Le système judiciaire israélien tente une nouvelle définition du terrorisme
Cette nouvelle loi étendra la définition de la terreur et ne consacrera pas la différence entre le terrorisme perpétrés par des Juifs et celui mené par des Palestiniens
Quand deux pyromanes juifs ont incendié une école judéo-arabe à Jérusalem, le juge de la Cour suprême, Neal Hendel, a pesté contre les dangers des incendies criminels et la gravité du crime.
Bien que personne n’ait été blessé lors de l’attaque contre une école judéo-arabe en novembre 2014, « il n’y a aucun moyen de savoir comment un feu se propage, qui ou quoi ça va toucher, et avec quelle force. Une personne qui allume un feu ne peut pas l’empêcher de se propager, et les risques encourus sont grands : on sait comment ça commence, mais pas comment ça se termine », avait-il écrit dans l’acte d’accusation en mars.
Cette observation – qui a été écrite six mois avant un incendie criminel perpétré dans le village cisjordanien de Duma, dans lequel trois membres de la famille Dawabsha ont été tués, et trois mois avant l’incendie criminel de l’église des Pains et des Poissons – a été reprise dans une note concernant une loi présentée à la Knesset sur les nouvelles mesures à prendre pour le contre-terrorisme qui a été adoptée en première lecture il y a deux semaines et qui, pour la première fois, intègre dans la loi que les attaques contre des sites religieux et les incendies criminels constituent des actes de « terrorisme ».
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Dans son projet actuel (qui sera probablement revu par la commission de la Constitution, la Justice et la Loi de la Knesset avant ses prochaines lectures), les lois controversées ne font pas de distinction entre le terrorisme juif et le terrorisme palestinien, ni entre les attaques menées contre les soldats et celles sur les civils.
Elle double le temps de prison pour les terroristes, élargit considérablement la définition du « terrorisme », et donne plus de marge de manœuvre au Shin Bet en ce qui concerne la détention des suspects sans inculpation, appelée, détention administrative.
Depuis 2011, les quelque cent pages de la législation ont emprunté les couloirs de la Knesset, été rédigées et remaniées, puis approuvées il y a plusieurs années en première lecture, sans jamais passer ni en deuxième ni en troisième lectures, passages obligés pour devenir des lois.
Le projet de loi devrait entièrement réviser le système juridique quant au traitement des personnes suspectées de participer à une activité terroriste, supplantant les lois de l’ère du mandat britannique adaptées dans la loi israélienne en 1948 au moment de la création de l’Etat d’Israël.
Avec le soutien de la coalition et de l’opposition, le projet de loi a été approuvé à 45 voix contre 14 en première lecture, et ce, malgré les féroces objections de certains groupes de défense des droits de l’Homme et des élus des partis Meretz et de la Liste arabe unie.
Le vote qui a eu lieu au début d’une session extraordinaire pendant les vacances d’été, après l’attaque de Duma, a eu lieu après une année qui a vu une vague ininterrompue d’attaques aux coups de couteau, à la voiture bélier, de fusillades, d’attaques aux cocktails Molotov, de jets de pierres, et de vandalisme, principalement à Jérusalem et en Cisjordanie, qui a fait en tout 18 morts et des dizaines de blessés plus ou moins grave. (Jeudi, il n’était pas encore clair si le plan du Premier ministre Benjamin Netanyahu visant à faire avancer la législation permettant l’utilisation de balles réelles contre les émeutiers et de faire appliquer des peines plus sévères contre les lanceurs de pierres allait être incorporée au projet de loi général contre le terrorisme ou si elle sera présentée à la Knesset comme une proposition distincte. Le bureau du Premier ministre n’a pas répondu à une demande de commentaires).
Voici quelques-uns des principaux éléments des propositions de la loi :
1. Il élargit la définition de la terreur.
Selon la loi proposée, le terrorisme est « une action ou une menace » qui répond à ces trois critères :
-premièrement, il a « un motif politique, nationaliste ou idéologique »
-deuxièmement, il vise à « semer la peur ou la panique au sein de la population, ou mettre la pression sur les gouvernements, les organes de gouvernance » ou des organisations internationales publiques, en le faisant par certaines actions.
