Point sur la pandémie en Israël: usage du comprimé Merck, chiffres et avis d’experts
Le gouvernement tente actuellement de trouver des solutions pour la prise d'assaut des centres de dépistage ; Omicron pourrait mener à l'immunité de groupe, selon certains experts
Le ministère de la Santé a annoncé lundi avoir approuvé l’utilisation du comprimé anti-COVID de Merck, après avoir autorisé le médicament de Pfizer pour traiter les infections à coronavirus à domicile.
Le ministère a conclu un accord avec Merck pour l’achat de molnupiravir, vendu sous le nom de Lagevrio. La première livraison devrait arriver dans les prochains jours. Le gouvernement n’a pas précisé combien de pilules il avait acheté.
La pilule est moins efficace pour traiter le COVID que celle de Pfizer. Les résultats complets d’un essai clinique publiés par Merck ont montré que le médicament réduisait de 30 % le taux d’hospitalisation et de décès des patients à risque qui le prenaient peu après l’infection, et non de 50 % comme le montraient les résultats précédents.
Par ailleurs, un éminent expert qui conseille le gouvernement a prédit dimanche matin qu’un Israélien sur trois ou sur quatre serait contaminé par le variant Omicron au cours des trois prochaines semaines – tout en avertissant que la majorité d’entre eux ignoreront être malades parce que les tests de dépistage commencent à se faire plus rares dans le pays.

Les centres de dépistage de tout l’État juif ont en effet été pris d’assaut, dimanche. Des milliers d’Israéliens ont pris place dans de longues files d’attente, à pied ou en voiture, pour se faire dépister et certains ont dû attendre plusieurs heures.
Les chiffres du ministère de la Santé publiés dimanche matin signalent que 4 197 nouveaux cas ont été confirmés samedi, un nombre qui reflète des tests au ralenti pendant le week-end, avec un taux de positivité qui s’élève dorénavant à 4,57 %. Le nombre de nouvelles infections quotidiennes est en forte hausse, passant de moins de mille nouveaux cas il y a dix jours à presque 5 500 vendredi, et les cas actifs ont presque triplé en une semaine, à 31 958.
Près de 1,4 million de personnes ont contracté le coronavirus depuis le début de la pandémie au sein de l’État juif.
Toutefois, la hausse du nombre de cas graves est largement plus modérée – ils sont passés de 77 en date du 22 décembre à 110, dimanche. 8 244 personnes ont succombé à une forme grave du coronavirus en Israël depuis l’apparition de la maladie dans le pays – dont quatre morts depuis le 21 décembre.

Au début de la réunion du cabinet de dimanche, le Premier ministre Naftali Bennett a souligné qu’il y aurait bientôt des dizaines de milliers de nouveaux cas quotidiens. Il a salué les importantes restrictions imposées sur les voyages ces dernières semaines, disant qu’elles avaient permis de retarder l’arrivée d’Omicron et qu’Israël avait pu ainsi examiner les épidémies qui se déclenchaient dans l’intervalle en Afrique du sud, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans d’autres endroits, pour « anticiper l’avenir ».
« Notre objectif est toujours le même : permettre à l’économie de fonctionner aussi pleinement que possible tout en protégeant les plus vulnérables d’entre nous », a dit Bennett, qui a ajouté que le gouvernement avait discuté de solutions potentielles à apporter à l’affluence dans les centres de dépistage et à la pénurie signalée de tests.
Bennett a suggéré qu’Israël pourrait devoir modifier les critères des personnes éligibles à un dépistage en raison de cette pénurie – qui, a-t-il ajouté, touche le monde entier.
« Nous allons devoir élever le seuil des personnes qui ont le droit de se faire tester, parce que le système n’a pas les capacités suffisantes – aucun pays ne les a, » a-t-il noté pendant la réunion, selon la Douzième chaîne.

« C’est Israël qui effectue le plus grand nombre de tests dans le monde comparativement parlant alors oui, il y a des files d’attente », aurait déclaré le ministre de la Santé Nitzan Horowitz (Meretz), avertissant que « cette vague va être extrême, mais elle sera courte ».
De son côté, le ministre du Tourisme, Yoel Razvozov (Yesh Atid), a appelé le cabinet à mettre un terme aux règles de quatorzaine pour les Israéliens vaccinés revenant de l’étranger.
« J’espère qu’en même temps, on va permettre le retour des étrangers vaccinés en Israël », a-t-il continué. « L’industrie du Tourisme et l’économie ne peuvent plus porter ce fardeau », aurait-il déclaré, des propos rapportés par la radio militaire.
Bennett lui a répondu que ces décisions seraient probablement prises cette semaine.

