Israël en guerre - Jour 373

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Le ministre de la Justice dénonce des poursuites partiales aidées par les médias

Dans une attaque cinglante, Amir Ohana affirme que son ministère persécute aveuglément les élus ; les magistrats dénoncent les propos, disent qu'ils ne se laisseront pas intimidés

Le ministre de la Justice Amir Ohana tient une conférence de presse à Jérusalem, le 29 octobre 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)
Le ministre de la Justice Amir Ohana tient une conférence de presse à Jérusalem, le 29 octobre 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)

Le ministre de la Justice, Amir Ohana, a lancé mardi une attaque cinglante contre les procureurs qui exercent sous son autorité, les accusant de s’engager dans une persécution aveugle de fonctionnaires publics qui, à leurs yeux, menacent leur réputation, tout en étant soutenus par une « secte » de journalistes dévoyés.

En réponse à ses accusations, le procureur général Avichai Mandelblit et le procureur Shai Nitzan ont fait savoir qu’ils « regrettent » ses commentaires et « rejettent la tentative de dénigrement du travail des fonctionnaires de la police et du bureau du procureur général sans aucun fondement factuel ».

« Le système judiciaire ne se laissera pas entraîner dans la sphère politique. Personne ne nous empêchera ou ne nous dissuadera d’emprunter la bonne voie », ont déclaré M. Mandelblit et M. Nitzan dans un communiqué commun.

Amir Ohana, membre du Likud, réagissait aux enquêtes visant Benjamin Netanyahu, ainsi qu’à une nouvelle enquête ouverte cette semaine sur d’éventuelles manipulations d’assistants du Premier ministre contre un témoin de l’Etat. Les dirigeants de droite ont qualifié d’anti-démocratique la perquisition des téléphones des assistants. Netanyahu l’a qualifié lundi
« [d’]attaque terroriste contre la démocratie israélienne ».

Ohana a indiqué qu’il connaissait bien la procédure depuis des années en raison de son travail d’avocat et reconnu qu’il y avait de nombreux « avocats diligents et dévoués » qui veulent que justice soit faite au sein du système.

Mais il a semblé faire allusion à un élément dit d’“État profond” au sein du système, en disant qu’“il y a une autre poursuite – une poursuite au sein de la poursuite. Il y a ceux qui, à côté d’une petite secte de chroniqueurs judiciaires, ont réussi à donner l’impression qu’une guerre de la lumière contre les ténèbres [est menée]”.

Le procureur-général Avichai Mandelblit lors d’une conférence à Airport City, aux abords de Tel Aviv, le 3 septembre 2019. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Toute plainte contre le système judiciaire est présentée par ces « chroniqueurs judiciaires » comme « une atteinte à la primauté du droit », a-t-il expliqué.

« Des carrières politiques et publiques ont été détruites l’une après l’autre » par ce système, a ajouté le ministre.

Le ministère public se « transforme ainsi en acteur politique » et fixe son calendrier en fonction des événements politiques, a dénoncé Ohana.

Il a également accusé les procureurs d’avoir abordé les enquêtes criminelles sur Netanyahu et le récent processus d’audience dans ces affaires avec leurs opinions déjà tranchées contre le Premier ministre.

« Alors que la plupart des procureurs mènent leurs audiences dans un esprit ouvert, certains en charge de l’affaire étaient en vacances pendant l’audience et, selon les fuites, a déjà pris sa décision, avant même d’avoir lu et répondu aux nombreux documents [présentés par la défense], sans tenir compte de ce qui a été dit à l’audience », a déclaré M. Ohana.

Il faisait référence à la magistrate en chef Liat Ben-Ari, qui supervise les affaires Netanyahu et qui a pris des vacances en famille, alors que les troisième et quatrième jours des audiences du Premier ministre avaient lieu plus tôt ce mois-ci.

Ohana a déclaré qu’il avait tenté d’ouvrir une enquête sur les « centaines de fuites » dans le cadre des investigations sur le Premier ministre, mais s’est vu opposer « un refus total de connaître la vérité ».

« Le public s’en rend compte et a du mal à croire que c’est ainsi que la justice fonctionne en Israël », a-t-il déploré.

Le procureur Shai Nitzan s’exprime lors d’une cérémonie d’adieu au chef de la police sortant Roni Alsheich, à Beit Shemesh, le 29 novembre 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

Ohana a nié qu’il agissait au nom du Premier ministre, disant que « ces questions brûlent en moi ».

Il a fait remarquer qu’il ne pouvait pas apporter de changements au système en raison de son statut de ministre dans un gouvernement intérimaire, tant qu’un nouveau gouvernement n’aurait pas été formé à la suite des récentes élections de septembre.

