Le chef de la coalition ne semble pas être pressé de faire interdire les options binaires
Après que la commission a approuvé la version édulcorée, David Bitan a tenté de rouvrir le débat mais on lui a dit qu'il était trop tard. Il rejette la demande de la présidente de la commission pour que la loi soit présentée au Parlement pour une approbation finale
Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

La commission des Réformes de la Knesset a voté lundi à 4 voix contre zéro en faveur d’une loi visant à interdire l’ensemble de l’industrie frauduleuse des options binaires qui opèrent dans le monde entier depuis le territoire israélien.
Mais maintenant que le projet de loi a les voix requises pour être présenté à l’assemblée plénière de la Knesset pour les deuxième et troisième votes afin que le projet devienne une loi – son premier vote à la Knesset en juin a obtenu 31 voix favorables contre zéro ‘contre’ – le président de la coalition David Bitan (Likud), qui s’oppose à certaines de ses dispositions, a promis de ne pas le faire voter dans un proche avenir.
« Pourquoi cela est-il si urgent [de la voter] ? », a-t-il demandé à ses collègues à la commission, après être arrivé trop tard à la séance de lundi pour tenter de modifier les termes du projet de loi. « Ça peut attendre ».
Si le projet de loi prenait la force de loi, les opérateurs des sites d’options binaires disposeraient de trois mois pour cesser toute activité sous peine de deux ans de prison.
Après le vote de la commission lundi, Bitan est arrivé à la session et a cherché à rouvrir le débat, mais on lui a dit qu’il avait raté sa chance. La présidente de la commission Rachel Azaria (Koulanou) a alors exhorté Bitan à présenter le projet de loi pour qu’il obtienne l’approbation de la Knesset dès que possible, mais il a déclaré qu’il n’avait pas l’intention de le faire.
Le projet de loi a déjà été édulcoré par rapport au projet initial publié en février – qui, en plus d’interdire les options binaires, aurait exigé que les entreprises israéliennes de Forex et de CFD (contrat de différence) qui opèrent d’Israël obtiennent une licence dans chacun des pays où elles vendent leurs services.
Des sources participant au processus législatif ont déclaré au Times of Israël que le projet de loi dans sa forme actuelle gagnerait vraisemblablement l’approbation définitive de la Knesset s’il était présenté à la Knesset. Mais ils ont noté que la position de Bitan pourrait s’avérer critique, car, en tant que président de la coalition, il a le pouvoir de décider quels projets ou propositions de loi sont présentés à la plénière de la Knesset et peut retarder indéfiniment la présentation du projet de loi à la Knesset s’il le souhaite.
Bitan est arrivé peu de temps après la fin de la session de la commission de lundi. Il s’est présenté à la session après que le vote a eu lieu et qu’Azaria a déclaré que la réunion avait pris fin. La pièce était en grande partie vide. Etant un négociateur représentant le parti au pouvoir qui siège à la commission des Réformes et qui n’a assisté à aucun des débats de la commission, Bitan a demandé à apporter des modifications à la loi qui permettrait à SpotOption et à d’autres plates-formes d’options binaires de continuer à opérer d’Israël.
Bitan a été informé par Azaria qu’il était trop tard et que le projet de loi venait d’être voté. Un membre de la commission, Haim Jelin (Yesh Atid) a ajouté que des modifications au projet de loi ne pouvaient plus être faites.
Bitan a alors rétorqué qu’il ne convoquerait pas d’assemblée plénière de la Knesset pour voter le projet de loi en l’état dans un proche avenir et a déclaré qu’il ne pensait pas que la présentation du projet de loi sur l’interdiction des options binaires était « urgente ».

Dans une conversation semi-privée qui a été entendue par beaucoup des personnes encore présentes dans la salle après la réunion de la commission, la députée Azaria a demandé à Bitan de convoquer la plénière tout de suite pour faire passer le projet de loi malgré le fait que la Knesset soit actuellement en vacances parlementaires. « Cette loi est très importante », a-t-elle insisté. « Les options binaires provoquent de l’antisémitisme à travers le monde ».
