Israël en guerre - Jour 349

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Le peuple soutient les Druzes qui pleurent leurs enfants tués par le Hezbollah

Les habitants disent ressentir un élan d'amour et de soutien ; les Israéliens pleurent collectivement les douze enfants tués, qualifiant cette frappe de "tragédie nationale"

Noor Ibrahim, Rena Ibrahim et Tulei Abu Jabal (de gauche à droite), cousines de l'une des victimes, au mémorial des personnes tuées par une roquette du Hezbollah à Majdal Shams le 27 juillet 2024. (Crédit : Deborah Danan/JTA)
Noor Ibrahim, Rena Ibrahim et Tulei Abu Jabal (de gauche à droite), cousines de l'une des victimes, au mémorial des personnes tuées par une roquette du Hezbollah à Majdal Shams le 27 juillet 2024. (Crédit : Deborah Danan/JTA)

JTA – Nisreen Abu Saleh a parcouru la pelouse roussie du terrain de football entourant le cratère où son fils, Yazan Nayeif Abu Saleh, a été tué par une roquette du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah quelques jours plus tôt, le 27 juillet, en même temps que onze autres enfants et adolescents de cette ville druze du nord d’Israël.

Ramassant un minuscule morceau de tissu noir, Abu Saleh a laissé échapper un sanglot étranglé.

Les personnes qui étaient autour d’elle, vêtues de noir, lui massaient le bras et lui murmuraient des mots à l’oreille. Se tournant vers eux, elle s’est écriée : « Je sais que cela vient de son pantalon, je suis sa mère ! »

Derrière elle, une photo de Yazan, 12 ans, souriant, une darbouka entre les jambes, était accrochée à côté de celles des autres jeunes victimes. Sous ces photos, des couronnes de fleurs portaient les condoléances d’un groupe disparate de sympathisants : le géant de la high-tech Microsoft Israel, la nouvelle alliance Avoda-Meretz (Les Démocrates), l’American Jewish Committee (AJC).

Le lieu de l’attaque meurtrière au missile sur un terrain de football dans la ville druze de Majdal Shams, sur le plateau du Golan, le 29 juillet 2024. (Crédit : Michael Giladi/Flash90)

Tout au long de la journée de mardi, d’autres gerbes ont été déposées au gré de l’arrivée à Majdal Shams d’un nombre croissant de personnes venues présenter leurs condoléances. Parmi eux, un groupe de responsables inter-confessionnels, des personnalités pro-Israël, des délégations de la police et des dizaines de personnes non affiliées se sont rendus en voiture dans la station balnéaire située à l’extrémité nord du plateau du Golan, à proximité des frontières libanaise et syrienne et à quelques encablures des pistes de ski du mont Hermon, afin de rendre hommage aux défunts. Depuis dimanche, des milliers d’Israéliens ont fait don de plus de 300 000 dollars à une campagne de financement participatif – crowdfunding – en faveur des familles meurtries.

Une octogénaire venue de Tel Aviv s’est entretenue avec Adham Shams, un habitant de Majdal Shams qui n’a perdu aucun membre de sa famille dans cette attaque. « C’est incroyable qu’une femme de 85 ans soit venue jusqu’ici, en pleine guerre, juste pour présenter ses condoléances », a déclaré Shams après leur rencontre. « ‘Comment pourrais-je ne pas venir ?’, m’a-t-elle dit. »

Comme de nombreux habitants, Shams a déclaré avoir ressenti un élan d’amour et de soutien de la part de tout Israël à la suite de cette attaque. Bien que de nombreux Druzes du Golan détiennent la citoyenneté syrienne et appartiennent à une minorité qui représente moins de 2 % de la population israélienne, les Israéliens ont collectivement porté le deuil des enfants décédés et ont qualifié cette frappe de « tragédie nationale israélienne ».

