Israël en guerre - Jour 593

Rechercher
Analyse

Le potentiel successeur choisi par Abbas pourrait ne pas être son héritier présomptif

Hussein al-Sheikh a été nommé chef adjoint de l'OLP, mais l'ancien agent de liaison avec Israël ne bénéficie pas du soutien de la rue et il a plusieurs rivaux possibles ; il n'a été choisi que pour aider, a affirmé un collaborateur d'Abbas

Nurit Yohanan

Nurit Yohanan est la correspondante du Times of Israel pour le monde arabe et palestinien.

Cette photo diffusée par l'Autorité palestinienne montre son président Mahmoud Abbas, au centre, dirigeant les prières à côté du vice-président de l'Organisation de libération de la Palestine, Hussein al-Sheikh, troisième à gauche, lors d'une réunion du Comité exécutif de l'organisation à Ramallah, le 26 avril 2025. (Crédit : Thaer GHANAIM / PPO / AFP)
Cette photo diffusée par l'Autorité palestinienne montre son président Mahmoud Abbas, au centre, dirigeant les prières à côté du vice-président de l'Organisation de libération de la Palestine, Hussein al-Sheikh, troisième à gauche, lors d'une réunion du Comité exécutif de l'organisation à Ramallah, le 26 avril 2025. (Crédit : Thaer GHANAIM / PPO / AFP)

Avec la nomination de Hussein al-Sheikh au poste de vice-président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), c’est la première fois qu’un bras droit est nommé à ce poste depuis des décennies.

Si cette décision n’implique aucun changement dans le paysage politique dans l’immédiat, elle semble toutefois indiquer que Ramallah commence à préparer l’après-Mahmoud Abbas, le président actuel de l’Autorité palestinienne (AP), qui fêtera ses 90 ans cette année.

Al-Sheikh a été nommé la semaine dernière à ce poste dans le sillage d’un vote survenu au sein du comité exécutif de l’OLP, qui est composé de 16 membres. Si ce comité paraît être l’instance la plus importante de l’OLP, il reste largement contrôlé par Abbas – le dirigeant de facto de l’OLP – ce qui implique que cette nomination a été l’ouvrage direct du président octogénaire.

Cette décision a été largement considérée comme la mesure la plus concrète à avoir été prise jusqu’à présent par Abbas concernant la désignation de son éventuel successeur – ce qui éviterait ainsi une éventuelle bataille entre les personnalités candidates à la tête de l’AP, une bataille qu’un grand nombre craignent de voir éclater une fois que le chef vieillissant se sera retiré ou qu’il mourra.

Néanmoins, il est important de noter que le décret qui a nommé al-Sheikh à ce poste ne lui accorde pas de poids formel en matière de succession.

Mahmoud al-Habbash, proche conseiller d’Abbas, rejette l’idée qu’Abbas puisse tenter de nommer un héritier. Il estime que le rôle confié à al-Sheikh est plus celui d’un assistant que celui d’un futur leader de l’AP.

Le secrétaire général du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine, Hussein al-Sheikh, assiste à la 32e session du conseil central de l’OLP à Ramallah, le 23 avril 2025. (Crédit : Zain Jaafar/AFP)

Cette initiative est « une étape positive et importante », dit Habbash au Times of Israel. « Elle renforcera la politique palestinienne dans ses activités et elle soutiendra [Abbas] dans l’exercice de ses fonctions ».

Il ajoute que « le vice-président ne remplace pas le président mais il l’assiste en cas de besoin ».

Les racines du Fatah

Al-Sheikh, âgé de 64 ans, est né à Ramallah où il a vécu toute sa vie – même si avant 1948, sa famille habitait Deir Tarif, un village qui se trouve aujourd’hui dans le centre d’Israël. Il a rejoint le mouvement du Fatah à l’adolescence et il a passé onze années dans une prison israélienne entre 1978 et 1989. Il avait été condamné pour le rôle qu’il avait tenu au sein d’une cellule du Fatah impliquée dans des attaques menées à l’encontre d’Israël.

Pendant la première Intifada (1987-1993), al-Sheikh était devenu une personnalité politique de moyen niveau au sein des Territoires palestiniens.

A LIRE : Hussein al-Cheikh, partenaire fiable des Occidentaux ou « petit insecte » aux côtés d’Abbas

En 1993, il avait été nommé lieutenant-colonel dans les forces de sécurité de l’AP qui venaient tout juste d’être formées. Il y était resté en service pendant trois ans avant de revenir sur la scène politique.