Peu de temps après qu’Azaria a déclaré cela, un huissier de la Knesset a demandé aux journalistes de quitter la salle. Mais une source qui est restée dans la salle a précisé au Times of Israël que Bitan a expliqué à Azaria et à d’autres responsables gouvernementaux qu’une famille impliquée dans la société SpotOption étaient les leaders de la faction géorgienne du comité central du Likud et qu’il avait besoin de leur soutien pour maintenir sa position au sein du Likud.
L’industrie des options binaires israéliennes largement frauduleuses devrait générer entre 5 et 10 milliards de dollars par année. Il a été estimé à plus de 100 entreprises et a employé entre 5 000 et plusieurs dizaines de milliers d’employés.
Le Times of Israël a commencé à exposer cette industrie largement frauduleuse en mars 2016, dans un article intitulé « Les loups de Tel Aviv : la vaste et immorale arnaque des options binaires dévoilée ».
Les entreprises frauduleuses trompent leurs victimes en leur faisant croire qu’elles proposent des investissements lucratifs à court terme, mais dans l’écrasante majorité des cas, les clients finissent par perdre tout leur argent, ou presque, et ce, du jour au lendemain.

Le 2 août, Gabi Biton, responsable de la police israélienne, a dit à la commission des Réformes de la Knesset que les caïds du crime israélien étaient responsables de l’industrie des options binaires, et que le crime organisé du pays s’était massivement enrichi et renforcé en raison de l’absence de régulation du problème par les forces de l’ordre.
« Nos yeux ont été ouverts », a dit Biton, qui enquête sur la fraude financière et le blanchiment d’argent. « Ce que nous voyons ici, c’est une entreprise criminelle organisée gigantesque. Nous parlons de criminels à différents niveaux d’organisations criminelles, jusqu’au sommet. »
Lors de la réunion de la commission des Réformes de lundi dernier, la troisième des trois réunions organisées par la commission au cours de la semaine passée, le principal sujet de discussion était les fournisseurs de plates-formes d’options binaires comme SpotOption, TechFinancials et Panda, et si oui ou non ils seraient autorisés à continuer à opérer d’Israël même si les entreprises et les centres d’appels auxquels ils fournissent leurs technologies sont interdits.
Les représentants de SpotOption ont soutenu qu’ils ne faisaient que fournir de la technologie aux sites Web spécialisés dans les options binaires et que le projet de loi devrait être modifié afin que leur activité ne soit pas interdite. Les représentants du ministère israélien de la Justice et de la police ont déclaré que dans les faits, les fournisseurs de plates-formes, sans nommer spécifiquement SpotOption, hébergeaient et exploitaient en réalité les sites Web d’options binaires et recevaient un pourcentage de chaque transaction et qu’ils devraient donc être couverts par l’interdiction, comme ils l’auraient été si le projet de loi était passé sous sa forme actuelle.

Le député Oded Forer (Yisrael Beytenu) avait demandé, par le biais de commentaires écrits avant la réunion sur le projet de loi de la Commission lundi, d’apporter des modifications similaires à celles demandées par les avocats des fournisseurs de plates-formes. Il a déclaré à la commission : « je pense que nous pouvons adopter une loi qui ne nuit pas aux entreprises technologiques. Il est possible que, dans six mois, l’Autorité des valeurs mobilières d’Israël change d’avis sur ce sujet, mais si nous fermons la porte, elle pourrait être impossible à rouvrir ».
Forer a comparé les plates-formes technologiques de ventes d’options binaires à la vente de systèmes d’armes. « Si une société israélienne vend un système d’armes à un pays étranger et que le pays l’utilise pour quelque chose de mauvais, est-ce qu’il en retourne de la responsabilité d’Israël ? Israël a-t-il commis un crime ? ».
Mais le responsable de la police israélienne, Biton, a expliqué à la commission que les sociétés de technologie derrière les sites Web d’options binaires participent dans les faits aux activités douteuses des sites Web. « Ils gèrent les sites Web et gèrent également le traitement des paiements, et ont également la possibilité d’influencer les résultats des échanges », a déclaré le chef de la police.

, une avocate française, a eu accès aux dossiers des enquêtes des autorités françaises sur les options binaires et les sociétés étrangères. Elle a déclaré à la commission que, selon les enquêteurs français, les fournisseurs de plates-formes technologiques d’options binaires ont un bouton sur lequel ils peuvent appuyer qui permettrait de faire perdre de l’argent aux traders de leurs sites Web.
