Les anti-refonte « ne se feront pas avoir » par un éventuel accord de paix avec Ryad
Plus de 100 000 manifestants se sont rassemblés pour la 38e semaine à Tel Aviv ; Shikma Bressler a, entre autres, reproché à des membres de la coalition d'avoir soutenu Ben-Uliel
Des centaines de milliers de personnes ont participé samedi, pour la 38e semaine consécutive, à des rassemblements nationaux contre la refonte du système judiciaire largement controversée de la coalition, après une semaine au cours de laquelle les manifestants ont suivi le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans tous ses déplacements lors de sa visite de six jours aux États-Unis.
Les manifestants ont souligné les développements de ces derniers jours, notamment les espoirs accrus d’un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite, les remarques controversées de Netanyahu à l’encontre des manifestants et le refus persistant du Premier ministre de s’engager à respecter un éventuel arrêt de la Haute Cour contre la législation relative à la refonte judiciaire.
Yom Kippour devant commencer dimanche après-midi, les manifestants ont fait écho au thème du jour de l’expiation et ont défilé sous la bannière « Pas de pardon pour la tentative de transformer Israël en dictature ».
Environ 100 000 personnes ont participé au principal rassemblement à Tel Aviv, selon la Treizième chaîne, qui cite des données de la société Crowd Solutions. Après le rassemblement de la rue Kaplan, certains manifestants ont marché jusqu’au domicile du président de la Knesset, Amir Ohana (Likud), comme ils le font depuis plusieurs semaines.
Des manifestations plus restreintes ont eu lieu dans des dizaines d’endroits du pays, notamment à Jérusalem, Haïfa, Rehovot, Eilat, Karkur, le long de la frontière avec Gaza et ailleurs. Le principal rassemblement à Beer Sheva a été annulé en raison de l’imminence du jour de jeûne.
Dans un communiqué, les dirigeants de la manifestation ont déclaré que « les menaces contre les juges de la Haute Cour et l’intention de désobéir à leurs décisions ne seront pas tolérées par le peuple d’Israël ».
קפלן ברגעים אלו ממש
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— דמוקרטTV (@Democrat_TV) September 23, 2023
« L’incitation à la haine [de Netanyahu et de ses partenaires de coalition] contre les Juifs américains, les juges de la Haute Cour de justice et les manifestants nous détruit de l’extérieur et de l’intérieur », peut-on lire dans la déclaration.
En début de semaine, alors qu’il partait pour les États-Unis, Netanyahu a accusé les manifestants anti-refonte de « s’allier à l’OLP [Organisation de libération de la Palestine] et à l’Iran » dans leurs activités contre lui à l’étranger. Dans une déclaration ultérieure, le Bureau du Premier ministre a indiqué que Netanyahu faisait référence au fait que ce qu’il a appelé les « manifestations contre Israël » se tiendraient en même temps que les protestations des activistes pro-OLP et pro-BDS (mouvement anti-Israël Boycott, désinvestissement et sanctions).
« Nous ne nous laisserons pas embobiner », a déclaré Shikma Bressler aux manifestants à Tel Aviv, indiquant que le mouvement de protestation ne se laisserait pas amadoué par la volonté du Premier ministre d’établir des relations avec l’Arabie saoudite.
« Nous comprenons parfaitement que, tout comme les Accords d’Abraham [avec d’autres pays arabes] n’ont pas empêché le coup d’État du régime, un accord avec l’Arabie saoudite n’arrêtera pas non plus ceux qui veulent une dictature messianique », a-t-elle déclaré.
Bressler, une des chefs de fil du mouvement de protestation anti-refonte a également critiqué le soutien apporté par certains membres de la coalition à Amiram Ben-Uliel qui a été condamné à trois peines de prison à vie plus 20 ans pour l’attentat meurtrier à la bombe incendiaire dans le village de Duma, en Cisjordanie, au cours duquel Riham et Saad Dawabsha ont été tués avec leur fils de 18 mois, Ali Saad. Seul le fils aîné du couple, Ahmed, a survécu à l’attaque terroriste, avec de terribles brûlures ; il avait 5 ans à l’époque.
« Il n’y a pas de pardon pour ceux qui brûlent des bébés dans leur sommeil, il n’y a pas de pardon pour ceux qui soutiennent ceux qui brûlent des bébés, il n’y a pas de pardon pour ceux qui prônent l’anéantissement des villages, et il n’y a pas de compromis avec ceux qui ont fait s’abattre tout cela sur le peuple israélien », a-t-elle déclaré.
Plus d’un million de shekels ont été collectés lors d’une campagne de collecte de fonds visant à libérer Ben-Uliel de prison, dans le cadre d’un plaidoyer de plus en plus virulent de la part de personnalités de la coalition d’extrême-droite en sa faveur – Ben Uliel purge trois peines de prison à perpétuité plus 20 ans pour l’attentat de 2018.
Les partisans de Ben-Uliel se sont opposés au verdict principalement parce que ses aveux ont été obtenus en utilisant ce que l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet appelle des « mesures spéciales » – décriées comme de la torture par l’agence elle-même ainsi que par les groupes de défense des droits. Il serait l’un des premiers Juifs israéliens à avoir été soumis à un tel interrogatoire par le Shin Bet, bien que les mêmes tactiques soient depuis longtemps utilisées contre les Palestiniens.
