Le Canada soutient soudainement une résolution pro-palestinienne de l’ONU
Après une décennie de votes "non", Ottawa veut maintenant réaffirmer son engagement à une solution à deux Etats et à "l'égalité des droits" et à "l'auto-détermination des peuples"
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

La Canada a soutenu, mardi, une résolution des Nations unies appelant à l’établissement d’un Etat palestinien – une initiative inattendue qui a mené les responsables israéliens et les soutiens canadiens de l’Etat juif à exprimer leur déception et leur inquiétude face à ce qu’ils ont qualifié de possible changement amorcé dans le modèle de vote pro-israélien d’Ottawa, depuis une décennie.
Le Canada a rejoint 165 autres nations en votant « oui » à une résolution nommée « le droit des Palestiniens à l’auto-détermination » au sein de la Troisième commission de l’Assemblée générale de l’ONU.
Au cours de la dernière décennie, les gouvernements canadiens successifs, libéraux ou conservateurs, avaient voté tous les ans contre cette résolution qui recommande vivement, entre autres, de « mettre un terme à l’occupation israélienne » et réclame « la préservation de l’unité territoriale, de la contiguïté et de l’intégrité de tous les Territoires palestiniens occupés, notamment à Jérusalem-Est ».
Parrainée par la Corée du nord, l’Egypte, le Nicaragua, le Zimbabwe et la Palestine, la résolution A/C.3/74/L.58 reconnaît également le droit des Palestiniens à obtenir un Etat indépendant et demande à la communauté internationale de « soutenir et aider les Palestiniens dans la réalisation précoce de leur droit à l’auto-détermination ».
Seuls Israël, les Etats-Unis, Nauru, la Micronésie et les îles Marshall ont voté contre la résolution. Neuf pays, parmi lesquels l’Australie, le Guatemala et le Rwanda se sont abstenus.

« Le Canada est engagé en faveur d’une paix authentique, juste et durable au Moyen-Orient, avec notamment la création d’un Etat palestinien vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, avec Israël », a indiqué Krystyna Dodds, porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Canada, au Times of Israel lorsque nous lui avons demandé la raison de ce changement soudain de vote.
« Conformément à la position adoptée depuis longtemps par le Canada, il est important aujourd’hui de répéter notre engagement en faveur d’une solution à deux Etats, de l’égalité des droits et du droit à l’autodétermination pour toutes les populations », a-t-elle ajouté. « A une époque où elle se trouve de plus en plus menacée, il est important pour le Canada de réaffirmer son attachement ferme à la solution à deux Etats ».
En même temps, a-t-elle souligné, le Canada maintient sa « forte opposition à la singularisation d’Israël à la tribune de l’ONU et a voté contre la vaste majorité de ces résolutions, chaque année, émises à l’encontre d’Israël ».
Le ministère des Affaires étrangères à Jérusalem a refusé de commenter le soutien apporté par le Canada à la résolution A/C.3/74/L.58.
« Nous sommes très déçus par le vote du Canada », a toutefois déclaré un responsable de la diplomatie israélienne, s’exprimant sous couvert d’anonymat en raison du caractère sensible du sujet. « Israël et le Canada sont amis, nos relations sont étroites et fortes. Et nous espérons que ça va continuer ».
L’officiel a salué la nomination, mardi, de Francois-Philippe Champagne au poste de nouveau ministre des Affaires étrangères. Champagne, qui remplace au poste de plus haut diplomate du pays Chrystia Freeland, est considérée comme un fort soutien de l’Etat juif.

« L’establishment du ministère des Affaires étrangères à Ottawa a toujours combattu les changements de vote en faveur d’Israël qui ont commencé sous le mandat de l’ancien Premier ministre libéral Paul Martin entre 2003 et 2006 et qui ont accéléré de manière significative sous le Premier ministre conservateur Stephen Harper de 2006 à 2015, », dit Hillel Neuer, citoyen canadien à la tête du groupe de veille UN Watch, dont le siège est à Genève.
« Le Premier ministre Justin Trudeau s’est contenté de maintenir les forts antécédents pro-israéliens qui avaient été établis par Harper à l’Assemblée générale de l’ONU », explique-t-il.
Le changement de vote d’Ottawa, cette semaine, a probablement été motivé par « l’idéologie et la realpolitik mises en oeuvre par les responsables de la politique étrangère », suppose Neuer.
« Les bureaucrates du ministère des Affaires étrangères canadien sont davantage pro-palestiniens », explique-t-il au Times of Israel. Les diplomates canadiens veulent se joindre à leurs collègues européens qui, d’habitude, soutiennent les résolutions critiques à l’encontre de l’Etat juif, ajoute-t-il.
« De plus – et c’est important – ce même establishment veut remporter un siège au Conseil de sécurité de l’ONU et il est clair que ce prix sera gagné en séduisant les nations arabes et musulmanes par des votes anti-israéliens », continue-t-il.
Le Canada espère être élu par l’Assemblée générale pour un mandat de deux ans, qui commencera en 2021.
Le Centre pour Israël et les Affaires juives – CIJA – a accusé Trudeau de rejoindre « le chœur anti-israélien au sein des Nations unies ».

Dans un communiqué de presse, le groupe a indiqué que le soutien apporté au Canada à la résolution pro-palestinienne « représente un changement spectaculaire face à des précédents vieux d’une décennie, qui se sont caractérisés par une opposition de principe aux résolutions de l’ONU singularisant et condamnant Israël, tout en ignorant l’intransigeance et les provocations palestiniennes visant à saboter les efforts de paix et de réconciliation ».
Joel Reitman, co-président du CIJA, s’est dit très déçu qu’Ottawa n’ait pas fait preuve de fermeté « dans son opposition au rituel annuel de bashing d’Israël au sein de l’Assemblée générale des Nations unies ».
Que cette résolution ne soit pas parvenue à reconnaître « les barrages obscènes de roquettes et de missiles lancés par les Palestiniens qui se sont abattus sur la population civile d’Israël ne fait que refléter le niveau de dénaturation et de partialité de ces résolutions », a-t-il estimé.
Son co-président, Jeffrey Rosenthal, a déclaré que le « oui » de mardi à une résolution faisant référence aux « Territoires palestiniens occupés » était un « changement inquiétant, non seulement par rapport aux antécédents de vote du Canada aux Nations unies mais également une trahison de la politique canadienne de longue haleine qui refuse de préjuger de l’issue des négociations entre Israël et les Palestiniens ».