Abitbol s’est également plainte du fait que les nombreuses victimes qu’elle représente ont perdu leur argent au profit de frauduleuses sociétés Forex israéliennes. Elle a expliqué à la commission que les victimes françaises se sont demandées pourquoi le projet de loi avait été édulcoré et pourquoi la nouvelle version excluait la disposition exigeant que les sociétés israéliennes de Forex et CFD obtiennent une licence dans les pays où elles opèrent.
Moshe Avrahami, le directeur administratif et financier de SpotOption, a déclaré à la commission qu’il réfutait les insinuations qui ont été exprimées lors de la réunion qui sous-entendaient que sa société était frauduleuse et qu’elle trompait ses clients. Il a nié l’existence d’un « bouton secret » sur la plate-forme de négociation qui pourrait être utilisé pour faire perdre de l’argent aux clients.
« Ils disent que les entreprises de technologie pour options binaires permettent aux gens de tromper les traders avec un bouton secret. Je n’ai connaissance de rien de tel. Notre logiciel est juste et digne de confiance. Nous avons passé l’examen des plus rigoureux régulateurs – comme le Cysec [le régulateur des valeurs mobilières de Chypre], par exemple, et le Japon, pour ne citer qu’eux. Il n’y a pas de régulateur plus stricte que le Japon », a-t-il insisté.
Drame à la commission
Au début de la séance de clôture de lundi, il n’y avait que deux membres de la Knesset dans la salle – Forer, qui a proposé de modifier le projet de loi afin que les entreprises de « technologies » binaires ne soient pas lésées et la présidente de la commission, Azaria, qui a soutenu le projet de loi avec son interdiction des fournisseurs de plates-forme comme SpotOption.
Une source impliquée dans le processus législatif a déclaré au Times of Israël que la présence et l’absence des divers députés n’étaient pas un hasard, mais le résultat d’une bataille lancée en coulisses entre les partisans et les opposants à l’interdiction des options binaire.
Au fur et à mesure que la session avançait, avec seulement Forer et Azaria ayant le droit de vote dans la pièce, il semblait que les lobbyistes de l’industrie des options binaires allaient réussir à affaiblir encore plus le projet de loi et obtiendraient l’exclusion de la disposition sur les fournisseurs de plates-formes comme SpotOption des dispositions du projet de loi. Soudain, le député Yigal Guetta (Shas) est apparu dans la salle et a commencé à se prononcer en faveur du projet de loi sous sa forme actuelle.
« Nous ne devons pas intégrer des failles dans cette loi », a asséné Guetta. « Cette loi ne menace pas la haute technologie israélienne. Si tel était le cas, nous aurions des centaines de sociétés de la haute technologie israéliennes qui la contesteraient. Les [fournisseurs de plate-formes d’options binaires] utilisent des tactiques de peur. Je pense que nous devrions adopter la loi comme elle l’est, maintenant ».
Quelques instants plus tard, Jelin du parti de l’opposition Yesh Atid est arrivé. Jelin, avec Forer, avait exprimé des réserves au sujet du texte actuel du projet de loi dans des commentaires avant la session de la commission.
« Je suis ici parce que je veux protéger les start-ups et les jeunes qui développent des logiciels », a-t-il déclaré à la commission. « Je ne veux pas voir les compagnies technologiques fuir en Chypre parce que les options binaires sont réglementées ici et pas là-bas ».
Mais Jelin a cédé après qu’on lui a expliqué que les entreprises de technologie pure ne seraient pas touchées par la loi et que seules les entreprises qui exploitent des sites Web d’options binaires et qui prennent un pourcentage de leurs gains seraient obligées de fermer.

Lorsque Azaria a ouvert le vote, les quatre membres de la Knesset ont voté en faveur du projet de loi sur l’interdiction des options binaires, incluant la disposition interdisant aux fournisseurs de technologie de continuer à opérer.
Azaria a ensuite lancé une procédure connue sous le nom de revisia, au cours de laquelle les quatre membres de la Knesset doivent se rendre dans une salle privée pendant une demi-heure et débattre des révisions éventuelles à apporter au projet de loi.
