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Le contrôleur de l’Etat épingle la cruauté des transports d’animaux vivants

Le contrôleur fustige le ministère de l'Agriculture qui a échoué à enquêter sur différents incidents et ne punit pas les importateurs et évoque la nécessité de stopper les zoonoses

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Emission "60 Minutes" diffusée à la télévision australienne le 8 avril 2018 consacrée aux importations d’animaux (Crédit : capture d'écran de l'émission "60 minutes")
Emission "60 Minutes" diffusée à la télévision australienne le 8 avril 2018 consacrée aux importations d’animaux (Crédit : capture d'écran de l'émission "60 minutes")

Un rapport publié lundi par le contrôleur de l’Etat sur l’importation des veaux et agneaux en Israël, où ils sont engraissés avant d’être abattus, confirme les nombreux témoignages de ces dernières années sur le caractère cruel des transports d’animaux vivants.

Les navires dans lesquels les bêtes sont transportées se trouvent souvent dans un état médiocre et manquent de ventilation. Les températures et l’humidité à bord des bateaux sont élevées ; les animaux sont contraints à vivre dans leurs propres excréments, les litières détrempées n’étant pas suffisamment changées ; la nourriture et l’eau manquent souvent et l’air y est gorgé de l’ammoniaque issu des urines, ce qui entraîne des difficultés respiratoires et des pathologies des yeux chez les animaux. Et pourtant, rien n’a été fait pour garantir que les plaintes déposées soient suivies d’enquêtes. Rien non plus n’a été effectué en vue d’une amélioration des conditions de transport et d’un respect des règlementations, a noté le rapport.

De plus, trop peu de choses ont été entreprises afin de contrôler, gérer et développer de nouveaux plans qui permettraient de limiter la propagation de maladies de type zoonoses, susceptibles de franchir la barrière inter-espèces et de se transmettre de l’animal aux êtres humains.

L’organisation de protection animale Animals Now (qui s’appelait, par le passé, « Anonymous for Animal Rights »), a fait savoir dans un communiqué rendu public lundi que « des années d’anarchie ont apporté indubitablement la preuve que le ministère de l’Agriculture a échoué, de manière monumentale, dans sa responsabilité de supervision ».

Les violences contre les animaux sont inhérentes à ces longs voyages, a-t-elle ajouté, et il est impossible de transporter des animaux dans les conditions actuelles sans entraîner chez eux une souffrance aiguë.

Un enclos inondé à bord d’un navire transportant des moutons et des veaux destinés à l’abattage en Israël, présenté dans un atelier à huis clos en Europe à la mi-juin par un vétérinaire israélien travaillant pour le ministère de l’Agriculture. La présentation du vétérinaire a fuité auprès d’Animals Now (anciennement Anonymous for Animal Rights), le 24 juin 2019.

Le bureau du contrôleur de l’Etat a enquêté sur certains aspects de la supervision menée par le ministère de l’Agriculture entre les mois de février et d’août de l’année dernière.

Les navires utilisés pour importer du bétail en Israël se trouvaient souvent dans un « état de maintenance médiocre », au point d’entraîner « de réels dangers pour les animaux et des nuisances dans leurs conditions de vie, susceptibles d’entraîner chez eux de grandes souffrances », a estimé le rapport (en hébreu).

Les personnels du bureau du contrôleur de l’Etat ont réexaminé 48 formulaires – il y en avait une centaine – remplis par des superviseurs du ministère. Réalisés entre le début de l’année 2018 jusqu’au milieu de l’année 2019, ces formulaires ont servi à documenter les manquements des navires.

Environ 44 % de ces formulaires mentionnaient les conditions de vie médiocres offertes au bétail sur les bateaux, avec des animaux recouverts de leurs excréments. 42 % décrivaient les litières mouillées, insuffisamment changées, et des mangeoires et abreuvoirs vides. Un tiers des formulaires décrivaient l’odeur forte d’ammoniaque issue de l’urine des bêtes, et 29 % les températures et l’humidité élevées en raison des problèmes de ventilation. Un petit nombre de cas – 4 % des formulaires – évoquaient l’usage de shockers électriques et d’autres formes de violences directes contre les animaux.

Un vétérinaire travaillant dans un port a expliqué que les plaintes envoyées à l’unité centrale des enquêtes du ministère de l’Agriculture « n’aboutissaient à rien » et que les enquêteurs ne se penchaient sur les dossiers soumis que s’ils « en avaient le temps ». Le vétérinaire contrôle le début du déchargement des animaux mais, après cela, chaque débarquement continue sans la présence d’un employé du ministère.

Les images publiées le 13 juin 2019 par le groupe Israël contre les transports d’animaux vivants montre des employés faisant sortir les animaux d’un bateau australien grâce à des aiguillons qui transmettent des chocs électriques, à Eilat. (Capture d’écran : Facebook)

« Ces dernières années, le ministère de l’Agriculture n’a pas imposé de sanctions aux importateurs ou aux propriétaires de navires qui n’ont pas suivi les instructions ministérielles », dit encore le rapport.

