Le Liban adopte une loi sur la levée du secret bancaire pour les responsables
La levée du secret bancaire pourrait concerner "toute personne impliquée dans la vie publique, élue ou nommée"
Le Parlement libanais a adopté jeudi une loi sur la levée du secret bancaire concernant les responsables publics et les fonctionnaires, notamment dans le cadre d’affaires de corruption ou de « terrorisme », a indiqué à l’AFP un député.
Par le biais d’un amendement de dernière minute, décrié par des militants de la société civile, le texte final ne permet toutefois pas à la justice d’activer elle-même directement la levée du secret bancaire.
En soirée, le président du Parlement a levé la séance avant le vote sur deux autres projets de lois controversés, notamment une « amnistie générale » très attendue.
En réaction, des routes ont été coupées à Tripoli (nord) par des manifestants, dont des proches de « détenus islamistes » qui devaient être concernés par la mesure, mais aussi près de Baalbek (est), selon l’agence de presse étatique ANI.
La levée du secret bancaire pourrait concerner « toute personne impliquée dans la vie publique, élue ou nommée, que ce soit les députés, chefs de municipalité, juges, officiers ou les conseillers », a indiqué à l’AFP le député Ibrahim Kanaan, à la tête de la commission parlementaire des finances.
Le Liban a connu en octobre un soulèvement de masse inédit qui a duré plusieurs mois contre l’intégralité de la classe politique, accusée de corruption mais aussi d’incompétence, face au naufrage économique que vit le pays.
La loi sur le secret bancaire prévaudra pour les affaires et les crimes de « corruption, de blanchiment d’argent, de financement des campagnes électorales ou de financement du terrorisme ».
Mais le mécanisme donne uniquement le droit de lever le secret bancaire à une Autorité de lutte anticorruption, qui doit encore être formée, et à une commission d’investigation de la Banque centrale, et non à la justice.
« Certains députés se sont opposés sur cette question de la justice » en citant de possibles « influences politiques » sur la justice, a assuré M. Kanaan.
Mais selon l’avocat et président de l’ONG Legal Agenda Nizar Saghieh, cet amendement « élimine l’essence même de la loi ».
La commission d’investigation de la Banque centrale « a ce droit de lever le secret bancaire depuis des années et ça ne nous a servi à rien », a-t-il écrit sur Twitter.
« Des milliards ont été transférés (à l’étranger) et la commission n’a pas agi et n’a levé le secret bancaire pour personne », a-t-il ajouté.
Amnistie
Les divisions entre partis ont entravé à la dernière minute la loi sur une « amnistie générale », avec le départ de la séance du Courant du Futur de l’ancien Premier ministre Saad Hariri.
La pierre d’achoppement semble avoir été l’amnistie, réclamée principalement par certains partis chrétiens, pour des personnes accusées de collaboration avec Israël, ce qui permettrait le retour de combattants de l’Armée du Liban-Sud (ALS), milice libanaise alliée de l’Etat hébreu.
Certains blocs, dont le parti chiite Amal, ont refusé cette disposition.
L’amnistie devait aussi concerner des prévenus ou des personnes recherchées dans des affaires de trafic de drogue.
Elle est réclamée par des milliers de familles originaires de la région de Baalbek ou du Hermel (est) – bastions du mouvement chiite du Hezbollah ou de son allié Amal. Bien qu’illégale, la culture du cannabis est très répandue dans ces zones.
La mesure est aussi attendue pour quelque 1 200 « détenus islamistes », pour beaucoup originaires de Tripoli et parfois accusés d’attaques contre l’armée ou d’implication dans des affrontements meurtriers.
Le Parlement doit aussi continuer à étudier un projet de loi sur le contrôle de capitaux. Le texte doit permettre de réguler les restrictions informelles imposées par les banques depuis plusieurs mois à leurs clients, notamment sur les retraits en dollars mais aussi en livres libanaises, ou les transferts à l’étranger.
Ces restrictions ont provoqué une grande colère populaire, dans un contexte de crise économique aiguë.
Fin avril, le gouvernement a adopté un plan visant à relancer l’économie, entamant des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir une aide financière.
Le contrôle de capitaux a été abordé lors de ces discussions, qualifiées de « constructives » mercredi par une porte-parole de l’institution internationale.