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Le parquet allemand condamne 3 Israéliens pour une escroquerie sur Internet

Le montant de cette fraude aux investissements s'élève à 77 millions d'euros ; les trois hommes écopent de peines de prison, d'autres suspects sont encore en Israël

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

Une publicité de recrutement lancée en 2017 par Envirotech à Tbilisi, l'un des centres d'appels du GetFinancial Group, avec le slogan "le salaire le plus élevé de toute la Géorgie." (Capture d'écran : Facebook)
Une publicité de recrutement lancée en 2017 par Envirotech à Tbilisi, l'un des centres d'appels du GetFinancial Group, avec le slogan "le salaire le plus élevé de toute la Géorgie." (Capture d'écran : Facebook)

Trois ressortissants israéliens, dont un père et son fils qui sont originaires de Kfar Saba, ont été récemment condamnés à la prison à Regensberg, en Allemagne, en raison de leur implication dans une escroquerie aux investissements sur Internet qui, selon les procureurs, serait estimée à des dizaines de millions d’euros.

Nadav Gover, 35 ans ; Yaakov Gover, 62 ans et Yuri Dashevsky, 35 ans, ont plaidé coupable dans ce dossier, reconnaissant avoir mis en place une cellule criminelle qui aurait escroqué des investisseurs du monde entier entre 2015 et 2021. Cette arnaque aurait rapporté à ses auteurs, selon les estimations, la somme de 77 millions d’euros.

Selon le parquet allemand, les centres d’appels qui étaient exploités par la dite « GetFinancial Ring » en Israël et en Europe poussaient les clients à procéder à des investissements variés. Toutefois, au lieu de placer l’argent confié sur les marchés financiers, ces hommes l’utilisaient pour assurer le fonctionnement de leurs centres d’appels et de leurs plateformes de trading sur Internet, tout en conservant le reste des fonds pour leur usage personnel.

Vadim Tsysaruk et Anna Sokolova, qui ne sont pas des ressortissants israéliens, ont eux aussi été condamnés dans le cadre de cette fraude. Quatre autres suspects israéliens dans cette affaire – qui sont poursuivis par le Bureau central du cyber-crime de Bavière – luttent actuellement contre leur extradition au sein de l’État juif.

En réponse à une demande du Times of Israel, le parquet allemand a laissé entendre qu’un plus grand nombre de personnes pourraient bien être mises en examen dans le cadre de cette arnaque à une date ultérieure.

« Aucune nouvelle inculpation n’a encore eu lieu. Toutefois, nos investigations dans l’intégralité de ce dossier sont encore en cours », a commenté Nino Goldbeck, procureur au sein du bureau du procureur-général public de Bamberg.

Gover, père et fils, et Dashevsky, qui est originaire de Tel Aviv, ont plaidé coupable en date du 6 avril. Nadav Gover, l’un des chefs de ce réseau criminel, a écopé d’une peine de cinq ans et neuf mois de prison en plus d’une amende à hauteur de 10,1 millions d’euros. Son père, Kobi, qui était responsable logiciel du groupe, a été condamné à quatre ans et deux mois d’emprisonnement et à payer une amende de 37 200 euros. Dashevsky, pour sa part, purgera une peine de quatre ans et neuf mois de prison et il devra s’acquitter d’une amende à hauteur de 1,9 million d’euros. Il tenait une place de premier plan dans l’escroquerie, dirigeant ses opérations.

Nadav Gover a été condamné à cinq ans et neuf mois de prison en Allemagne, le 6 avril 2023. (Capture d’écran : LinkedIn)

Tsysaruk et Sokolova resteront respectivement, pour leur part, pendant 30 et 40 mois derrière les barreaux.

Quatre des cinq condamnés ont fait appel tandis que la condamnation de Dashevsky est définitive.

« Les accusés sont mis en cause pour avoir affirmé de manière abusive à des citoyens qui ne nourrissaient par ailleurs aucun soupçon qu’ils seraient en mesure de faire du trading, sur internet, dans des valeurs telles que les actions, les titres ou les cryptodevises », avaient écrit les procureurs allemands dans la requête d’extradition de Dashevsky, au mois de novembre 2021.

Gover père était propriétaire d’un centre d’appels, Nikodo Technological Services, à Petah Tikva tandis que les autres individus mis en cause exploitaient des call-centers à Tbilisi, en Géorgie, à Erevan, en Arménie et à Chisinau, en Moldavie, ont affirmé les procureurs. Les centres d’appels servaient les sites internet SolidCFD, ProCapitalMarkets, MyCoinBanking, Coinsbanking GainFinTech, ProfitsTrade, AccepTrade et GetFinancial. Ce dernier, l’un des plus importants de la cellule, devait finalement inspirer le surnom donné par le parquet allemand à ce réseau : le GetFinancial Group.

Fausses activités de trading sur internet

Le GetFinancial Group est l’un parmi une dizaine ou plus de réseaux criminels qui ont pris pour cible, ces dernières années, les investisseurs allemands et du monde entier. La majorité de ces escroqueries en ligne sur internet entretiennent des liens avec Israël et avec l’ex-Union soviétique, et elles trouvent leur origine dans l’industrie frauduleuse des options binaires, au sein de l’État juif.