Azaria et Forer ont précisé au Times of Israël que ce processus de révision est une garantie procédurale permettant de s’assurer qu’aucune nouvelle révision ne puisse être faite à la loi avant qu’elle ne soit présentée à l’assemblée plénière. Après ces discussions sur une éventuelle révision, les quatre députés sont retournés dans la salle où la réunion de la commission se tenait et ont voté publiquement afin de s’assurer qu’aucune nouvelle révision ne pourrait être apportée au projet de loi.
Alors que ce vote s’achevait, le député David Bitan est entré dans la salle, accompagné de Moshe Avrahami de SpotOption.
« Voici le shérif », a annoncé Ariella Malka, la directrice administrative de la commission des Réformes, se référant au rôle de Bitan, qui dirige la majorité de la Knesset.
« Il y a un problème avec la loi », a déclaré Bitan.
« C’est ce qu’on appelle un développement de dernière minute », a commenté Malka.
Bitan a fait signe à Avrahami de SpotOption de se rapprocher. Avrahami a déclaré à Azaria et aux autres députés qu’il y avait une contradiction dans le projet de loi concernant les entreprises technologiques. « Il semble qu’il n’y ait pas de problème pour une société de technologie de vendre des logiciels selon le projet de loi », a déclaré Avrahami, « mais les notes explicatives l’interdisent ».
Azaria et un conseiller juridique du ministère de la Justice ont commencé à débattre avec Bitan. « Nous avons dialogué avec l’autorité des Valeurs mobilières d’Israël et le ministère de la Justice pour nous assurer que cette loi ne couvre pas plus que ce qu’elle doit absolument couvrir. Il peut vendre son logiciel, il ne peut pas gagner de l’argent avec des choses illégales ».
« Alors vous voulez qu’il ne gagne rien ? », s’est interrogé Bitan en se référant à Avrahami de SpotOption.
« Il peut, tant qu’il ne gagne pas [de l’argent] avec des choses qui sont contre la loi », a déclaré le conseiller du ministère de la Justice.
« Bitan, laissez-moi vous donner un conseil », a déclaré Jelin. « Soyez prudent ou quelqu’un aura un moment de folie et on reviendra à l’ancienne version de la loi [qui interdit aux sites Forex et CFD d’opérer sans licence], et tout le monde sera perdant ».
« Le problème est », a expliqué Avrahami de SpotOption, « que cette loi crée un lien avec la loi sur le blanchiment d’argent et la peine est de deux ans en prison ».
« Cela n’a même pas été [intégré] dans la loi », s’est écrié un responsable du gouvernement dans la salle. (Une source a plus tard informé le Times of Israël que la disposition contre le blanchiment d’argent est restée intacte.)
« Bitan, vous voulez rouvrir [les débats sur le projet de] loi ? », a menacé Jelin. « Nous allons revenir à la version originale ».
« Vous savez que je n’ai pas peur de vous », lui a rétorqué Bitan.
Bitan a ensuite demandé que la précision du ministère de la Justice sur la disposition relative aux plates-formes technologiques soit intégrée dans le protocole de la Knesset. Un expert juridique a expliqué au Times of Israël que ce protocole est souvent utilisé dans le cadre des actions en justice et que son but est de démontrer qu’une loi est contradictoire ou problématique.
Bitan s’est éloigné des autres députés et a commencé à discuter avec Azaria du moment où le projet de loi serait présenté pour un vote en assemblée plénière.
« J’en ai plus qu’assez avec la loi contre le blanchiment d’argent », s’est emporté Bitan. « Vous ne pouvez plus rien faire dans ce pays ».
« Ce n’est pas ça le problème », a répondu Azaria. « C’est une loi très importante. Les options binaires provoquent de l’antisémitisme dans le monde entier ».
« Je suis très occupé », a répliqué Bitan. « Et je ne peux pas soulever cette question pendant les vacances parlementaires de la Knesset. Pourquoi cela est-il si urgent ? Ça peut attendre ».
En octobre dernier, le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est également le leader du parti Likud dont Bitan est membre, a appelé à une interdiction mondiale des options binaires.