La Fédération sioniste d’Australie a d’ailleurs exhorté dimanche le Premier ministre à lever l’interdiction d’entrée sur le territoire pour les ressortissants non-israéliens, exprimant son inquiétude quant à l’impact des restrictions de voyage sur les liens entre Israël et les Juifs en Australie.
« Au nom de la communauté juive australienne, je vous demande instamment de trouver une solution qui protège de manière appropriée la santé et le bien-être des citoyens israéliens, mais qui permette aux juifs de la diaspora de se rendre en Israël avec toutes les garanties ou conditions nécessaires », a écrit Jeremy Leibler, président du groupe, dans une lettre ouverte adressée à Bennett.
« Israël a été un leader dans la lutte contre la COVID-19 et la protection de ses citoyens. Je suis certain qu’il peut continuer à le faire tout en veillant à ce que le lien entre Israël et la Diaspora reste fort », a-t-il ajouté.
Les ministres ont aussi été interpellés par Omer Bar-Lev (parti Travailliste), ministre de la Sécurité intérieure, qui a déclaré que le gouvernement devait décider d’une réponse à l’épidémie actuelle et s’y tenir, déplorant les changements fréquents des restrictions.

« Nous semons la confusion chez les Israéliens », aurait-il dit, selon des médias israéliens. « Nous devons prendre une décision et nous y tenir. »
Horowitz a alors pris la défense du gouvernement. « Les directives changent parce que la réalité change, » aurait-il ajouté, a fait savoir la Treizième chaîne.
Le ministre des Affaires de la Diaspora, Nachman Shai (parti Travailliste), a déclaré plus tard que Bennett et Horowitz s’étaient engagés à ce que les restrictions COVID-19 d’entrée en Israël soient assouplies cette semaine.
« Lors de la réunion du cabinet aujourd’hui, j’ai soulevé le besoin urgent d’ouvrir le ciel pour les juifs du monde entier », a tweeté Shai.
In the cabinet meeting today I raised the urgent need to open the skies for world Jewry.
PM Bennett & health min. both committed to me that there will be a substantial easing of policies 4 entrance into Israel this week.
I will continue to be your voice and advocate in the Gov.— נחמן שי- Nachman Shai (@DrNachmanShai) January 2, 2022
L’Université Bar-Ilan a notamment annoncé un retour aux cours en ligne jusqu’à la fin du semestre en raison de l’augmentation des cas de COVID-19.
L’université a précisé que cette mesure visait à « réduire les contacts autant que possible et à aider à arrêter la chaîne d’infection. »
L’université a déclaré dans un communiqué qu’à partir de mardi, elle commencera à utiliser l’application de vidéoconférence Zoom pour les cours, une politique qui se poursuivra jusqu’à la fin du semestre, le 14 janvier.
« Bien qu’il n’y ait pas de changement dans les directives [gouvernementales] jusqu’à présent, nous avons pris la décision d’organiser les cours sur Zoom afin de minimiser le contact autant que possible et d’aider à arrêter la chaîne de contagion », a déclaré l’université dans un communiqué qui précise qu’elle est en contact permanent avec le ministère de la Santé et le Conseil de l’enseignement supérieur en Israël.