« Le ministère n’a pas imposé d’amendes, n’a pas appelé les responsables à se présenter, et n’a pas annulé les autorisations données aux importateurs qui ont échoué à se plier aux exigences de transport mises en place », continue-t-il.

De plus, « malgré la réponse apportée par le ministère – selon laquelle des sanctions sont imposées sur les importateurs et propriétaires de navires – il a été établi qu’en 2018, seules deux demandes d’enquêtes ont été soumises au département juridique du ministère… et en 2019, uniquement deux enquêtes supplémentaires ont été ouvertes. Au mois de janvier 2020, elles n’avaient pas encore été transférées au département juridique ».

« Dans la mesure où il y a encore des importateurs et des propriétaires de navire qui échouent, encore et encore, à suivre les instructions données par le ministère concernant le transport de bétail, le ministère devrait, par le biais de son unité d’import-export, réfléchir au meilleur moyen de faire appliquer la loi et de réduire la souffrance imposée aux animaux durant les voyages », conseille le rapport.

Ce dernier a également mis en évidence les échecs des services vétérinaires à contrôler, gérer et développer de nouveaux plans visant à limiter la propagation des maladies – comme la brucellose bovine ou la leptospirose – susceptibles de se transmettre de l’animal à l’être humain.

Capture d’écran de l’émission « 60 Minutes » consacrée aux transports d’animaux vivants, diffusée par la télévision australienne, le 8 avril 2018.

Non seulement les services vétérinaires ont donné aux agriculteurs l’instruction de faire vacciner leurs bêtes alors même que le marché connaissait une pénurie de vaccins, mais ils ont également échoué à se rendre dans les pays exportant ces animaux pour vérifier que les exigences sanitaires y étaient bien respectées, précise le rapport.

« Au vu des dangers que représente le bétail importé à la santé publique en Israël et aux animaux locaux, ainsi que l’exposition d’Israël à des maladies qui ne sont pas communes dans la région, les services vétérinaires doivent procéder à un examen précis et à une évaluation des risques concernant tous les pays autorisés à exporter du bétail en Israël », a indiqué le rapport.

Plus positif, il a noté que des « progrès significatifs » avaient été réalisés dans le traitement de la brucellose et qu’un plus faible nombre de personnes avaient été contaminées, estimant que les chiffres de l’année 2019 devraient être bien meilleurs que ceux enregistrés au cours des années précédentes. Le rapport a attribué le mérite de cette amélioration aux efforts livrés par le ministère en faveur de la protection des agriculteurs israéliens.

Le rapport a par ailleurs établi qu’aucun contrôle n’avait été exercé sur les fourrages – les aliments pour les animaux – importés, ce qui laisse craindre que des traces de métal, de pesticides, de moisissures et de toxines ne puissent se trouver dans la nourriture des animaux et, plus tard, chez les êtres humains qui mangent leur viande.

Un veau épuisé lors d’un transport d’animaux vivants reliant l’Australie à Eilat, au mois de décembre 2019. (Crédit : Israel Against Live Shipments)

De nombreux rapports portant sur des violences animales en liaison avec l’industrie du transport de bétail vivant ont émergé ces dernières années. Au mois de juin dernier, les mêmes « problèmes communs » que ceux soulignés dans le rapport qui vient d’être émis avaient été détaillés par la docteur Lauren Stein, inspectrice vétérinaire du département d’import/export du ministère de l’Agriculture, au cours d’une conférence à huis-clos qui avait eu lieu en Roumanie.

Des veaux lors d’un transport d’animaux vivants venant d’Australie à Eilat pour l’engraissement avant l’abattage, au mois de décembre 2019. (Crédit : Israel Against Live Shipments)

L’année dernière, selon le rapport du contrôleur de l’Etat, un tiers du bétail importé et 16 % des agneaux étaient venus d’Australie. Un quart des veaux et plus de 70 % des agneaux ont été amenés, pour leur part, du Portugal.

Au mois de novembre 2018, quelques semaines avant la dissolution de la Knesset, qui avait précédé le premier de trois cycles électoraux, les députés avaient adopté un projet de loi, en lecture préliminaire, visant à stopper le transport d’animaux vivants. Le texte, qui n’a pour l’instant pas pu avancer davantage devant le Parlement en raison de l’absence d’un gouvernement dûment élu, cherchait à réduire graduellement le nombre de têtes de bétail importées au sein de l’Etat juif et de mettre un terme définitif à la pratique dans les trois ans à venir en se tournant exclusivement vers la viande réfrigérée.

Le contrôleur de l’État Matanyahu Englman présente le rapport 2020 du contrôleur de l’État dans son bureau, le 23 mars 2020. (Tadmeet)

Dans ses recommandations, le rapport prône une adoption « immédiate » par les services vétérinaires d’un système informatisé, qui délivrerait des permis d’exportation et rendrait « transparents et accessibles » au public les différentes étapes du processus et les formulaires remplis sur les conditions de vie des animaux, ceci afin de « permettre une supervision appropriée et continue face à ce problème et qui empêcherait les violations répétées des instructions données ».

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