Alors que les groupes anti-Israël suspendus manifestent librement, d’anciens élèves juifs désespèrent
Quand SJP & JVP ont été interdits du campus, les étudiants israéliens s'étaient réjouis. Aujourd'hui, ils ne constatent que peu de sanctions contre les dérapages
NEW YORK — L’Association des anciens élèves juifs de Columbia (CJAA) perd patience face à la présidente de l’université, Manouche Shafik.
Fondée au lendemain du massacre du 7 octobre pour faire assumer à l’université ses responsabilités face à l’escalade de l’antisémitisme sur le campus et pour aider les étudiants juifs, la CJAA avait d’abord espéré que le début du semestre de printemps ferait la différence. Mais après une manifestation qui a été organisée par deux organisations étudiantes par ailleurs suspendues — Students for Justice in Palestine (SJP) et Jewish Voice for Peace (JVP) — et qui était intitulée « Touche pas à Gaza et au Yémen », le 19 janvier, et alors qu’aucune mesure disciplinaire n’est venue sanctionner ce rassemblement, l’optimisme s’est évaporé.
« La question est de savoir combien de temps encore nous accorderons [à Shafik] le bénéfice du doute avant de dire clairement qu’elle fait partie intégrante du problème », explique Ari Shrage, membre du Bureau de l’Association des anciens élèves juifs de Columbia (CJAA).
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L’antisémitisme n’a fait que se renforcer dans tous les États-Unis depuis le massacre commis par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre – un assaut qui avait fait près de 1 200 morts, des civils en majorité. 253 personnes ont été kidnappées et prises en otage dans la bande de Gaza – le plus jeune a un an.
Frustrée, attristée, l’association, qui compte aujourd’hui plus d’un millier de membres, implore dorénavant les anciens élèves et donateurs influents – comme le milliardaire Leon Cooperman, qui a annoncé au mois d’octobre qu’il ne donnerait plus d’argent à son ancienne école – de prendre la parole et d’intervenir.
Elle rassemble et partage également des informations, tentant de convaincre l’université de passer à l’action. Elle collecte les vidéos filmées lors des manifestations qui n’ont pas été approuvées par l’université ou elle fait des captures d’écrans des posts publiés sur les réseaux sociaux qui contiennent des discours de haine ou qui font la promotion d’activités interdites par les groupes qui ont été suspendus.
« Nous nous consacrons à 100 % à ce qui arrive sur le campus. Les étudiants nous ont dit qu’ils ne savaient pas qu’il y avait des gens qui travaillaient dur pour leur venir en aide. Or, c’est le cas. Ils doivent savoir qu’il y a de nombreuses personnes qui œuvrent sans relâche pour les soutenir. Nous faisons tout pour régler les problèmes », déclare Shrage.
Ces « problèmes, » ce sont les nombreux séminaires, les posts antisémites publiés sur les réseaux sociaux et les manifestations – des manifestations qui ont notamment, au cours de ces deux dernières semaines, été l’occasion pour des étudiants portant le keffieh de scander « la révolution par l’Intifada, » défonçant les barrières et criant « Yémen, Yémen, rend-nous fiers, détourne encore un bateau ». Un slogan en soutien aux Houthis yéménites, soutenus par l’Iran, un groupe terroriste désigné qui s’en prend aux navires commerciaux dans le Golfe d’Aden depuis le début de la guerre à Gaza.
Selon l’université, plusieurs manifestants anti-israéliens ont déclaré qu’ils avaient dû être pris en charge par les équipes de secours après avoir été aspergés d’une substance nauséabonde pendant le mouvement de protestation du 19 janvier. Le département de la police de New York enquête dorénavant « sur ce qui semble avoir été un crime grave, peut-être un crime de haine », selon un communiqué qui a été émis par Columbia, le 22 janvier.
Un communiqué qui est un autre exemple du deux poids, deux mesures qui paraît être la règle sur le campus depuis le mois d’octobre, dit Shrage.
