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Le Monde nazi, 1919-1945, ou comment on a « donné » le pouvoir à Hitler

Trois experts signent un ouvrage de 500 pages sur la période de l'histoire de l'Allemagne qui allait précipiter l'Europe et le reste du monde dans une nouvelle guerre totale

Adolf Hitler prononçant un discours devant 48 000 garçons et 5 000 filles lors du congrès du parti nazi à Nuremberg, en Allemagne, le 11 septembre 1937, au cours d'un défilé auquel assistent des diplomates étrangers. De gauche à droite au premier rang : Antonio Marquis De Magaz, envoyé d'Espagne en Allemagne, Sir Neville Henderson, ambassadeur britannique, inconnu, Signor Attolico, ambassadeur italien, André François-Poncet, ambassadeur français, Vicco Von Buelow Schwante, chef du protocole au ministère allemand des Affaires étrangères. (Crédit : AP/Archives)
Adolf Hitler prononçant un discours devant 48 000 garçons et 5 000 filles lors du congrès du parti nazi à Nuremberg, en Allemagne, le 11 septembre 1937, au cours d'un défilé auquel assistent des diplomates étrangers. De gauche à droite au premier rang : Antonio Marquis De Magaz, envoyé d'Espagne en Allemagne, Sir Neville Henderson, ambassadeur britannique, inconnu, Signor Attolico, ambassadeur italien, André François-Poncet, ambassadeur français, Vicco Von Buelow Schwante, chef du protocole au ministère allemand des Affaires étrangères. (Crédit : AP/Archives)

« Les nazis n’ont pas pris le pouvoir. On le leur a donné ». C’est l’une des thèses que défendent trois historiens spécialistes dans Le Monde nazi, 1919-1945, grande synthèse sur le national-socialisme.

Cette somme de 500 pages (hors annexes), qui paraît jeudi aux éditions Tallandier, est signée par Johann Chapoutot, Christian Ingrao et Nicolas Patin, trois experts de cette période de l’histoire de l’Allemagne qui allait précipiter l’Europe et le reste du monde dans une nouvelle guerre totale.

Pas tout à fait une vague irrésistible, l’ascension du parti nazi, le NSDAP, jusqu’à la nomination comme chancelier d’Adolf Hitler en 1933, est faite d’à coups.

« Les nazis sont cuits, en fait, fin 1932. Ils sont très mal. Hitler parle de se suicider, Goebbels rentre en dépression », souligne Johann Chapoutot, professeur d’histoire à Sorbonne Université, interrogé par l’AFP.

Cette année-là ont lieu deux élections législatives en Allemagne. Les premières, en juillet, sont triomphales pour les nazis. Les secondes, en novembre, moins, même s’ils restent le premier parti.

« Intrigues de palais »

Par deux fois, des gouvernements se forment sans eux. La stratégie de prise du pouvoir par la « voie légale » suscite de forts doutes en interne.

Joseph Goebbels (à droite), et Adolf Hitler à un tournage. (Crédit : domaine public)

Puis, en janvier 1933, le président de la République de Weimar, Paul von Hindenburg, et un ancien chancelier conservateur, Franz von Papen, parient sur la nomination d’Adolf Hitler comme chancelier pour débloquer un système politique en crise.

S’il y a une raison qui explique l’arrivée des nazis au gouvernement, alors qu’une partie de leur électorat commence à s’en détourner, « il s’agit bel et bien des intrigues de palais, des conciliabules de couloir et des rencontres plus ou moins secrètes entre Papen, Hitler et les plus proches conseillers d’Hindenburg », écrivent les trois historiens.

« Hitler ne devint pas chancelier, le 30 janvier 1933, par la magie des victoires électorales. Non seulement, en plus de l’outil électoral, il utilisa sans cesse la menace de la violence et de la guerre civile, avec l’aide des Sections d’assaut, mais les élites en place travaillèrent également à son succès », ajoutent-ils.

Les nazis, dans l’opposition, avaient progressé aux dépens d’une droite libérale alors plutôt faible, et d’une extrême droite traditionnelle qui n’avait pas sa force de frappe militante. Une fois dans l’exécutif, ils sauront ne pas en sortir, jusqu’à l’instauration d’une dictature, le Troisième Reich.

Pour y parvenir, « les nazis demandent toujours l’Intérieur », le ministère-clé à leurs yeux, remarque Christian Ingrao, directeur de recherche au CNRS.

Adolf Hitler examine les plans des nouveaux bâtiments du parti à Nuremberg, à côté d’Albert Speer (deuxième à droite, qui regarde les dessins), le 24 février 1937. (Crédit : AP Photo)

« Bolchevisme culturel »

Leur autre stratégie politique, décrite dans Le Monde nazi, est de peindre la vie politique de cet entre-deux-guerres comme un choix, en noir et blanc, entre le chaos d’une révolution communiste et l’ordre dont ils seraient seuls garants.

Johann Chapoutot, qui ne fait pas mystère de ses opinions politiques de gauche, trouve moins pertinente la comparaison entre le NSDAP et les partis d’extrême droite d’aujourd’hui qu’entre « les libéraux autoritaires au pouvoir » à l’époque et ceux d’aujourd’hui, « qui sont modérément démocrates et très pro-business ».

Ceux, décrit-il, « qui ont décidé que le vrai danger, c’était le marxisme, et qui alimentent les paniques morales. Le wokisme, à l’époque, s’appelait le bolchevisme culturel. Ils décident qu’il faut tout faire pour éviter ça ».

Sur la couverture du livre, des centaines de bras font le salut nazi ou brandissent le drapeau à croix gammée, à Berlin en juillet 1940.

« On essaie de montrer quelle fut la force d’attraction et de séduction du national-socialisme sur des milieux extrêmement divers. Des élites jusqu’aux masses ouvrières, le petit peuple, les artisans, etc. », explique Christian Ingrao. « Le nazisme a été un vrai Volkspartei, c’est-à-dire un parti qui transcendait à la fois les classes d’âge et les classes sociales ».

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