Il a exhorté M. Mandelblit à enquêter auprès de ses équipes au sujet des fuites, en disant qu’il était nécessaire de trouver et d’évincer ces personnes pour garder la confiance du public.

En réponse à la déclaration d’Ohana, le député Kakhol lavan Ofer Shelah a qualifié le ministre de pantin de Netanyahu, « qui ne fait que s’attaquer aux institutions dont il est responsable… Son mandat est une honte. ».

Ofer Shelah estime que l’intervention du ministre symbolise le fait que le gouvernement de Netanyahu était dans sa phase finale.

La députée Travailliste-Gesher, Revital Swid, a qualifié la conférence de presse d’Ohana de « discours cauchemardesque du dernier bouffon de Netanyahu ». Un ministre de la Justice temporaire d’un gouvernement intérimaire se présente et lit les notes et le message de provocation que lui a dictés [Netanyahu]. »

Le Mouvement pour un gouvernement de qualité, un observatoire de la démocratie, a demandé à Netanyahu de limoger immédiatement Ohana.

« Nous sommes consternés par l’attaque effrénée du ministre Ohana contre le système judiciaire », a déclaré l’organisation dans un communiqué. « Le public israélien mérite un ministre qui le sert et ne se comporte pas comme un commentateur [d’Internet]. »

Parmi les personnes impressionnées par le discours d’Ohana, on compte Yair, le fils de Netanyahu.

« Un conseil pour tous les hauts responsables du Likud qui visent la première place après l’ère Netanyahu, prenez exemple sur Ohana ! » a tweeté Netanyahu junior. « C’est ainsi que vous pourrez conquérir le cœur des centaines de milliers d’électeurs du Likud. Amir Ohana, tu es une superstar. »

Des collaborateurs de Netanyahu font l’objet d’une enquête policière

Mandelblit a demandé lundi à la police de répondre aux allégations selon lesquelles les enquêteurs auraient outrepassé leur autorité en procédant à la fouille des téléphones des collaborateurs de Netanyahu.

Dimanche, la police a confirmé qu’elle avait ouvert une enquête sur de hauts responsables de la campagne électorale de Netanyahu qui auraient harcelé Shlomo (Momo) Filber, un ancien homme de confiance de Netanyahu qui a piloté la campagne électorale du parti Likud lors des législatives de 2015, et témoignant contre lui dans une affaire de corruption présumée.

La police a confisqué les téléphones du porte-parole du Likud, Jonatan Urich, et du directeur de campagne du parti, Ofer Golan, ce qui a fait enrager les militants et responsables politiques de droite.

Filber est un témoin clé dans l’affaire 4000, dans laquelle Netanyahu est accusé d’avoir fait avancer des décisions réglementaires au profit de Shaul Elovitch, l’actionnaire majoritaire du géant des télécommunications Bezeq, en échange d’une couverture positive de la part du site d’information Walla appartenant à Elovitch.

Filber était directeur général du ministère des Communications, que Netanyahu dirigeait pendant la période examinée par les procureurs. Filber a été arrêté et interrogé sur son implication dans l’affaire avant de devenir témoin de l’Etat.

Urich, Golan et deux autres sont soupçonnés d’avoir ordonné l’envoi d’une camionnette au domicile de Filber avec des haut-parleurs qui clamaient qu’il avait menti sur cette affaire.

Le porte-parole du Likud, Jonatan Urich, s’exprime lors d’une réunion de la commission centrale électorale à la Knesset, le Parlement israélien à Jérusalem, le 3 avril 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)

Mandelblit a demandé à la police de lui répondre lundi après avoir reçu une lettre d’un avocat représentant Urich, laquelle a été divulguée à la presse. Celle-ci affirmait que les enquêteurs de la police avaient consulté des messages sur son téléphone qui n’étaient pas liés à l’enquête sur le harcèlement de Filber, a rapporté la Douzième chaîne.

Noa Milstein, l’avocate d’Urich, a envoyé la lettre, intitulée « Intrusion illégale dans le téléphone portable de Jonatan Urich », à Mandelblit lundi dernier. Il y est affirmé que la police a demandé à Urich de déverrouiller son téléphone pour lire ses messages à Golan sans informer Urich de son droit de refus.

Urich aurait obtempéré et autorisé l’enquêtrice à le sortir de la pièce. À son retour, il a remarqué qu’elle avait regardé des messages sans rapport avec l’affaire, affirme la lettre. Celle-ci ajoute qu’Urich a ensuite vu l’enquêtrice envoyer des informations sur les messages à un groupe Telegram dédié à l’affaire 4000.

