Netanyahu évoque sa vision d’une future « entité palestinienne infranationale »
Dans un podcast américain, le Premier ministre a insisté sur le fait qu'aucune implantation ne serait évacuée dans le cadre d'un accord de paix, évoquant des "enclaves"
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le Premier ministre a déclaré, la semaine dernière, que les implantations et les avant-postes reculés, situés en Cisjordanie, deviendraient des « enclaves » entourées par une future entité palestinienne infranationale potentielle si un accord de paix devant être conclu dans le cadre du conflit israélo-palestinien.
Il y a longtemps que Netanyahu n’a pas évoqué sa volonté d’accepter un État palestinien démilitarisé vivant aux côtés d’Israël – une évocation qu’il pouvait faire dans le passé. Ces dernières années, il s’est de plus en plus exprimé en défaveur de l’existence d’un État palestinien et il a souligné son opposition au déracinement des implantations israéliennes dans un futur accord de paix. Mais les propos tenus par le Premier ministre de droite sur le sujet, des paroles prononcées pendant une interview accordée, mercredi, au podcaster américain Lex Fridman, a semblé offrir plus de détails sur la manière dont il envisage dorénavant les contours d’un éventuel accord final.
Le Premier ministre a commencé à dire qu’en Cisjordanie, 90 % des 500 000 Israéliens approximativement vivent dans des « blocs urbains » que « tout le monde reconnaît… et qui feront partie d’Israël dans le cadre de n’importe quel arrangement conclu avec les Palestiniens ». La plus grande partie des propositions de paix avaient, en effet, prévu que les implantations à cheval sur la Ligne verte resteraient en Israël avec des échanges de territoire – même si les blocs d’Ariel et de Maale Adumim semblent plus difficiles à intégrer dans un futur État juif dans la mesure où ils sont à des dizaines de kilomètres dans les profondeurs de la Cisjordanie.
Netanyahu a reconnu que les 10 % d’Israéliens restants « sont éparpillés dans des petites communautés » plus profondément implantées en Cisjordanie mais il a ajouté qu’elles ne seraient pas nécessairement déracinées dans le cadre d’un futur accord de paix. Il a noté que les Arabes avaient été autorisés à rester en Israël après l’établissement de l’État et il a ajouté que « nous ne disons pas qu’il faut qu’il y ait un nettoyage ethnique des citoyens arabes pour conclure un accord de paix’. » Les critiques déclarent qu’Israël œuvre à évincer les Palestiniens de Jérusalem-Est, bloquant leur expansion, ainsi que dans les 60 % de la Cisjordanie connus sous le nom de Zone C où toutes les implantations sont situées – une zone que Netanyahu a cherché à annexer.
Mais Netanyahu a insisté sur le fait que « nous pouvons vivre avec les Arabes et les Arabes peuvent vivre avec les Juifs ».
« Ce qui est actuellement avancé par ces gens qui disent que nous ne pouvons pas vivre dans notre foyer ancestral, sur ces territoires contestés – personne ne dit que ce sont des secteurs palestiniens et personne ne dit que ce sont des secteurs israéliens. Nous les revendiquons et ils les revendiquent. Cela ne fait que, oh, 3 500 ans que nous sommes rattachés à cette terre. Mais c’est un conflit, je suis bien d’accord », a-t-il continué. « Mais je ne suis pas d’accord sur le fait que nous devrions expulser les Arabes, et je ne pense pas qu’il faille qu’ils expulsent les Juifs de l’autre côté ».
« Ils vivront dans des enclaves sur le territoire souverain d’Israël et nous vivrons probablement dans des enclaves, là-bas – probablement par le biais d’une contiguïté de transport – en lieu et place d’une contiguïté territoriale », a-t-il déclaré, reprenant l’idée qui état évoquée dans la proposition de paix qui avait été soumise en 2020 par le président américain Donald Trump qui prévoyait de construire des tunnels et des ponts pour relier les villes palestiniennes dans la mesure où les territoires placés sous le contrôle des Palestiniens ne seraient pas adjacents.
Alors que le plan ne prévoyait pas de déraciner les implantations israéliennes, il présentait les caractéristiques d’un futur État palestinien et il exigeait la fin de l’élargissement de l’empreinte israélienne en Cisjordanie dans l’intervalle – Israël n’a pas cessé de renforcer sa présence sur le territoire au cours des dernières années. L’Autorité palestinienne (AP) avait rejeté ce projet de manière catégorique, tandis que Netanyahu l’avait accepté en exprimant toutefois des réserves.
Netanyahu a semblé reprendre le même argumentaire en ce qui concerne Jérusalem-Est, où vivent 230 000 Juifs. « Vous n’allez pas démanteler la moitié de Jérusalem, ça ne va pas arriver ». Ce sont environ 360 000 Palestiniens qui vivent dans cette section de la ville que les Palestiniens revendiquent pour y installer la capitale de leur futur État.
Il a répété que lorsque Israël se retirerait des territoires, ce sont les groupes terroristes qui s’implanteraient à sa place comme cela avait été le cas à Gaza et au Liban. Les critiques affirment que ces retraits israéliens – en l’an 2000 et en 2005, respectivement – s’étaient effectués de manière unilatérale, sans garantie sécuritaire mise en place.
