Les allégations d’antisémitisme confirmées par le groupe de travail de Columbia
Le rapport reconnaît que les Juifs sur le campus ont fait l'objet "d'épithètes racistes et de tropes antisémites", mais se focalise sur l'application des règles de manifestations

NEW YORK – Un rapport préliminaire publié lundi par le groupe de travail sur l’antisémitisme de l’université de Columbia a confirmé les allégations d’étudiants juifs qui dénonçaient un environnement antisémite et hostile, et s’est concentré sur la définition de nouvelles propositions de réglementation relatives aux manifestations sur les campus.
Le groupe de travail a été créé en novembre 2023 par Minouche Shafik, présidente de l’université de Columbia, Laura Rosenbury, présidente du Barnard College, et Thomas Bailey, président du Teachers College, « pour s’assurer que nos campus soient des lieux sûrs, accueillants et inclusifs pour les étudiants, les enseignants et le personnel juifs, ainsi que pour tous les autres ».
Les membres du groupe de travail comprennent l’auteur principal du rapport, le professeur de la faculté de droit David M. Schizer, ainsi que le professeur de la faculté de commerce R. Glenn Hubbard, Magda Schaler-Haynes de la Mailman School of Public Health, le professeur de droit Matthew C. Waxman et Gil Zussman de l’école d’ingénierie et de sciences appliquées de la Fondation Fu. D’autres contributions ont été apportées par dix membres du personnel des collèges de Columbia.
Lors de ses recherches sur le climat d’antisémitisme sur le campus, « le groupe de travail a été informé de l’isolement et de la détresse vécus par de nombreux Juifs et Israéliens affiliés à Columbia au cours des derniers mois », indique le rapport. « Alors qu’ils pleuraient les atrocités innommables commises par le Hamas le 7 octobre, certains Juifs et Israéliens affiliés à Columbia ont été victimes d’épithètes et de graffitis racistes, de tropes antisémites et de questions provocantes et déplacées, tandis que d’autres se sont sentis de plus en plus mal à l’aise au sein de certains groupes d’étudiants qui n’ont rien à voir avec la politique. »
Le rapport fait état de « violations répétées des règles régissant les manifestations » et indique que les manifestants « ont perturbé les cours et les événements, occupé des espaces dans les bâtiments universitaires, organisé des manifestations non autorisées et utilisé un langage grossier pour réprimander les personnes qui filmaient ces manifestations ou qui passaient simplement par là ». Des agressions physiques contre des étudiants ont également été signalées.
L’introduction du rapport précise que « les Juifs et les Israéliens ne sont pas les seuls à être pris pour cible en ces temps difficiles. Le chagrin, la peur et la perte sont des expériences largement partagées, tant sur le campus qu’en dehors. Bien que notre rapport se concentre sur l’antisémitisme, nos recommandations peuvent également soutenir les efforts de lutte contre l’islamophobie, le racisme anti-arabe et d’autres types de sectarisme ».
Notant que Columbia « doit réglementer le calendrier et l’emplacement des manifestations », le rapport soutient l’approche du « Speaker’s corner » autorisant les manifestations dans des zones désignées à l’extérieur, mais pas dans les bâtiments universitaires, les bibliothèques, les réfectoires ou les dortoirs.
« Chaque affilié de Columbia devrait avoir le droit de manifester dans ces zones désignées, quelle que soit sa cause ou son point de vue », indique le rapport, qui recommande des limites plus claires en matière d’amplification du bruit, de banderoles et d’espacement entre les manifestations concurrentes.

Le rapport souligne par ailleurs la nécessité de sanctionner les violations commises lors des manifestations « en temps réel » et que Columbia « devrait faire davantage pour mettre fin aux manifestations non autorisées au moment où elles se produisent, en utilisant des approches qui sont efficaces mais pas conflictuelles ». Les manifestants devraient être informés qu’ils enfreignent les règles et être priés de partir dans un délai précis. Ceux qui restent devraient être obligés de présenter une pièce d’identité, puis recevoir un avertissement et faire l’objet de mesures disciplinaires.
Le rapport note que Columbia doit être plus efficace dans ses enquêtes et ses décisions concernant d’éventuelles violations des politiques de manifestation, en plus d’explorer, d’un point de vue juridique, les classes de personnes protégées et ce qui constitue un discours haineux ou incendiaire. Contrairement à la plupart des autres universités, Columbia utilise une procédure distincte, coordonnée par son Sénat universitaire, lorsque des personnes sont accusées d’avoir enfreint les règles régissant les manifestations. Cette procédure, non testée de façon large, n’a pas été utilisée une seule fois au cours du semestre d’automne 2023.
« Ces dernières années, il est devenu de plus en plus courant à Columbia de s’en remettre aux opinions d’une classe protégée », peut-on lire dans le rapport. « Mais lorsque certains affiliés israéliens et juifs de Columbia se sont plaints de phrases ou de commentaires au cours des derniers mois, la réponse a été différente, défendant les intentions et les droits à la liberté d’expression des orateurs. Bien qu’il y ait des raisons importantes d’apprécier le point de vue de l’orateur et du public, l’université doit faire preuve de cohérence dans son approche. »
Bien que le président de Columbia n’ait pas été appelé à témoigner devant le Congrès lors de l’audience de la commission de l’Education et des ressources humaines de la Chambre des représentants sur l’antisémitisme dans les universités le 5 décembre, le rapport mentionne des questions de l’audience qui ont conduit au départ de deux autres présidents de l’Ivy League.
Interrogées sur la question de savoir si les appels au génocide des Juifs étaient contraires à la politique institutionnelle, Liz Magill, alors présidente de l’université de Pennsylvanie, et Claudine Gay, présidente de Harvard, n’ont pas pu donner une réponse sans équivoque à la question de savoir si de tels discours de haine étaient contraires aux règlements de l’université.