-troisièmement, il provoque un « préjudice grave » : aux gens, à « la sécurité et le bien-être de la population », aux biens, aux infrastructures, à l’économie, aux sites religieux, ou l’environnement.
2. Il ne fait pas de distinction entre les attaques perpétrées contre des civils et les attaques menés contre les soldats.
Le projet de loi rejette toute différenciation entre les attaques sur des soldats ou des civils.
« Il convient de noter que la définition proposée [de la terreur] ne fait pas de distinction entre les actes contre les soldats et les actes contre des civils. Ceci est basé sur le concept que le terrorisme est un moyen illégitime pour atteindre des objectifs politiques, idéologiques ou religieux, indépendamment de l’identité des victimes », peut-on lire dans une note.
3. Il classe spécifiquement les attaques contre des sites religieux et les incendies criminelles comme de la terreur
Se référant à l’incorporation d’attaques contre des lieux saints comme du « terrorisme », le texte explicatif précisant : « il convient de noter que ce sous paragraphe comprend l’incendie criminel, même si seule la propriété a été endommagée ou que la structure était vide, car à l’égard des incendies criminels, en règle générale, il y a une possibilité réelle que le préjudice grave soit causé, y compris pour les personnes ou la sécurité du public ».
Ce paragraphe n’a pas été présenté dans les versions antérieures de la législation, et semble être une réponse directe à l’attaque de Duma et à l’incendie criminel de l’église.
4. Il élargit la définition d’ « organisation terroriste ».
Le projet de loi énonce un long processus par lequel les organisations terroristes sont désignées comme telles, qui comprend l’avis du ministre de la Défense, l’approbation par un comité spécial mis en place à cet effet, et le soutien du procureur général.
Cependant, il maintient également que les groupes qui mènent des attaques terroristes, conformément à la définition proposée de la terreur, doivent être étiquetés comme des groupes terroristes et traités en conséquence, même avant l’étiquetage.
« [Pour] une organisation de ce type, la nature même de ses actions, de ses objectifs de faire progresser les attaques terroristes, le définit comme une organisation terroriste, même si elle n’a pas encore été désignée en tant que telle, et toutes les instructions juridiques liées aux ‘organisations de la terreur’ s’y appliquent », précisent les notes.
En outre, pour la première fois, la législation permet à d’autres organisations – que ce soit les ONG ou les groupes d’aide humanitaire – qui aident les organisations terroristes de quelque façon que ce soit, doivent aussi être désignées comme des organisations terroristes.
Contrairement à d’autres groupes terroristes, les organisations « d’enveloppe » doivent être officiellement désignées comme des organisations terroristes avant que toute action ne puisse être prise contre eux, et leur donner une chance de faire appel.
Ce processus est « essentiel » dans la lutte contre le terrorisme, indique la législation.
Même si la majeure partie des activités d’une organisation sont légales, certaines actions seraient suffisantes pour le marquer comme un groupe terroriste.
« Par exemple, une organisation qui a fait un grand don à un groupe terroriste peut être considérée comme une organisation terroriste, même si cela n’a pas été prouvé qu’il s’agit d’une infraction qui sera répétée.
En outre, une organisation qui traite de l’éducation des enfants et des adolescents et qui s’identifient à un groupe terroriste et qui les soutiennent… peut être considérée comme une organisation terroriste, même si cette question représente seulement une petite partie de ses activités ».
5. Les menaces et l’identification à un groupe terroriste seront sévèrement punies.
Menacer de mener une attaque terroriste, et vous ferez face à la moitié de la peine d’emprisonnement pour ce crime, indique la législation, ou cinq ans (en fonction de la peine la plus élevée).
Une personne qui menace de commettre un attentat qui est passible d’une peine de prison sera emprisonné pendant 15 ans.
Les menaces sont également intégrées dans la définition même de la terreur, comme on le voit ci-dessus. La peine actuelle pour les menaces terroristes est une peine de prison de trois ans.
La législation réprime également les individus qui s’identifient aux groupes terroristes, « y compris publier des louanges, soutenir, ou admirer, agiter des drapeaux, présenter ou faire connaître un symbole… un slogan, ou l’hymne ».