Si l’Autorité palestinienne a fait part pendant longtemps de son soutien à la solution à deux États sur la base des lignes pré-1967, Netanyahu a affirmé que Ramallah utiliserait son tout nouvel État « comme tremplin pour détruire l’État israélien, diminué par rapport à auparavant ».
Netanyahu s’est longtemps enorgueilli d’avoir isolé le président de l’AP Mahmoud Abbas et il aurait par ailleurs estimé, dans le passé, qu’Israël devra « écraser » les ambitions des Palestiniens qui aspirent à avoir leur état. Dans le podcast, il a indiqué que les « Palestiniens doivent avoir toutes les capacités nécessaires pour se gouverner et aucune pour menacer Israël ».
Netanyahu a dit que sa proposition consistait à offrir « une souveraineté moins que parfaite » aux Palestiniens, Israël maintenant le contrôle sur le territoire qui s’étire entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée. « Je pense qu’il y a une solution à cela. Ce n’est pas le monde parfait que certains pourraient imaginer parce que ce modèle ne s’appliquera pas ici ».
« Les gens disent : ‘Oui, mais ce n’est pas un État parfait’. Pas de problème. Parlons ‘d’autonomie limitée.’ Parlons ‘de souveraineté limitée.’ Appelez ça comme vous voulez. Mais c’est la réalité », a-t-il déclaré, avant de refuser, plus tard, d’utiliser la classification de « solution à deux États » qui était évoquée par le journaliste.
Une clause dérogatoire ?
Interrogé sur le mouvement de protestation national en cours des opposants au projet de refonte du système judiciaire israélien qui est actuellement avancé par le gouvernement, Netanyahu a affirmé que « un certain nombre de personnes qui manifestent aujourd’hui… n’ont aucune idée… de ce qui est discuté » et il a ajouté qu’ils avaient été « radicalisés par les slogans ».
« Dans les médias et sur les réseaux sociaux, vous pouvez alimenter et diffuser délibérément des slogans à l’aide de mégadonnées et de beaucoup d’argent… et vous infiltrer ainsi dans les cerveaux… vous pouvez créer une mobilisation massive sur cette base », a-t-il commenté.
Il a insisté sur le fait qu’il ne tentait pas d’octroyer un pouvoir trop important à sa coalition mais qu’il cherchait tout simplement à retirer du pouvoir au système judiciaire pour, a-t-il affirmé, rétablir l’équilibre des pouvoirs.
Pour démontrer son sérieux, il a souligné son abandon du projet de loi qui aurait autorisé la Knesset à passer outre les jugements rendus par la Haute-cour par une majorité simple de 61 membres. Toutefois, il a pris soin de préciser qu’il avait seulement exclu la possibilité d’une clause dérogatoire « avec une majorité de un » sans écarter l’éventualité de versions moins extrêmes du projet de loi. Le Premier ministre aurait indiqué aux députés de la coalition, au début du mois, qu’il était encore ouvert à de telles propositions.
Netanyahu a écarté l’idée que six mandats passés à son poste pouvaient être excessifs et sources de corruption, insistant sur le fait qu’il n’est motivé que par la nécessité de garantir la sécurité de l’État, sa prospérité économique et sa coexistence pacifique aux côtés de ses voisins. Il a déclaré qu’il pouvait être battu aux élections si le peuple israélien devait ne pas approuver sa performance.
Ce qui n’est pas arrivé, malgré, selon Netanyahu, « l’opposition violente » qui a pu parfois s’exprimer. Il s’est souvenu d’une conversation avec feu Silvio Berlusconi, ancien Premier ministre italien, qui lui avait demandé combien de compagnies du secteur des médias il contrôlait. Netanyahu avait alors répondu au Premier ministre qu’il n’en contrôlait aucun et qu’il devait remporter des scrutins « à la dure ».
Mais le Premier ministre est également traduit actuellement devant les juges après avoir, semble-t-il, cherché à exercer son influence sur certains médias israéliens, et plusieurs organisations médiatiques qui ont fait leur apparition pendant son mandat de Premier ministre sont considérées comme très proches de son parti du Likud, voire comme des porte-paroles de sa formation.
Netanyahu a rejeté les accusations de corruption qui pèsent sur lui et il a affirmé être victime de persécutions. « Les gens ne disent pas : ‘Mais qu’a donc fait Netanyahu ?’ parce qu’il n’a probablement rien fait. Les gens se demandent plutôt : ‘Mais qu’est-ce qu’on a bien pu lui faire’ ? ».
Netanyahu a souvent déclaré – sans apporter de preuve – que les dossiers pour corruption résultaient d’une chasse aux sorcières lancée par ses adversaires politiques, par le parquet, par les médias et par les autorités du système judiciaire.
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Il a ensuite estimé que la Russie et l’Ukraine n’étaient pas prêts à mener des négociations de paix, ajoutant qu’il pourrait intervenir comme médiateur si de tels pourparlers devaient avoir lieu.
Évoquant le développement rapide de l’intelligence artificielle, Netanyahu a estimé qu’elle « détruira beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en créera et elle entraînera un changement structurel dans notre économie, dans nos modèles économiques et dans nos politiques ».