« J’ai dit à nos frères et sœurs druzes : ‘Nous sommes des frères. Nous avons un pacte de vie », a déclaré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui s’était rendu sur le site de la frappe, dans un discours à la nation prononcé mercredi. « Ce pacte nous unit en ces jours de douleur et de deuil. »

Des voisins accourant pour porter secours aux enfants blessés par une roquette tirée sur un terrain de football de Majdal Shams, ville druze du nord du pays située sur le plateau du Golan, le 27 juillet 2024. (Crédit : Hassan Shams/AP)

Certains citoyens druzes qui vivent dans le nord d’Israël servent dans l’armée israélienne, ce qui est considéré comme un rite de passage dans le pays. C’est de la part d’amis israéliens juifs du nord du pays, dont la plupart avaient été évacués vers le centre du pays, que Shams a ressenti l’étreinte la plus chaleureuse, recevant des dizaines de messages après l’attaque. « Ils sont plus que mes frères », a-t-il déclaré.

Dans la ligne de mire

L’attaque à la roquette de Majdal Shams et l’assassinat par Israël du chef de la branche armée du Hezbollah, Fouad Shurk, ainsi que l’assassinat du chef du groupe terroriste palestinien du Hamas, Ismaïl Haniyeh, ont fait craindre une escalade des hostilités dans le nord, qui se sont jusqu’à présent essentiellement limitées à la région frontalière israélo-libanaise.

Récemment, un rapport rédigé par Tsahal détaillant le scénario d’une guerre totale avec le Hezbollah a été communiqué aux maires du nord du pays. Selon ce document, Israël serait frappé par des centaines de roquettes dont des ogives de 53 kilogrammes, comme celle qui a frappé Majdal Shams, à dix fois plus. Le groupe terroriste chiite libanais prévoit de viser des cibles situées bien au-delà du sud de Haïfa, telles que Tel Aviv, obligeant éventuellement l’évacuation de milliers de personnes vers des villages de tentes à Jérusalem et dans le sud du pays.

Des gens regardant l’endroit où une roquette a frappé, à Majdal Shams, le 28 juillet 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Le document fait état du risque d’une panne d’électricité pendant trois jours dans certaines villes, de pannes d’approvisionnement en eau susceptibles de durer plusieurs jours, d’une coupure des communications par téléphone fixe et par certains téléphones portables pendant de longues heures, ainsi que de perturbations des services de radio et d’accès à Internet. Quelque 40 % de la main-d’œuvre nationale pourrait être dans l’incapacité de travailler pendant toute la durée du conflit et les fournisseurs de services situés en dehors des zones touchées pourraient ne pas être disponibles tout au long du conflit, selon le document intitulé « Update on Economic Impact » (« Mise à jour de l’impact économique »).

Dans le même temps, « la réalité pour l’autre camp sera bien pire, et c’est un euphémisme », a déclaré un responsable de la sécurité au Times of Israel.

Évolution des allégeances

L’armée israélienne a choisi de ne pas inclure Majdal Shams dans les ordres d’évacuation des communautés frontalières parce qu’elle n’est pas située directement sur la frontière avec le Liban. Jusqu’à la reprise du Golan par Israël lors de la Guerre des Six Jours en 1967, Majdal Shams faisait partie de la Syrie. Israël a annexé la région, un haut lieu stratégique, en 1981, mais de nombreux Druzes ont refusé la citoyenneté israélienne, certains par crainte pour leurs proches restés en Syrie.

Cette situation est en train de changer. Depuis la guerre civile en Syrie en 2011, de plus en plus de Druzes du Golan demandent la citoyenneté israélienne. Selon Iyal Ghanem, à Majdal Shams et dans quatre autres villages druzes jouxtant la frontière syrienne, la jeune génération rompt peu à peu ses liens avec le régime de Damas.

