L’envoyée émiratie conditionne le financement de la reconstruction à Gaza à des progrès vers un État palestinien
Lana Nusseibeh a aussi défendu, lors du Sommet mondial des Gouvernements, la décision des EAU de maintenir des liens avec Israël malgré des inquiétudes croissantes
L’ambassadrice des Émirats arabes unis aux Nations unies Lana Nusseibeh a indiqué, lundi, qu’il devait y avoir « des progrès irréversibles » réalisés en faveur d’une solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien avant que les pays de la région ne s’engagent à financer la reconstruction de Gaza. L’envoyée a également défendu la décision prise par le pays du Golfe de maintenir ses liens avec Israël malgré ses inquiétudes croissantes face à la guerre menée par l’État juif contre le Hamas, dans la bande de Gaza.
« Grâce à cette coopération, nous disposons d’un hôpital de campagne à Gaza et d’un hôpital maritime qui accoste dans le port d’Al-Arich, en Egypte », a déclaré Nusseibeh, lors du Sommet mondial des Gouvernements à Dubaï, un événement annuel rassemblant des personnalités du monde des affaires et de la politique.
Pour les « habitants de Gaza, ce n’est pas suffisant. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un cessez-le-feu humanitaire et d’une solution à deux États », a-t-elle toutefois ajouté.
« L’obtiendrons-nous en discutant avec les personnes qui sont d’accord avec nous ? Non. Nous l’obtiendrons en parlant à ceux qui ne sont pas d’accord avec nous et les Émirats arabes unis seront toujours fiers de le faire », a poursuivi l’ambassadrice.
Lana Nusseibeh a dit qu’il y avait un consensus « très fort », parmi les nations arabes, sur le fait que des avancées en direction de la solution à deux États étaient nécessaires avant toute contribution à la reconstruction de l’enclave côtière, au lendemain de la guerre qui oppose actuellement Israël et le Hamas.
« Nous ne pouvons pas financer et financer encore avant de voir tout ce que nous avons construit être détruit », a-t-elle déclaré devant l’assistance réunie à Dubaï.
La guerre a commencé le 7 octobre, lorsque des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza ont mené des attaques sur le sol israélien qui ont entraîné la mort de 1 200 personnes, en majorité des civils, et qu’ils ont kidnappé 253 personnes de tous les âges, prises en otage à Gaza. Les hommes armés se sont livrés à des atrocités, commettant des actes de torture, de mutilation et des crimes sexuels à grande échelle.
Plus de la moitié des otages enlevés le 7 octobre sont encore retenus en captivité dans la bande de Gaza.
En riposte, Israël a lancé une offensive dans le territoire palestinien qui vise à anéantir le Hamas, à l’écarter du pouvoir dans la bande de Gaza et à garantir la remise en liberté des otages.
« Il doit y avoir des progrès irréversibles vers une solution à deux États pour que les partenaires régionaux s’impliquent dans la reconstruction… et il faut qu’il y ait des garde-fous et des points de référence internationaux ; il faudra aussi que le processus ait le soutien des États-Unis, entre autres acteurs déterminants », a-t-elle ajouté.
Les États du Golfe ont, jusqu’à présent, aidé aux reconstructions entreprises dans la bande au lendemain des conflits précédents. Ces combats avaient commencé par des tirs de roquettes en direction d’Israël depuis la bande de Gaza – l’attaque du 7 octobre a, elle aussi, été lancée sous couvert d’une pluie de roquettes lancées sur l’État juif.
Toutefois, l’étendue des destructions, à l’issue des quatre mois de guerre à Gaza, est sans précédent dans les décennies de combats qui ont opposé Israël et les Palestiniens, avec plus de 85 % des résidents de l’enclave qui ont été obligés de quitter leurs habitations.
Les EAU sont l’un des États arabes à avoir établi des relations diplomatiques avec Israël, ces dernières années, dans le cadre des Accords d’Abraham.
Les propos tenus par Nusseibeh reflètent le positionnement qui a été adopté par l’Arabie saoudite et d’autres pays arabes, qui réclament des progrès clairs vers l’établissement d’un État palestinien.
La semaine dernière, deux diplomates arabes de premier plan ont confié au Times of Israel que des ministres saoudiens, émiratis, qataris, jordaniens, égyptiens et de l’Autorité palestinienne avaient convenu lors d’une réunion à Ryad, jeudi dernier, de présenter une vision politique conjointe en ce qui concerne la reconstruction de la bande de Gaza et la création d’un État palestinien après la guerre.
Plusieurs ébauches de ce plan ont commencé à circuler entre les pays, même s’il est difficile de dire quand il sera officiellement rendu public.
Cette rencontre de jeudi – dont l’organisation a été révélée par le Times of Israël – a eu lieu alors que le secrétaire d’État américain Antony Blinken concluait sa cinquième visite de crise au Moyen-Orient depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas.
Si le Qatar a souvent été laissé à l’écart de ce type de discussion dans la mesure où il soutient les gouvernements islamistes, la décision d’inclure Doha à cette occasion a été une reconnaissance de son influence sur le Hamas – une influence qui, selon les pays présents, sera essentielle dans la planification de l’après-guerre au sein de l’enclave.
La majorité des pays arabes ayant pris part à la rencontre ne veulent pas que le Hamas puisse figurer dans le leadership politique de Gaza après la guerre, mais ils pensent que le groupe terroriste parviendra à survivre sous une forme ou une autre et qu’il faudra un certain niveau d’acquiescement de sa part pour mener à bien la reconstruction de Gaza, a expliqué un diplomate au Times of Israel.
Ce front uni affiché par les partenaires arabes d’Israël – et par ses potentiels futurs alliés – entre en contradiction avec les projets du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui s’attend à ce que la guerre continue encore pendant de nombreux mois, jusqu’à « une victoire totale ». D’un autre côté, le groupement de pays arabes, avec à leur tête l’Arabie saoudite, présente aujourd’hui à l’État juif un cadre de partenariat qui pourrait être utilisé pour combattre plus efficacement l’Iran – ce que Netanyahu recherche depuis longtemps.
La vision que les pays arabes ont voulu promouvoir pendant leur réunion de jeudi est aussi défendue depuis des mois par l’administration Biden. Blinken l’a encore une fois évoquée lors de sa visite à Tel Aviv, mercredi dernier.
« Il revient aux Israéliens de décider ce qu’ils veulent faire… Tout ce que nous pouvons faire de notre côté, c’est montrer quelles sont les différentes possibilités… L’alternative, aujourd’hui, ressemble à un cycle interminable de violences, de destruction et de désespoir. Nous savons quelle est la meilleure voie à suivre, mais je ne minimise en rien les décisions très difficiles qui devront être prises par toutes les parties concernées si elles empruntent ce chemin », a-t-il dit.
Par ailleurs, ces derniers jours, les Émirats arabes unis se sont joints à plusieurs États arabes du Golfe pour mettre en garde Israël contre le lancement d’une offensive à Rafah, dans la bande de Gaza, où quelque 1,4 million de personnes ont trouvé refuge.
Les Émirats « sont extrêmement inquiets à ce stade », a confié Lana Zaki Nusseibeh, après une opération israélienne tôt lundi à Rafah dans laquelle deux otages ont été libérés et une centaine de Palestiniens tués selon le Hamas.
« Toute opération militaire à Rafah aurait des conséquences inacceptables », a ajouté la diplomate.
L’AFP a contribué à cet article.