Si cela est fait publiquement – que ce soit en agitant un signe distinctif lors d’un rassemblement, les publier sur les médias sociaux, ou porter un T-shirt – l’individu encourt jusqu’à trois ans de prison.
En ce qui concerne cette dernière clause, une note ajoute : « Il convient de souligner qu’en raison de la nature sensible de ces interdictions, qui limite le droit fondamental à la liberté d’expression, et en raison de la prudence requise dans la délimitation de la frontière entre ce qui est autorisé et les expressions interdites… l’acte d’accusation sera subordonné à l’approbation du procureur général ».
De même, publier son soutien au terrorisme, ou lancer des appels à la violence, peut entraîner une peine de cinq ans de prison, s’il y a « une possibilité distincte que cela conduise à une attaque terroriste ou à de la violence ».
6. Il double les peines de prison pour les terroristes.
La loi propose que les terroristes purgent « le double de la sanction prévue pour les mêmes crimes, mais pas plus de 30 ans », à quelques exceptions près.
Il prévoit également une peine d’emprisonnement pour certaines activités liées au terrorisme.
Diriger une organisation terroriste et vous encourrez 25 ans de prison. Avoir un rôle administratif dans un groupe terroriste et vous risquez 15 ans de prison.
Les attaques terroristes qui ont nui ou étaient susceptibles de nuire à la vie d’un grand nombre de personnes et vous risquez la prison à vie. Les attaques terroristes chimiques, biologiques, ou utilisant des matières radioactives et vous faites face à une réclusion à perpétuité.
L’appartenance à un groupe terroriste peut entraîner une peine de cinq ans ou une peine de sept ans pour les membres actifs qui ont mené des attaques au nom du groupe. Ne pas signaler une attaque terroriste imminente aux forces de sécurité israéliennes peut entraîner trois ans de prison.
7. Elle consacre la détention administrative dans le droit.
La loi autorise l’extension des détentions approuvées par les tribunaux pour les suspects de terrorisme qui n’ont pas été inculpés.
Jusqu’à présent, la détention administrative devait être approuvée par les tribunaux suite à un ordre « d’urgence » du ministre de la Défense.
Toutefois, la législation recommande que cette pratique soit « modérée et prudente », et qui est, selon elle, « essentielle » à la sécurité d’Israël, et doit être inscrite dans la loi, avec des révisions.
Elle suggère que les interrogateurs soient autorisés à détenir des suspects pendant 48 heures sans les traduire devant un juge (, les interrogateurs ont également de la marge de manœuvre pour des extensions supplémentaires de 24 heures, sous certaines conditions). Les juges seront autorisés à prolonger la détention par période de 15 jours, « à moins qu’ils soient convaincus que si le suspect est placé en rétention, il y a une opportunité quasi-certaine de déjouer une attaque sur la vie des gens ».
La Cour suprême sera autorisée à accorder des prolongations de 72 heures pour présenter le suspect à une audience, si elle reçoit l’approbation écrite du chef du Shin Bet et du procureur général.
Alors que les règles administratives actuelles de détention s’appliquent à tous les « suspects sécuritaires », le projet de loi propose qu’il s’applique seulement à ceux soupçonnés de comploter une attaque terroriste qui serait passible d’au moins une peine de cinq ans de prison.
8. Il autorise un peu de cyber-espionnage.
Le Shin Bet sera autorisé à mener des opérations liées à l’informatique, si le chef de l’agence de sécurité intérieure reçoit la permission du Premier ministre, qui doit être « convaincu qu’une telle action est essentielle afin de contrecarrer ou prévenir le terrorisme ou l’espionnage qui présente une menace pour la vie des gens ou un dommage grave à la sécurité de l’Etat, et que ledit objectif pourrait ne pas être atteint d’une autre façon ».
La disposition juridique se réfère vaguement à « des actions liées à des ordinateurs ou à du matériel présent dans un ordinateur », dans une référence susceptible à du piratage ou à du cyber-espionnage.
Si le chef du Shin Bet estime qu’il n’y a pas de temps à perdre pour alerter le Premier ministre, il peut approuver le déménagement, pourvu qu’il avise le Premier ministre immédiatement après.
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