Les procureurs de Bavière ont lancé une initiative, dans toute l’Europe, qui vise à enquêter et à poursuivre ces groupes devant la justice, des groupes qu’ils accusent d’être impliqués « dans des fausses activités de trading sur Internet ». Ces réseaux ont collectivement arnaqué leurs investisseurs de milliards de dollars sur tout le globe, selon les responsables de la police.

Le 6 avril 2023, Kobi Gover a été condamné à quatre ans et deux mois dans une prison allemande. (Capture d’écran : Facebook)

Les criminels trompent leurs victimes grâce à des campagnes de publicité ciblées sur la Toile, mettant en lien les investisseurs avec des courtiers qui les persuadent, au téléphone, d’investir sur un site de trading en ligne, les poussant à placer autant d’argent que possible avant de disparaître avec les fonds. A la fin de l’année 2017, la Knesset avait mis hors-la-loi une industrie de ce genre, l’industrie des options binaires, suite à une série de reportages du Times of Israel qui avait commencé au mois de mars 2016 avec un article qui était intitulé : « Les loups de Tel Aviv ». Un grand nombre de ces firmes se sont depuis relocalisées à l’étranger et continuent leurs activités frauduleuses.

Kobi Gover avait été extradé d’Italie vers l’Allemagne au mois de janvier 2022. Son fils avait été extradé depuis la Slovénie peu après et Dashevsky au mois de juin 2022, depuis Israël.

le 6 avril 2023, Yuri Dashevsky a été condamné à quatre ans et neuf mois de prison en Allemagne. (Capture d’écran : Facebook)

Quatre autres suspects – Nimrod Blachman, 35 ans, Chen Malka, 32 ans, Pavel Kotler, 49 ans et David Bar-El, 39 ans – sont encore en Israël, luttant contre les demandes d’extradition déposées par l’Allemagne, selon les documents du tribunal.

Sur ces quatre suspects, seuls les avocats de Blachman, Eitan Finkelstein et Liya Felous, ont répondu à une demande de commentaire du Times of Israel, disant que leur client était un petit employé qui ignorait tout du caractère illicite de son travail.

« Notre client a travaillé comme employé pour l’entreprise pendant de nombreuses années depuis sa création et il l’a quittée en 2019. Notre client n’était pas propriétaire de l’entreprise, il ne gérait pas l’entreprise et il n’a rien reçu pour le travail réalisé au sein de l’entreprise à l’exception de son salaire versé dans le cadre de son travail au sein du département du marketing. Les accusations d’actions illégales – dans la mesure où elles ont pu avoir eu lieu sans que l’employé ait connaissance de leur illégalité – ne doivent être lancées qu’à l’encontre des propriétaires de l’entreprise. »

Le parquet allemand, de son côté, continue à réclamer l’extradition des quatre hommes.

« Les procédures d’extradition en Israël sont encore en cours », a noté Goldbeck. Nous ne pouvons pas savoir s’il y aura des extraditions et quand elles se feront ».

Des connexions plus larges

Goldbeck a expliqué au Times of Israel que le parquet avait estimé le montant dérobé aux investisseurs du monde entier par les huit sites de trading en ligne à 77 millions d’euros, une somme calculée à partir des documents internes de la firme. Un montant qui est inférieur à d’autres arnaques aux investissements de ce type ayant visé les Allemands – comme cela avait été le cas du Milton Group, qui avait dérobé à ses victimes une somme totale d’un milliard de dollars ou plus.

Alors qu’aucun nom des suspects mis en cause dans le dossier GetFinancial n’est connu, les demandes d’extradition allemandes, qui ont été mises à la disposition des journalistes en Israël, attirent l’attention sur un écosystème d’entreprises plus large et sur des individus liés, semble-t-il, à l’escroquerie.

Bar-El, qui était conseiller juridique pour le GetFinancial Group, avait été accusé par un employé de s’être vanté de sa relation avec son beau-père, Shota Shalelashvili, député au parlement géorgien en tant que membre du parti du Rêve géorgien entre 2016 et 2019. Il avait également laissé entendre qu’il entretenait des liens avec le fondateur de la même formation politique, le milliardaire Bidzina Ivanishvili.

Il « menace nos vies avec ses proches ‘influents’, » avait déclaré l’employé selon des documents inclus dans la demande d’extradition de Bar-El qui a été déposée par l’Allemagne. Il avait ajouté que « En Géorgie, Bar-El a activement utilisé les noms des députés Shota Shalelashvili et de Bidzina Ivanishvili comme moyen de manipulation ».

L’ancien avocat de Shalelashvili a fait savoir qu’il ne se trouvait pas en Israël et qu’il ignorait comment entrer en contact avec lui.

Bar-El, de son côté, n’a pas répondu à une demande de commentaire soumise par le Times of Israel. Dans le passé, il avait nié être propriétaire ou décisionnaire dans l’entreprise, répétant que son rôle se limitait à celui d’un conseiller juridique extérieur intervenant auprès de Nadav Gover et de ses entreprises.

