moins de 2 062 actes antisémites ont été enregistrés entre octobre 2023 et septembre 2024, contre 495 incidents un an plus tôt, selon les données du Conseil exécutif de la communauté juive australienne (ECAJ).

« Je n’avais absolument aucune idée de ce qui se passait en réalité. »

L’animatrice de télévision australienne Erin Molan s’exprime sur Sky News, en septembre 2024, à propos de la guerre entre Israël et le Hamas. (Capture d’écran via YouTube, utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Sur Sky News, Molan a déclaré lors d’une longue prise de parole : « Ce n’est pas seulement une guerre contre les Juifs, mais contre l’Occident […] le moment de choisir de quel côté nous sommes, avec en cas d’erreur des conséquences catastrophiques. »

En Israël, Molan a fait sensation, saluée comme l’une des rares voix compatissantes et claires dans leur soutien au sein d’un paysage médiatique que beaucoup d’Israéliens ont perçu comme indifférent, sinon totalement hostile.

De retour chez elle en Australie, les retombées ont été rapides et plus intenses que ce à quoi elle s’attendait.

« Jamais je n’aurais pensé que le simple fait, après un attentat terroriste, d’avoir manifesté mon soutien aux victimes et condamné les terroristes auteurs de ces atrocités, m’attirerait la polémique ou me vaudrait de faire parte d’une minorité », dit-elle.

En sa qualité de personnalité publique – l’une des premières femmes à présenter une grande émission sportive en Australie – Molan avait déjà essuyé des critiques, mais de son aveu-même, c’était bien différent.

« J’ai été la première femme en Australie à animer l’une des émissions sportives les plus populaires, donc il s’est écrit bien des horreurs à mon sujet, surtout parce que je suis une femme », poursuit-elle.

« Lorsqu’une femme adopte des positions solides ou considérées comme audacieuses, la plupart des gens réagissent mal. »

A mesure que Molan s’est fait connaitre du monde entier pour ses propos sur Israël, les critiques ont redoublé. Elle a reçu plusieurs menaces de mort, dont certaines visant sa fille de 6 ans.

Erin Molan lors de la remise du prix du courage moral lors de la cérémonie des Atlas Awards à Tel Aviv, le 6 mai 2025. (Autorisation)

Puis, discrètement et sans trop d’explications, ses apparitions sur Sky News Australia ont cessé. En décembre dernier, elle a confirmé ne plus travailler sur cette chaine. Aucune raison officielle n’a été avancée mais beaucoup pensent que ses prises de position pro-Israël lui ont valu son poste.

Molan assure se soucier autant des « enfants qui souffrent à Gaza que des enfants en Israël. Je sais qui est leur véritable ennemi, le Hamas. »

« La paix est l’objectif ultime pour Israël et pour tous ceux d’entre nous qui croient en la liberté et la démocratie, mais il n’y aura pas de paix dans la région – à commencer pour le peuple de Gaza – tant que le Hamas existera. »

Un pacte avec le diable ?

On aurait pu s’attendre à ce que l’on n’entende plus parler d’elle ou alors à ce qu’elle modère ses propos de façon à plaire à un public plus large, mais Molan n’a fait que redoubler d’intensité dans son soutien à Israël.

Elle a également trouvé une nouvelle plate-forme dans l’espace numérique, bien moins encombrée de contraintes éditoriales. En février 2025, Molan a en effet lancé un nouveau programme d’information hebdomadaire intitulé « 69 X Minutes » sur le réseau social X, propriété d’Elon Musk (anciennement Twitter), qui s’est attiré pas moins de 10 millions de vues lors de sa première diffusion.

Elle y voit une émission « sans filtre, impartiale, avec des faits bruts » – à même de porter les vérités dont les médias grand public se détournent, estime-t-elle .

L’animatrice de télévision australienne Erin Molan s’exprime dans son émission 69X Minutes en avril. (Capture d’écran via YouTube, utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Sa présence sur X la met dans une situation pour le moins inconfortable – voire, pour certains, contradictoire. Propriété de Musk, le réseau social a en effet permis aux voix extrémistes de se répandre, rétabli des contenus antisémites précédemment interdits et permis aux suprémacistes blancs de prospérer.

Musk lui-même s’est fait l’écho de théories complotistes antisémites et a interagi avec des comptes antisémites connus de tous.

Pour cette alliée de premier plan d’Israël et ennemie déclarée de toute forme d’antisémitisme, cet alignement semble paradoxal : comment combattre l’antisémitisme sur une plate-forme qui a fait plus que presque toutes les autres pour le propager.

Molan ne voit pas les choses ainsi. Elle estime en effet que la lutte contre la haine impose d’aller au plus près des lieux dans lesquels elle prospère.

« Servir de chambre d’écho est une perte de temps », assure-t-elle. « Il faut être là où sont ces voix antisémites, pour riposter. »

Elle soutient que des plateformes comme X sont d’une portée inégalée et qu’elle souhaite utiliser les porte-voix les plus puissants pour « étouffer ces voix ».

Certes, sa présence sur X lui a fait gagner en influence bien au-delà de ce que les médias traditionnels lui avaient jusqu’alors permis de faire.

Et au-delà de sa chaîne d’information, Molan a développé une activité de conférencière, très prisée en Israël, aux États-Unis et ailleurs, qui lui permet d’aborder des questions allant de la sécurité à la liberté d’expression.

Son intérêt pour la sécurité nationale et le service public, lui vient, dit-elle, de son défunt père, Jim Molan, major général et sénateur de l’armée australienne qui a dirigé les forces du pays en Irak pendant la guerre.

On l’a même – discrètement – encouragée à se présenter aux élections en Australie – ce qu’elle a exclu de faire pour l’instant, préférant pour l’heure se dédier à sa fille.

Quoi qu’elle fasse ensuite, et malgré les menaces de mort, les revers professionnels et le fait que sa vie ne soit pas en jeu, Molan assure que ses prises de position envers Israël continueront à faire partie de sa vie.

« Ce n’est pas seulement Israël qui est attaqué – c’est tout ce qui m’est cher, comme l’avenir de ma fille », dit-elle.

« Je n’ai pas le moindre doute : je suis du bon côté de l’histoire. »

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