« Les gens n’étudient plus dans les universités syriennes et même les anciens ne se rendent plus à Shouting Hill », a-t-il expliqué en faisant référence à une colline isolée où les habitants avaient l’habitude de tenir des conversations transfrontalières avec leurs proches du côté syrien. « De nos jours, WhatsApp fonctionne tout aussi bien », a-t-il ajouté en souriant.

Néanmoins, certains habitants tirent leurs informations des émissions syriennes et remettent en question la version israélienne des événements de samedi. Tulei Abu Jabal, 14 ans, a demandé à Ghanem si c’était bien une roquette du Hezbollah qui avait tué ses amis ainsi que son cousin, Guevara Ibrahim, 11 ans.

« Pourquoi nous attaqueraient-ils ? Nous ne nous battons pas. Nous voulons la paix pour tout le monde », a souligné Abu Jalal.

Contrairement au reste de la communauté druze d’Israël, les Druzes syriens ne s’enrôlent pas dans Tsahal, mais selon Hamada Ghanam, commandant d’un bataillon du nord, cette situation est également en train de changer, certains jeunes gens rejoignant un programme d’initiation militaire accéléré.

Hassan Shakir, habitant de Majdal Shams, a déclaré que la plupart des habitants de la ville pensaient que la roquette provenait du Hezbollah, mais qu’il y avait des questions qui restaient sans réponse. Les locaux sont arrivés sur les lieux en quelques minutes, a-t-il dit, et bien que des restes humains aient été éparpillés un peu partout, ils ont signalé que les traces de la roquette semblaient avoir disparu.

Mais les éclats d’obus retrouvés sur les corps des victimes et la forme du cratère indiquent que le projectile utilisé lors de l’attaque était une roquette Falaq-1 de fabrication iranienne, selon des experts cités par l’Associated Press. Des représentants des États-Unis ont également déclaré que, selon leurs analyses, le Hezbollah avait tiré la roquette.

La cible visée aurait pu être des installations militaires dans la région, a déclaré Shakir, notamment un centre communautaire voisin où des soldats israéliens étaient stationnés. « De toute façon, quelle importance cela a-t-il ? Savoir ce qui s’est passé ne ramènera pas ces enfants. »

Hassan Shakir, habitant de Majdal Shams, sur le site de l’attaque à la roquette du Hezbollah qui a tué douze enfants druzes le 27 juillet 2024. (Crédit : Deborah Danan/JTA)

Shakir, qui a perdu trois cousins dans l’attaque, est un entrepreneur spécialisé dans la construction et l’installation d’aires de jeux et de terrains de sport comme celui qui a été détruit samedi.

« C’était le centre de la vie de ces enfants. Ils étaient obsédés par le football », a-t-il expliqué. « Chaque fois que quelqu’un cherchait son enfant, il y avait de fortes probabilités qu’il vienne d’abord ici. »

Aujourd’hui, la douleur est vive et aiguë. Son cousin Adham Safadi « a rassemblé des morceaux de sa fille Finis dans un sac en plastique », a raconté Shakir.

Shakir ressent également la chaleur partagée entre les différentes communautés du nord d’Israël. Lors d’une récente visite à l’hôtel Carlton de Tel Aviv, Shakir a déclaré que tous les habitants évacués de la ville de Kiryat Shmona, dans le nord du pays, l’avaient accueilli à bras ouverts. « Nous sommes comme une famille, tout le monde me connaît », a-t-il déclaré.

Un mémorial au milieu d’un terrain de football où douze enfants druzes ont été tués la veille dans une frappe de roquette du Hezbollah, dans le village de Majdal Shams sur le plateau du Golan, le 28 juillet 2024. (Credit : Michael Giladi/Flash90)

Selon Moti Hassin, un Israélien juif de Kiryat Shmona actuellement évacué et vivant dans un hôtel de Tel Aviv, les Druzes du Golan sont nettement surreprésentés dans divers secteurs, notamment le commerce et la médecine, au sein de sa ville natale.