Al-Sheikh était devenu le secrétaire-général du comité exécutif de l’OLP en 2022, remplaçant le négociateur palestinien Saeb Erekat, qui avait occupé ce poste jusqu’à sa mort, en 2020.

Le ministre palestinien des affaires civiles, Hussein al-Sheikh, à droite, et le coordinateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), le Major Général, Yoav Mordechai, signent un « mémorandum d’accord » qui pourrait ouvrir le service 3G dans les zones palestiniennes en trois à six mois, le 19 novembre 2015 (Crédit : Armée israélienne)

Mais son rôle le plus déterminant avait sans doute été celui de ministre des Affaires civiles de l’AP – ce qui avait fait de lui l’agent chargé d’assurer la liaison entre Ramallah et Israël et, par extension, avec les États-Unis. Parlant couramment l’hébreu, Al-Sheikh avait rencontré à de nombreuses reprises, au fil des années, de hauts-responsables israéliens et américains.

Un poste qu’il aura occupé pendant 18 ans, jusqu’au mois de février, lorsqu’Abbas l’a soudainement démis de ses fonctions. Le président de l’AP n’a pas justifié cette décision et aucune tension n’a été signalée entre les deux hommes.

Al-Sheikh est resté un proche confident du chef de l’AP – prenant fréquemment part aux grandes réunions internationales à ses côtés et organisant régulièrement des rencontres avec des diplomates étrangers.

Sélection ou élection ?

Avec la nomination d’al-Sheikh au poste de vice-président, c’est la première fois qu’une telle fonction est occupée depuis 1969, lorsque Ibrahim Bakr avait été désigné vice-président sous l’autorité du chef de l’OLP de l’époque, Yasser Arafat. Il avait quitté le poste après moins d’un an, et le poste était resté vacant depuis.

Si le fait qu’al-Sheikh endosse dorénavant la casquette de vice-président semble placer ce dernier en pole position pour prendre la direction de l’Autorité palestinienne post-Abbas, les choses restent toutefois incertaines.

Pour sa part, Habbash répète avec véhémence que la personnalité qui succèdera à Abbas sera choisie par le biais d’une élection nationale.

« Le président doit être élu par le peuple, par le biais d’élections générales et directes, et non par le biais de nominations », assène-t-il.

Le secrétaire général du comité exécutif de l’OLP, Hussein al-Sheikh, lors d’une réunion à Amman, en Jordanie, le 4 novembre 2023. (Crédit : Jonathan Ernst/AP)

Officiellement, le contrôle de l’OLP – qui englobe la majorité des factions palestiniennes, à l’exception du Hamas et du Jihad islamique – revient au Conseil national palestinien, qui est composé d’environ 300 membres, et au Comité exécutif, qui est formé de 16 membres. Dans la pratique, Abbas, qui dirige l’OLP depuis plus de 20 ans en plus des fonctions qu’il occupe à la tête de l’AP et du Fatah, exerce une mainmise absolue sur le mouvement.

L’instance était autrefois la seule représentante du peuple palestinien au niveau international – mais son pouvoir a été réduit avec l’avènement de l’AP en tant que proto-gouvernement palestinien, et aujourd’hui, elle occupe une fonction essentiellement symbolique.

Abbas et son prédécesseur Arafat auront tous les deux dirigé l’OLP et l’AP. Abbas avait été élu en 2005 pour un mandat de cinq ans – mais il est au pouvoir depuis 20 ans.

Si un vote devait avoir lieu, al-Sheikh serait confronté à une bataille difficile dans la mesure où l’AP manque cruellement de soutien au sein de la population palestinienne. La coopération étroite et de longue date de cette dernière avec les responsables israéliens et américains a entraîné des accusations de trahison sur les réseaux sociaux palestiniens.

Le secrétaire-général de l’OLP Hussein al-Sheikh, au centre, accueille le secrétaire d’État américain Antony Blinken avant sa rencontre avec le président palestinien Mahmoud Abbas à Ramallah, en Cisjordanie, le 7 février 2024. (Crédit :AP Photo/Mark Schiefelbein, Pool)

Le fait qu’al-Sheikh ait longtemps supervisé les permis d’entrée en Israël qui sont octroyés aux travailleurs palestiniens a également donné lieu à des accusations de favoritisme et de corruption. Il a aussi été égratigné, dans le passé, par des allégations de harcèlement sexuel.

