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Le doyen des prisonniers syriens réclame justice après 43 ans d’enfer carcéral

Raghid Tatari avait été condamné à la perpétuité pour "intelligence avec des pays étrangers", une accusation montée de toutes pièces selon lui ; il a connu la prison sous Hafez al-Assad puis son fils Bachar

L'ancien pilote de l'armée de l'air syrienne Raghid Tatari, le plus ancien prisonnier politique de Syrie, donne une interview à son domicile à Damas le 27 mai 2025. (Crédit : LOUAI BESHARA / AFP)
L'ancien pilote de l'armée de l'air syrienne Raghid Tatari, le plus ancien prisonnier politique de Syrie, donne une interview à son domicile à Damas le 27 mai 2025. (Crédit : LOUAI BESHARA / AFP)

Il avait 26 ans lorsqu’il a été arrêté. Raghid Tatari, le plus ancien détenu politique syrien, a passé 43 ans dans les geôles d’un pouvoir dont il n’osait pas imaginer la chute, même dans ses rêves les plus fous.

Le 8 décembre 2024, cet ancien aviateur de l’armée de l’air est libéré comme quelque 60 000 détenus, lorsque des islamistes renversent Bachar al-Assad qui fuit à Moscou.

Si ce lieutenant est resté en vie, des dizaines de milliers de familles attendent depuis la chute d’Assad de connaître le sort de leurs proches, disparus dans l’enfer carcéral syrien.

« J’ai vu la mort sous la torture », dit cet homme à la moustache blanche, âgé de 70 ans.

Aujourd’hui, il ne cherche pas de vengeance contre ses tortionnaires, mais la justice.

« Chacun doit être sanctionné pour ses crimes. Personne ne doit être emprisonné injustement (..) seuls ceux dont les crimes sont prouvés », dit-il.

Dans son appartement exigu d’un quartier tranquille de Damas, il sort des photos jaunies le montrant en uniforme d’aviateur, avant son arrestation en 1981.

L’ancien pilote de l’armée de l’air syrienne, Raghid Tatari, le plus ancien prisonnier politique de Syrie, montre une photo de lui jeune, lors d’une interview à son domicile de Damas, le 27 mai 2025. (Crédit : LOUAI BESHARA : AFP)

Condamné à la perpétuité pour « intelligence avec des pays étrangers », une accusation montée de toutes pièces selon lui, il a connu la prison sous Hafez al-Assad puis son fils Bachar, qui lui a succédé en 2000.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), plus deux millions de Syriens ont été emprisonnés sous le clan Assad, la moitié à partir du soulèvement pro-démocratie de 2011 dont la répression dans le sang a entraîné le pays dans la guerre civile.

Parmi eux, plus de 200 000 ont péri dans les prisons, morts sous la torture ou exécutés.

« Raghid Tatari est le plus ancien prisonnier politique en Syrie et au Moyen-Orient », affirme à l’AFP Diab Serriya, cofondateur de l’Association des détenus et disparus de la prison de Saydnaya.

Il est passé par cette prison, symbole des pires atrocités du pouvoir déchu. Mais pour Raghid Tatari, la pire épreuve a été son incarcération, pendant 15 ans, à la prison de Palmyre, en plein désert.

Une photo aérienne montre des gens rassemblés à la prison de Saydnaya à Damas le 9 décembre 2024. Des secouristes syriens ont fouillé la prison de Sednaya, synonyme des pires atrocités du régime du président déchu Bachar al-Assad, alors que les habitants de la capitale se rassemblaient le 9 décembre pour célébrer un jour après la fuite d’Assad tandis que les rebelles dirigés par les islamistes envahissaient la capitale, mettant fin à cinq décennies de règne brutal sur un pays ravagé par l’une des guerres les plus meurtrières du siècle. (Photo par OMAR HAJ KADOUR / AFP)

« On perd toute humanité »

« Tout ce qui a été dit sur Palmyre est insuffisant. Il n’y avait aucune loi (..), les gardiens tuaient des prisonniers s’ils les dérangeaient », dit-il, sans vouloir s’étendre sur les tortures qu’il a subies, et dont il garde les côtes cassées.

« A Palmyre, on perd toute humanité », ajoute le doyen des prisonniers syriens.

C’est là que des centaines de détenus, pour la plupart islamistes, sont massacrés, certains mitraillés par des hélicoptères, après une tentative d’assassinat de Hafez al-Assad en 1980.

Il y survit coupé du monde, et n’apprend la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS qu’en 1993, par un prisonnier admis à l’hôpital carcéral.

Balloté d’une prison à l’autre, il obtient après le soulèvement de 2011, moyennant des pots-de-vin, son transfert dans celle de Soueida (sud), où les prisonniers cachaient des téléphones.

« Le portable vous fait sortir de prison, il vous fait sentir vivant », raconte-t-il, en mimant comment il cachait l’appareil dans un trou creusé dans le sol de la cellule.

Mais il est découvert, et les autorités le sanctionnent en le transférant à Tartous sur la côte syrienne, dernière étape de son calvaire.

Un panneau d’affichage sponsorisé par la chambre de commerce et d’industrie de Lattaquié montre des photos du président syrien Bashar el-Assad (à droite) et de son défunt père, l’ancien président Hafez el-Assad, dans la ville côtière de Lattaquié, capitale provinciale et centre de la communauté alaouite du président, le 17 mars 2016. (Crédit : LOUAI BESHARA / AFP)

Rencontre avec son fils

Raghid Tatari faisait partie d’officiers qui se sont opposés à l’intervention de l’armée syrienne au Liban en 1976, puis à la répression sauvage des Frères musulmans, alors principale force d’opposition, à la fin des années 70.

« Nous étions contre l’ingérence de l’armée dans un autre pays (..) et contre le fait d’impliquer l’armée dans les opérations politiques dans le pays », explique-t-il.

Deux de ses camarades aviateurs font défection en Jordanie en 1980. Lui fuit en Egypte puis en Jordanie, mais revient lorsque les services de sécurité harcèlent sa famille.

Lorsqu’il est arrêté à son retour, son épouse est enceinte. Il est porté disparu pendant de longues années, et sa famille le croit mort avant de retrouver sa trace en 1997, en payant des pots-de-vin.

C’est alors qu’il fait la connaissance, lors de la première visite autorisée, de son fils, âgé de 16 ans.

« J’avais peur de cette rencontre, derrière les barreaux et sous surveillance. J’ai écourté au bout de 15 minutes », dit-il.

Aujourd’hui, son épouse est décédée et son fils se trouve à l’étranger, après avoir reçu des menaces au début du soulèvement.

Comment a-t-il pu supporter sa détention ? « Je dessinais, et j’avais des rêves éveillés. Mais je n’avais jamais imaginé, même dans mes rêves, que le régime soit renversé en une nuit ».

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