Elle a précisé que les activités de recherche, les formations pratiques, les études en laboratoire et les examens prévus sur le campus se dérouleront comme d’habitude. Les bibliothèques resteront également ouvertes aux étudiants sur le campus, mais l’accueil dans les départements et les unités administratives devra également se faire en ligne.
L’université a indiqué qu’une mise à jour concernant les dispositions prises pour les examens sera envoyée dans les prochains jours.
Bar-Ilan a souligné la nécessité de faire preuve de diligence dans l’utilisation des masques sur le campus et a déclaré que les règles du passeport vert seront appliquées – limitant l’entrée aux personnes qui ont été vaccinées ou qui se sont remises du COVID-19 au cours des six derniers mois, ou qui ont été testées négatives au cours des 72 dernières heures.
Ce changement ne s’appliquera qu’au campus principal de l’université à Ramat Gan, et non à sa faculté de médecine dans la ville de Safed, dans le nord du pays, où l’administration locale prendra ses propres dispositions, précise le communiqué.
D’autres universités, dont la plus grande du pays, l’Université hébraïque de Jérusalem, n’ont pas procédé à un passage vers l’enseignement à distance.
Dans un rapport officiel transmis au cabinet chargé de la lutte contre le coronavirus et dans une série d’entretiens accordés aux médias, le professeur Eran Segal de l’Institut Weizmann a estimé pour sa part que deux à quatre millions d’Israéliens – sur une population totale qui est de 9,5 millions de personnes – seront contaminées par le variant Omicron à l’avenir, mais que le nombre de cas graves ne dépassera pas les 1 200 – le chiffre record actuel.
Segal a vivement recommandé aux Israéliens qui n’ont pas encore bénéficié d’une injection de rappel d’aller se faire administrer une troisième dose, partageant sur Twitter de nouvelles données britanniques qui montrent que le rappel renforce la protection contre le risque d’hospitalisation, la faisant passer de 52 % à 88 %.

S’exprimant au micro de la radio militaire, Segal a déclaré : « A partir d’un certain stade – 20 000 ou 30 000 infections par jour – nous ne pourrons plus suivre les chiffres parce que nous ne disposons pas de suffisamment de tests de dépistage. Le système de test est d’ores et déjà en train de s’effondrer ».
« Ce qui va arriver – c’est ce qui arrive actuellement dans le monde entier – c’est que les restrictions qui avaient, d’une manière ou d’une autre, fonctionné contre les autres variants seront tout simplement inefficaces contre Omicron et que tout ne s’arrêtera que quand tous ceux qui pouvaient être contaminés l’auront été », a-t-il déclaré au site d’information Ynet, estimant qu’il faudra environ trois semaines avant que les chiffres ne commencent à baisser.
Bien qu’il n’ait pas mentionné le terme « d’immunité de groupe », ces prévisions semblent s’aligner sur les propos tenus, dimanche matin, par le directeur-général du ministère de la Santé, Nachman Ash, qui a déclaré que l’État juif pourrait connaître l’immunité de groupe – au prix de très nombreuses infections.
La logique est que les personnes qui seront contaminées par Omicron seront protégées contre cette même souche et que si un pourcentage suffisamment important de la population bénéficie de cette protection, alors l’épidémie prendra fin – du moins jusqu’à ce qu’un nouveau variant commence à se propager ou jusqu’à ce que l’immunité disparaisse avec le temps.

C’est un modèle similaire à celui qui avait été adopté par la Suède au tout début de la pandémie, visant à maintenir l’économie ouverte tout en plaçant les plus vulnérables à l’isolement. Si cette politique a entraîné un nombre excessif de morts et qu’elle a finalement été abandonnée par Stockholm, les experts s’accordent sur le fait qu’elle est aujourd’hui plus envisageable – maintenant que les vaccins existent et que le variant Omicron, bien que plus contagieux, semble aussi entraîner des symptômes moins graves.
De leur côté, les spécialistes de l’Institut Gertner et du Technion-Institut israélien de la technologie ont présenté plusieurs scénarios au ministre de la Santé, aux responsables du ministère de la Santé et aux administrateurs des hôpitaux. Le pire scénario envisagé repose sur l’hypothèse que 99 % de la population israélienne attrape Omicron.
Même dans un tel scénario – où le taux de reproduction de base, le « R-0 », qui est actuellement de 1,84, passerait à trois – le nombre de cas graves, selon les prévisions, ne connaîtrait pas un essor similaire. Dans la version la plus optimiste de ces prévisions, il y aurait entre 1 250 et 1 750 cas graves – ce qui est un chiffre qui n’est que légèrement supérieur au nombre record actuel – et dans une version plus pessimiste, il y aurait entre 2 000 et 2 750 cas graves, ce qui surchargerait de manière critique le système de soins.
Les hôpitaux ont tiré la sonnette d’alarme en affirmant que si lors des précédentes vagues, le système était parvenu à prendre en charge 1 200 cas graves simultanés, les personnels étaient aujourd’hui déjà sous tension en raison de l’épidémie de grippe en cours et du nombre croissant de membres du personnel actuellement en quarantaine.