« Ce sont nos dentistes, nos coiffeurs, nos constructeurs, ils ont des maisons à Kiryat Shmona », a-t-il déclaré. « Nous vivons ensemble. »

Pour Hassin, le fait que certains de ces Druzes soient des citoyens de la Syrie, un voisin hostile, n’a pas d’importance. « Vous devez comprendre que les habitants de la partie supérieure du nord ne forment qu’un seul et même peuple », a-t-il déclaré. « Nous le sommes depuis 1967. »

Une partie de leur lien, a déclaré Hassin, est une colère partagée contre l’abandon perçu par le gouvernement israélien du nord, des Druzes comme des Juifs, dont beaucoup ont été logés dans des hôtels exigus sans aucune fin en vue. Lorsque Netanyahu a visité le site de l’attaque lundi, il a été raillé par les habitants et qualifié de « criminel de guerre ».

« J’ai l’impression que nous sommes comme les Druzes », a-t-il déclaré. « Tout comme le gouvernement ne voit pas les Druzes, ils ne nous voient pas. »

Shams a lui aussi exprimé son sentiment d’identification à la société israélienne. « Dieu devrait sauver tout le peuple d’Israël », a-t-il déclaré. Il a répété un slogan devenu populaire en Israël depuis les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre : « Ensemble, nous vaincrons. »

Le soldat (Rés.) Amir a déclaré que la nouvelle de l’attaque avait provoqué une onde de choc dans son bataillon. Il a partagé une photo d’un soldat tenant un drapeau druze. Lorsqu’on lui a demandé s’il reconnaissait les distinctions internes entre les Druzes du Golan et ceux du reste d’Israël, Amir a répondu que cela n’avait aucune importance à ses yeux.

« Je pense qu’ils finiront par s’enrôler », a-t-il déclaré à propos des Druzes du Golan qui ne s’enrôlent pas. « Pas maintenant, ils sont encore en colère, et à juste titre, mais un jour. Quoi qu’il en soit, cela n’a pas d’importance. Ils restent nos frères. »

Le chef d’État-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, s’entretenant avec des membres de la communauté druze après une attaque à la roquette meurtrière du Hezbollah sur la ville de Majdal Shams, dans le nord du Golan, le 27 juillet 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Sasha Silber, un habitant de Jérusalem, ne fait pas non plus de distinction. « Ce sont nos voisins et ils font partie de notre communauté », a déclaré Silber. « Cette perte est aussi la nôtre. »

Sur le terrain dévasté, Tulei Abu Jabal et ses deux cousines, Noor et Rena Ibrahim, ont serré des maillots de football appartenant à leur cousin, Guevara. Guevara avait été enterré la veille – un jour après l’enterrement des autres victimes, car il a fallu plus de 30 heures pour identifier son ADN à partir de traces de sang. Les habitants ont estimé que Guevara avait probablement été touché directement par la roquette.

Abu Jabal a déclaré que sa famille ne trouvait qu’un faible réconfort dans le fait que Guevara soit mort sur un terrain de football.

« Son plus grand rêve était de devenir un joueur de football professionnel », a-t-elle déclaré, ajoutant que ses proches en Syrie s’étaient engagés à créer un terrain de football en mémoire des victimes.

Une photo de famille de Guevara Ibrahim, 11 ans, tué par une roquette du Hezbollah tirée depuis le Liban qui a frappé un terrain de football dans le village druze de Majdal Shams sur le plateau du Golan, le 31 juillet 2024. (Crédit : Jalaa Marey/AFP)

Abu Jabal puise sa force spirituelle dans la croyance de la communauté druze en la réincarnation et dans l’idée que chacun a un moment prédéterminé pour mourir, tout en se sentant profondément émue par le large soutien des Israéliens.

« Tout le monde est uni dans cette tragédie », a-t-elle affirmé.

Zman Yisrael, la version en hébreu du Times of Israel, a contribué à cet article.

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