Le rabbin Moché Lewin revient sur la situation à la yeshiva Beth Yossef
Aumônier juif de la gendarmerie, le responsable religieux a été sollicité suite à l’évacuation de l’école afin d’assurer la continuité de la vie juive pour les élèves
Après l’évacuation de la yeshiva Beth Yossef à Bussières (Seine-et-Marne), sept membres de cette communauté juive ultra-orthodoxe, dont le rabbin et figure spirituelle des lieux, ont été inculpés pour « violences aggravées ».
Ils ont été placés sous contrôle judiciaire vendredi soir, soupçonnés notamment de « violences volontaires sur personnes vulnérables », « abus de la vulnérabilité d’une personne placée en situation de sujétion psychologique », ou encore « conditions d’hébergement contraires à la dignité ».
L’école accueillait une soixantaine d’élèves, de 13 à 18 ans, en majorité Israéliens mais aussi d’enfants de nationalités américaine, belge, roumaine ou irlandaise, « non-déclarés scolarisés », selon la justice.
Le rabbin Moché Lewin, aumônier israélite de la gendarmerie, sollicité face à la situation, est revenu sur l’épisode auprès du journal La Croix.
Sa mission a ainsi été d’assurer la continuité de la vie juive pour les élèves, jugés « difficiles ».
Placés dans un bâtiment de la Croix-Rouge et pris en charge par les éducateurs spécialisés de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), ils ont depuis été récupérés par leurs proches.
« Nous avions cinq jours de placement administratif en urgence avant que les enfants ne soient transférés dans des familles d’accueil », explique Moché Lewin.
Il explique qu’il a fallu « notamment former [les éducateurs spécialisés] pour leur expliquer les bases du judaïsme, différencier les obligations religieuses et ce qui relève des coutumes ». Plusieurs traducteurs étaient également présents pour leur permettre de communiquer avec les enfants.
« J’apportais chaque jour un rouleau de la Torah afin de limiter au maximum la rupture dans la pratique religieuse », a-t-il poursuivi. La Croix rapporte par exemple « qu’il n’y avait pas de mezouzah dans le bâtiment de la Croix-Rouge ». « Il a fallu leur expliquer. Ce sont des enfants qui n’ont probablement pas vu le monde extérieur », a expliqué le rabbin.
« Beaucoup étaient en situation irrégulière car ils étaient entrés sur le territoire avec un visa touriste mais étaient sur le territoire depuis plusieurs années », a-t-il ajouté, faisant le lien avec le consul et l’ambassadrice israéliens pour régulariser leur situation.
Située depuis 1948 dans le village de Bussières, à 60 km de la capitale, la yeshiva Beth Yossef est réputée pour ses méthodes strictes.
Parmi les inculpés figure un rabbin de 75 ans – figure spirituelle de la yeshiva – ainsi que le directeur de l’établissement de 48 ans, un référent de 32 ans et d’autres membres de l’encadrement et de l’équipe enseignante.
Ils « ont globalement nié les faits même si certains ont pu décrire des actes comme des claques et des coups », avait expliqué vendredi à la presse la procureure de Meaux, Laureline Peyreffite.
La procureure avait expliqué vendredi que les élèves étaient, « d’après leurs déclarations, totalement isolés du monde extérieur à l’exception d’un contact téléphonique avec leurs parents sous autorisation » et que « leur passeport était confisqué ». Ils vivaient « dans des conditions de logement insalubres », hébergés dans l’ancien sanatorium délabré du domaine de Séricourt.
Le parquet avait requis l’inculpation des sept suspects pour « séquestration en bande organisée » mais la justice n’a pas été jusque-là dans l’immédiat.
Les avocats de l’établissement, Philippe Ohayon et Dan Mimran, s’en sont félicités : cela « invalide la thèse des dérives sectaires et enlève toute crédibilité à l’opération quasi militaire menée contre cette yeshiva », avait estimé auprès de l’AFP Me Ohayon.
Lundi, 17 membres de la communauté avaient d’abord été placés en garde à vue lors d’une opération mobilisant 130 gendarmes qui faisait suite à une enquête ouverte après la fugue d’un élève américain en juillet 2020, qui s’était réfugié à l’ambassade des États-Unis à Paris. À sa suite, deux autres élèves s’étaient échappés.
Dans un témoignage recueilli cette semaine par l’AFP, Avi Ran a relaté être arrivé d’Israël à 12 ans pour entrer dans cette école, en 2002. Il y a passé 12 années, victime d’un « lavage de cerveau » de la part d’une institution qui, pour lui, était « une secte à tous points de vue », avec des « coups physiques » administrés comme « châtiments ».