Mais selon le parquet, Bar-El était chargé de mettre en place des firmes et des comptes bancaires offshore, ainsi que des processeurs de paiement pour toute l’équipe de GetFinancial. Il avait par ailleurs fini par acquérir une part de 15 % dans les avoirs du GetFinancial Group.

« Bar-El travaillait pour le gang formé par les accusés, avant tout en tant que conseiller juridique jusqu’au début de l’année 2017 et il avait créé principalement des entreprises à l’étranger en étant totalement conscient du fait que le gang criminel auquel il offrait ses services vendait frauduleusement les produits qu’il offrait », avaient écrit les procureurs dans la demande d’extradition, au mois de janvier 2022.

Directeur-général de criminels ?

Pavel Kotler, qui se bat également contre son extradition, avait rejoint le GetFinancial Group en 2017 et il avait rapidement grimpé dans la hiérarchie de l’entreprise, apportant un leadership entrepreneurial à la cellule criminelle présumée, selon les procureurs allemands.

« Il a dirigé l’organisation criminelle comme un directeur-général en invitant à des réunions les responsables du management, en émettant des directives en matière d’organisation et en prenant les décisions importantes pour la compagnie aux côtés des autres accusés », explique la requête d’extradition soumise par l’Allemagne. « Ses devoirs comprenaient, par exemple, l’organisation des réunions et la mise au point des méthodes de travail ; il assignait les tâches à réaliser au sein des entreprises, il critiquait les employés et il contrôlait les statistiques des centres d’appels ».

Des touristes israéliens à Tbilisi, la capitale de la Géorgie, le 28 juin 2021. (Crédit : Nati Shohat/FLASH90)

Selon son profil LinkedIn, Kotel était le responsable financier d’un call-center de Tel Aviv connu sous le nom de Telemaris Marketing Services.

Telemaris Marketing Services exploitait les sites internet de plusieurs entreprises appartenant à l’industrie des options binaires, Cedar Finance, Brokerage Capital et Regal Options, selon des informations obtenues par le Times of Israel auprès d’anciens employés.

Sur le papier, le propriétaire de Telemaris Marketing Services était un ressortissant ukrainien, Petro Melnychuk.

Le nom de Melynchuk était apparu en 2021 dans les Pandora papers – plus de 11,9 millions de documents financiers issus de fournisseurs de service offshore qui avaient fuité et qui avaient révélé les noms des propriétaires de dizaines de milliers d’entreprises délocalisées dans des paradis fiscaux.

Selon les documents qui avaient été obtenus par le Consortium international des Journalistes d’investigation et partagés dans la foulée avec les autres journalistes, Melnychuk avait fondé deux firmes aux îles Vierges britanniques, Realzone Trading Limited et Supertool Investments Limited, elles-mêmes liées à d’autres procédures criminelles en cours qui ont été initiées par le département américain de la Justice.

La police regarde des manifestants rassemblés devant le gouvernement géorgien de Tbilisi, le 21 juin 2019. (Crédit : AP/Shakh Aivazov)

Relations commerciales

Le groupe GetFinancial entretenait aussi des relations avec deux compagnies appartenant à des Israéliens qui fournissaient des logiciels de trading et de relation client à ses sites internet.

Ces fournisseurs de plateforme avaient créé les sites, offert aux clients un système de gestion de contenu et un logiciel assurant la relation client. Ils avaient également offert une formation sur la manière d’établir un centre d’appels et de d’atteindre des annonceurs. Ces derniers mettaient alors leurs noms de marque sur les sites internet du groupe, partageant une partie de leurs revenus mensuels avec GetFinancial.

L’un des fournisseurs de plateforme qui avait travaillé avec le groupe GetFinancial était SpotOption. SpotOption avait été une firme poursuivie par la SEC (Securities and Exchange Commission), aux États-Unis, au mois d’avril 2021, accusée d’avoir escroqué des milliers d’investisseurs américains, notamment des retraités, à hauteur d’au moins cent millions de dollars. La compagnie SpotOption ne s’était pas défendue dans le cadre de ces poursuites et la SEC avait obtenu, au mois de juin 2023, un jugement par contumace. Depuis, SpotOption a fait appel.

Capture d’écran d’une image utilisée dans les contenus promotionnels de SpotOption. (Capture d’écran)

Les procureurs allemands ont indiqué dans leurs différentes requêtes d’extradition qu’ils avaient obtenu des informations de la part du FBI faisant état de liens unissant SpotOption et le GetFinancial Group.

« Le bureau du procureur-général de Bramberg est en possession de données détaillées qui avaient été saisies lors de la procédure lancée par le Federal Bureau of Investigation à l’encontre des exploitants de la firme israélienne SpotOption, », notent les requêtes.

Selon les documents du parquet allemand, le GetFinancial Group devait ultérieurement faire appel aux services de Tradologic, un fournisseur de plateforme qui aurait facilité des activités criminelles de fraude et de blanchiment d’argent à hauteur de centaines de millions d’euros.

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