« Les appels au génocide contre la communauté juive ou tout autre groupe sont odieux, incompatibles avec nos valeurs et contraires à nos règles. L’incitation à la violence contre les membres de notre communauté ne sera pas tolérée », indique le rapport.
Il poursuit en ces termes : « Bien que nous soyons tous d’accord avec ce principe, il convient d’en clarifier l’application. De toute évidence, les appels à « gazer les juifs » ou « Hitler avait raison » sont des appels au génocide, or, fort heureusement, personne à Columbia n’a scandé ces paroles (bien qu’elles aient apparemment été scandées dans une autre université). En fait, de nombreux messages scandés lors des récentes manifestations à Columbia sont perçus de manière différente par les membres des diverses communautés de Columbia : certains sont convaincus qu’il s’agit d’appels au génocide, tandis que d’autres sont convaincus que ce n’est pas le cas. »
Le rapport ne fait pas référence à la définition de l’antisémitisme adoptée par la International Holocaust Remembrance Alliance, pas plus qu’il ne donne d’indications sur la question de savoir si les appels à « mondialiser l’intifada » ou « du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » sont autorisés sur le campus. De nombreux Juifs considèrent l’expression « Du fleuve à la mer » comme un appel à l’éradication du peuple israélien à l’intérieur de ses frontières souveraines.
« De nombreux chants scandés lors des récentes manifestations à Columbia sont perçus différemment par les différents membres de la communauté de Columbia : certains sont convaincus qu’il s’agit d’appels au génocide, tandis que d’autres sont convaincus que ce n’est pas le cas », peut-on lire dans le rapport.
Shai Davidai, professeur assistant à la Columbia Business School et défenseur déclaré des étudiants juifs de Columbia, dont la vidéo dénonçant l’antisémitisme à l’école est devenue virale sur Internet, a expliqué au Times of Israel que, bien qu’il ait la plus haute estime pour les membres du groupe de travail, le premier rapport de ce dernier n’a pas atteint son but.

« C’est un rapport très bien conçu, et ils y ont beaucoup investi, mais il n’a rien à voir avec l’antisémitisme », a affirmé Davidai.
Il a compté le nombre de mots dans le rapport et, sur un peu moins de 9 000 mots, les termes « jew » ou « jewish » n’apparaissent que 14 fois.
Davidai a également expliqué qu’alors que le rapport se penche sur les changements potentiels de politique, Columbia semble avoir des difficultés à faire respecter ses politiques existantes.
« Depuis la mi-novembre, deux organisations estudiantines qui ont été suspendues, ont continué à organiser ces manifestations non autorisées« , a indiqué Davidai, faisant référence aux sections de Columbia des groupes anti-Israël Students for Justice in Palestine (Étudiants pour la justice en Palestine) et Jewish Voice for Peace (Voix juive pour la paix). « Les manifestations sont le théâtre d’une grande partie de l’antisémitisme, mais [ce rapport] s’attaque au symptôme et non à la cause première. »
« Depuis décembre de l’année dernière, l’université a noté que l’appel au génocide des Juifs ou de tout autre groupe est contraire au code de conduite de l’école. Nous n’avons pas besoin de 29 pages avec des notes de bas de page pour nous le dire », a-t-il ajouté.
Tout en reconnaissant que les membres du groupe de travail ont travaillé d’arrache-pied, Davidai a indiqué que le groupe était « tout en tâche et pas en force ».
« Je suis très frustré et cela me déprime », a-t-il déclaré. « Comment suis-je censé répondre aux étudiants juifs qui, chaque semaine, me contactent pour me faire part de leurs problèmes et de ce qui se passe, et leur dire que ce groupe de travail travaille d’arrache-pied à l’élaboration d’une politique sur les manifestations ? »
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