« Rien n’excuse [le fait] d’asperger un étudiant avec une substance, quelle qu’elle soit. Toutefois, ce qui est profondément perturbant et hypocrite, c’est que l’université ne s’inquiète que des étudiants qui ont fait les frais de cet incident mais qu’elle ne s’inquiète nullement d’un groupe d’étudiants qui appellent au meurtre de tous les Israéliens, qui rendent hommage à une organisation terroriste et qui déclarent que la police, c’est le Ku Klux Klan. Bien sûr, c’est assez paradoxal de voir que les mêmes étudiants qui disaient que la police de New York, c’était le KKK, ont appelé à l’aide le même KKK quelques heures plus tard », dit-il.
Le 19 janvier également, le Barnard College a invité le fondateur du groupe SJP, Hatem Bazian, à s’exprimer au cours « d’une journée de dialogue et de réflexion ». L’établissement d’enseignement supérieur, qui est affilié à l’université de Columbia, a annulé tous ses cours de manière à ce que ses élèves puissent prendre part « à cet événement historique ». Bazian, qui a également créé le mouvement American Muslims for Palestine, a accusé Israël, dans le passé, de prélever les organes des Palestiniens.
« Les manifestations de vendredi dernier n’ont entraîné aucune sanction. Nous demandons aux membres de la communauté de se soumettre aux politiques et aux procédures qui sont mises en place en lien avec la tenue d’événements de manière à garantir que dans la mesure de nos capacités, nous pourrons déployer les ressources nécessaires pour assurer la sécurité de tous les membres de notre communauté », a déclaré un porte-parole de l’université.
Columbia n’a pas indiqué si les dirigeants de SJP ou de JVP écoperaient de sanctions disciplinaires pour avoir contrevenu, de manière répétée, aux politiques mises en place par l’université.
Il est toutefois difficile d’empêcher les groupes suspendus et qui ignorent délibérément les règles de l’université d’utiliser les espaces réservés aux organisations étudiantes autorisées, selon un porte-parole de Columbia.
Par exemple, le 24 janvier, les groupes SJP et JVP, en lien avec l’organisation Columbia University Apartheid Divest, ont quitté les cours dans le cadre « d’un mouvement de protestation d’urgence », déplaçant les étudiants qui avaient réservé l’endroit où se trouve un cadran solaire pour promouvoir un mode de vie vegan.
Le même jour, l’université a fermé toutes les portes du campus, à l’exception de l’une d’entre elles, à tous ceux qui n’étaient pas en possession d’une carte d’université de Columbia, évoquant une mesure de sécurité.
A la fin du semestre d’automne, l’association faisait preuve d’un optimisme prudent s’agissant de la lutte, de la part de l’administration de l’université, contre l’antisémitisme qui avait imprégné le campus de Morningside.
Après tout, l’administration avait suspendu les groupes SJP et JVP au mois de novembre parce qu’ils avaient violé la politique du campus, explique Shrage. Plus d’un milliers d’anciens étudiants juifs avaient signé un courrier où ils remerciaient Columbia pour avoir pris cette initiative. A ce moment-là, la CJAA avait aussi demandé un rendez-vous à Shafik pour évoquer ses inquiétudes et les moyens susceptibles d’être utilisés pour s’attaquer à la haine anti-juive sur le campus.
Jusqu’à présent, Shafik n’a pas donné suite à leur demande.
Malgré cette froideur, l’association reste concentrée sur la nécessité de garder la situation sous le feu des projecteurs.
« J’ai une grande affection pour Columbia mais je veux que les choses changent. J’ai deux fils qui sont actuellement au lycée et qui réfléchissent actuellement à leurs études supérieures et quand j’ai constaté ce qui arrivait sur les campus de tout le pays et à Columbia, j’ai trouvé ça réellement douloureux », explique Benjamin Atkins, membre de la CJAA.
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