Plusieurs candidats potentiels bénéficient d’un soutien public plus important – c’est notamment le cas du secrétaire-général du comité central du Fatah, Jibril Rajoub, et de Mahmoud al-Aloul, le chef adjoint du comité directeur du parti du Fatah.

Abbas, qui avait promis à plusieurs reprises, dans le passé, d’organiser des élections avant de les annuler pour diverses raisons, pourrait bien voir en son nouveau bras droit un successeur potentiel lors de ses réunions à huis-clos – ce qui met en évidence la déconnexion croissante entre les dirigeants politiques palestiniens et la rue.

Des agents des forces de sécurité palestiniennes bloquent une route lors d’une manifestation suite à la mort du militant des droits humains Nizar Banat alors qu’il était détenu par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, le 26 juin 2021. (Crédit : Ahmad Gharabli/AFP)

Arafat avait conservé une grande popularité auprès des Palestiniens tout au long de sa vie. Même s’il a une réputation plus soignée, Abbas rencontre des difficultés s’agissant d’asseoir sa légitimité auprès du public. Al-Sheikh, qui ne représente ni la génération des fondateurs ni le grand public, pourrait avoir encore plus de mal à combler un fossé qui n’a cessé de se creuser.

Des pressions en faveur des réformes

Au mois de novembre, Abbas avait émis un décret présidentiel qui désignait son successeur intérimaire en cas d’incapacité ou de décès, avançant le nom de Rawhi Fattouh.

Fattouh, qui est âgé de 75 ans, reste largement inconnu et impopulaire auprès des Palestiniens – mais ce choix serait bien susceptible d’empêcher Aziz Dweik, une figure importante du Hamas en Cisjordanie, de prendre la relève, conformément aux règles établies dans les statuts de l’AP.

Rawhi Fattouh, chef du Conseil législatif palestinien, lors d’une réunion du cabinet, à Ramallah, en Cisjordanie, en juillet 2004. (Crédit : Jamal Aruri/AFP)

En contraste, la décision qui a été prise par Abbas de nommer un bras droit est considérée comme une réponse aux pressions croissantes, de la part des responsables arabes et des officiels américains, en faveur de réformes au sein de l’AP – avec notamment la promotion d’un leadership plus jeune.

Les demandes de changement se sont intensifiées après le pogrom commis par les terroristes palestiniens de Gaza, le 7 octobre 2023, les États-Unis et d’autres membres de la communauté internationale ayant apporté leur soutien à la perspective d’une AP réformée en profondeur qui prendrait le contrôle de Gaza après la guerre.

Au mois de mars 2024, Abbas avait semblé répondre à certaines de ces demandes, prenant la décision de dissoudre le gouvernement de l’AP et nommant un nouveau cabinet technocratique non-partisan placé sous la direction de l’économiste Mohammad Mustafa – des mesures qui, si elles avaient été considérées comme essentiellement symboliques, avaient été saluées.

Presque un an plus tard – c’était au mois de février 2025 – Abbas avait abrogé le décret qui ordonnait le versement de prestations sociales aux Palestiniens emprisonnés en Israël pour des délits liés au terrorisme. Des sources palestiniennes ont néanmoins confié au Times of Israel que ces derniers mois, les familles des détenus ont continué à avoir droit à leurs allocations, comme c’est le cas d’ordinaire.

La vice-secrétaire d’État au Moyen-Orient Barbara Leaf, à gauche, rencontre le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas au bureau de ce dernier à Ramallah, le 11 juin 2022. (Crédit : State Department/Twitter)

De plus, il se pourrait bien qu’Abbas tente de projeter une image de changement en conservant à l’esprit l’héritage qu’il laissera.

Après la nomination d’al-Sheikh, le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdullah bin Zayed Al Nahyan, lui a téléphoné pour le féliciter – un contact rare qui reflète l’amélioration des liens entre Ramallah et Abou Dhabi, qui s’est montré particulièrement loquace parmi les États du Golfe en appelant à des réformes approfondies susceptibles de renforcer la crédibilité de l’AP.

L’Arabie saoudite a également salué cette nomination, la qualifiant de « réforme » qui « renforcera l’action politique palestinienne et qui contribuera aux efforts déployés qui visent à créer un État palestinien indépendant ».

A LIRE : Netanyahu évoque sa vision d’une future « entité palestinienne infranationale »

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.