Dans une vidéo de l’incident en cours d’investigation, on peut voir un véhicule arborant des slogans des Hassidim de Bretslev se garer près de la maison de Filber, avec une voix disant : « Momo, sois un homme ! Sors, dis la vérité. Momo Filber, que t’ont-ils fait pour que tu mentes contre le Premier ministre ? Qu’est-ce qu’ils t’ont promis ? Momo, la gauche t’utilise pour renverser le Likud ! Écoute ce que tu as dit toi-même avant que la police ne te mette la pression ».

On entend ensuite un enregistrement de Filber dans lequel il déclare : « Il n’y a pas de crime ici. D’où est-ce que ça vient ? Tout ce que j’ai promu relevait de ma compétence en tant que directeur-général [du ministère des Communications]. »

Selon un reportage diffusé lundi sur la Treizième chaîne, M. Urich a déclaré à la police que l’initiative était un coup de pub plutôt qu’un véritable effort pour intimider Filber et que Netanyahu n’était pas au courant de cette initiative.

Dans un tweet, le Premier ministre a qualifié la perquisition des téléphones de ses collaborateurs « [d’]attaque terroriste contre la démocratie israélienne et le droit à la vie privée de tout citoyen”.

« Nous ne vivons pas sous un régime totalitaire, c’est inacceptable », a-t-il dit. « Le but est de terroriser mon entourage immédiat et de me priver ainsi de la capacité de répondre au déluge illégal de fuites qui me vise sans discontinuer. »

Dans un communiqué conjoint lundi après-midi, la police et le ministère de la Justice ont déclaré que les téléphones avaient été confisqués « en raison d’exigences manifestes en matière d’enquête ». Ils ont déclaré que les appareils ne seraient pas ouverts ou examinés sans qu’un mandat spécifique du tribunal ne le permette, et que les recherches ne seraient limitées qu’aux contacts spécifiés dans ces mandats.

Shlomo Filber, directeur général du ministère des Communications, lors d’une réunion de la Commission de la Knesset, le 24 juillet 2016. (Yonatan Sindel/Flash90)

Ils ont souligné que toute tentative d’intimidation ou de harcèlement des témoins était considérée avec gravité, en particulier dans le cas d’un témoin de l’État. « Les autorités chargées de l’application de la loi ne toléreront pas ce genre d’actes », ont-ils déclaré.

Mais « en raison de la sensibilité du dossier, l’enquête est menée sous le contrôle des plus hautes instances du système judiciaire. »

Netanyahu fait face à des accusations de fraude, d’abus de confiance et de corruption dans l’affaire 4000. Il est également menacé par des accusations de fraude et d’abus de confiance dans deux autres affaires. Il nie tout acte répréhensible.

Plus tôt ce mois-ci, le bureau de M. Mandelblit a tenu une audience préparatoire à l’inculpation du Premier ministre, après avoir déjà annoncé son intention de l’inculper dans les trois affaires.

Netanyahu est soupçonné d’avoir conclu un accord de contrepartie illicite avec Elovitch qui a duré environ quatre ans, jusqu’au début de 2017. L’accord présumé a vu Elovitch assurer une couverture favorable de Netanyahu sur Walla, le deuxième plus grand site d’informations en Israël, et une couverture critique des rivaux de Netanyahu, notamment pendant les périodes électorales de 2013 et 2015.

La longue description par Mandelblit des transactions illicites présumées de Netanyahu avec Elovitch a constitué la majeure partie d’un document de 57 pages publié en février, dans lequel le procureur général exposait les allégations qui l’avaient amené à envisager la mise en examen du Premier ministre.

La deuxième affaire contre le Premier ministre, l’affaire 1000, concerne des accusations selon lesquelles Netanyahu aurait reçu des cadeaux et des avantages de bienfaiteurs milliardaires. Mandelblit a déclaré qu’il avait l’intention d’accuser Netanyahu de fraude et d’abus de confiance, ce dernier délit étant quelque peu mal défini et se rapportant à un fonctionnaire qui viole la confiance que le public lui a accordée.

La troisième, l’affaire 2000, concerne les accusations selon lesquelles Netanyahu et Arnon Mozes, le rédacteur en chef du journal Yedioth Ahronoth, ont convenu d’affaiblir un quotidien rival en échange d’une couverture plus favorable de la part du Yedioth. Dans cette affaire, Mandelblit tentera également d’accuser le Premier ministre d’abus de confiance, tandis que Mozes sera accusé de corruption, selon l’issue de son audience préalable.

Le Premier ministre nie ces allégations et affirme être victime d’une chasse aux sorcières impliquant l’opposition, les médias, la police et le ministère public.

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