Le musée de l’Holocauste américain condamne la persécution des homosexuels en Tchétchénie
Pour la directrice du musée, la Shoah “nous enseigne ce qui peut arriver quand des violences soutenues par l’Etat sont autorisées à se déchaîner contre un groupe”
Le musée mémorial américain de l’Holocauste a déclaré être « profondément inquiet » des récentes informations sur le gouvernement tchétchène, qui persécute les hommes gays.
« Les informations sur le ciblage de personnes LGBT en Tchétchénie, combinées aux déclarations des responsables tchétchènes qui semblent soutenir les violences, sont une cause d’inquiétude profonde », a déclaré jeudi dans un communiqué Sara Bloomfield, directrice du musée. « Les gouvernements tchétchènes et russes doivent enquêter sur ces accusations et garantir la sécurité des populations LGBT au sein de la Fédération russe. »
Le journal d’opposition russe Novaya Gazeta a annoncé ce mois-ci qu’au moins 100 hommes homosexuels avaient été arrêtés, et trois tués en Tchétchénie. Même si le gouvernement tchétchène a démenti ces accusations, un porte-parole du gouvernement a dit au New York Times que les hommes gays n’existaient pas dans le pays, suite à l’article qui a attiré l’attention des médias.
Human Rights Watch a confirmé l’information, déclarant qu’une « campagne brutale contre les personnes LGBT » avait lieu depuis plusieurs semaines dans le pays.
« L’Holocauste nous enseigne ce qui peut arriver quand des violences soutenues par l’Etat sont autorisées à se déchaîner contre un groupe », a déclaré Bloomfield, soulignant que les homosexuels avaient également été persécutés par les nazis pendant la Shoah.
Eliot Engel, représentant démocrate de l’état de New York, a lui aussi condamné ces persécutions.
« Je suis écœuré par les informations sur les autorités tchétchènes qui incarcèrent illégalement, torturent et peut-être tuent un grand nombre d’hommes homosexuels. Il y a aussi eu des informations sur des personnes LGBT fuyant la Tchétchénie à la recherche d’un refuge contre les persécutions », a déclaré l’élu juif dans un communiqué la semaine dernière.
Les informations sur les agressions en Tchétchénie ont entraîné des condamnations internationales. Les militants ont accusé les autorités russes de fermer les yeux de crainte d’irriter Ramzan Kadyrov, l’homme qui règne d’une main de fer sur le pays depuis dix ans, dans une région où Moscou a livré deux sanglantes guerres séparatistes.
Nikki Halley, ambassadrice américaine auprès des Nations unies, a déclaré lundi qu’elle était « troublée » par les informations, et la Suède a dit jeudi avoir convoqué l’ambassadeur russe.
Tanya Lokshina, de Human Rights Watch, a déclaré que, à son avis, « il suffira d’un appel du Kremlin à Kadyrov pour que les arrestations cessent. »
Le bureau du procureur général de Russie a officiellement ouvert une enquête lundi, mais Dmitry Peskov, le porte-parole du Kremlin, a minimisé les informations rapportées, affirmant qu’il n’y avait eu « aucune confirmation » des violences et des arrestations.
« Ce sont des plaintes fantômes, totalement dépersonnalisées », a-t-il déclaré en parlant des articles des médias.
Lokshina a cependant répliqué qu’ « imaginer que des personnes présentent des informations sans aucune protection efficace, sans aucune garantie de sécurité, est simplement impossible. »
« Ici, nous avons à faire avec des personnes LGBT, et elles sont particulièrement vulnérables en Tchétchénie, parce qu’en plus de craindre les autorités, elles doivent aussi craindre leur propre famille », a-t-elle dit.
Pour la journaliste de Novaya Gazeta, Irina Gordienko, menacée de mort par le Grand Mufti tchétchène après son enquête, Kadyrov exerce en Tchétchénie une « tyrannie absolue » avec l’accord tacite du Kremlin. « C’est là le cœur du problème : l’impunité des autorités tchétchènes », conclut-elle.
Son journal a également reçu des lettres portant les mots « Grozny 666666 » et contenant une poudre blanche qui s’est révélée inoffensive.