Les enquêteurs ont déclaré qu’après ses aveux, Ben Uliel leur avait fourni des détails sur le crime que seul le coupable pouvait connaître.
À l’approche du 50e anniversaire de la guerre de Yom Kippour, des représentants de familles ayant perdu des êtres chers au cours de cette guerre ont pris la parole lors du rassemblement de Tel Aviv.
« S’il vous plaît, écoutez-nous là-haut, s’il vous plaît, écoutez le cri des foules ici-bas », a déclaré Uzi Zavner, le frère d’un soldat tombé au combat, dans un message adressé à ceux qui sont morts. « Un véritable cri, venu de tout le pays et du monde entier, pour la protection du pays et de ses valeurs, telles que vous avez eu le privilège de les connaître au cours de votre courte vie. »
« Mes frères, héros de la gloire qui êtes aux cieux, nous promettons et jurons de préserver le pays et ses valeurs, tout comme vous l’avez défendu à l’époque, pour votre bien et celui des générations futures », a déclaré Zavner.
Ruth Barzilaï, sœur endeuillée d’un soldat tombé pendant la guerre de Kippour, a déclaré au rassemblement qu’elle et ses parents pensaient que sa mort « n’avait pas été vaine » parce que « l’État d’Israël s’est développé et a prospéré, et que la société israélienne aux multiples facettes s’est mise d’accord sur les valeurs fondamentales telles qu’elles sont écrites dans la Déclaration d’Indépendance ».
« Cinquante ans plus tard, cette conviction a été ébranlée. Cette conviction a été ébranlée par l’attaque violente [de la coalition] contre les valeurs les plus fondamentales sur lesquelles le pays a été créé : la démocratie, le libéralisme, l’égalité et la solidarité sociale. »
חיפה ????
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— Tikva – תקווה (@YallaTikva) September 23, 2023
Les anciens combattants ont également joué un rôle de premier plan dans les manifestations contre la refonte judiciaire depuis que le ministre de la Justice, Yariv Levin (Likud), a présenté son plan en janvier.
L’ancien général de Tsahal Amiram Levin, qui a été gravement blessé pendant la guerre, a déclaré aux manifestants à Haïfa : « Celui qui agit pour détruire la Cour ne veut que consolider son pouvoir dictatorial et ne veut pas vraiment la paix », en référence aux efforts déployés par Netanyahu pour conclure un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite.
« Celui qui donne les clés du pays à un groupe d’affreux ministres n’aspire pas à la paix », a-t-il déclaré.
« Même Netanyahu sait que s’il conclut des accords avec chaque pays arabe d’une manière qui ne portera pas atteinte à notre démocratie, ce ne sera pas nous, le mouvement de protestation, qui y ferons obstacle », a-t-il ajouté.
« L’obstacle est en son sein, avec les extrémistes [Itamar] Ben Gvir et [Bezalel] Smotrich », a-t-il ajouté, faisant référence aux ministres d’extrême-droite qui s’opposent à toute concession à l’Autorité palestinienne (AP) afin de parvenir à un éventuel accord avec Ryad.
Les manifestations ont eu lieu alors que la Haute Cour délibère sur des recours déposés contre la loi du « caractère raisonnable », bien qu’elle ne devrait pas se prononcer avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Au début du mois, un panel de 15 juges a présidé une session très chargée en réponse aux recours déposés contre la loi, promulguée en juillet, qui limite le contrôle judiciaire des décisions du gouvernement en utilisant le critère juridique du « caractère raisonnable ».
Cette loi est le seul élément majeur du vaste programme de refonte judiciaire de la coalition qui a été adopté par la Knesset jusqu’à présent, bien que la législation qui donne à la coalition un contrôle quasi-total de la commission de sélection des juges, et donc de leur nomination, ait été adoptée en première lecture en mars et puisse être adoptée à tout moment, dans un délai très court.
Comme d’autres parties du programme de refonte radicale, la loi du « caractère raisonnable » s’est heurtée à l’opposition massive des groupes de protestation et des partis d’opposition.
Une décision de justice invalidant une Loi fondamentale serait sans précédent. Si la coalition ne se conformait pas à une telle décision, cela pourrait provoquer une crise constitutionnelle.
Lors d’interviews accordées vendredi à Fox News et à CNN, Netanyahu a une nouvelle fois refusé de dire si son gouvernement se conformerait à une éventuelle décision de la Cour en la matière.
Netanyahu a accordé ces entretiens aux chaînes américaines à la fin d’un voyage d’une semaine aux États-Unis, qui a donné lieu à des manifestations sans précédent, car il a été suivi par des manifestants partout où il s’est rendu, de la Californie à New York.
Le Premier ministre s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations unies vendredi, se concentrant sur un accord potentiel de normalisation avec l’Arabie saoudite et sur l’intelligence artificielle (IA), sans mentionner le programme législatif de son gouvernement visant à affaiblir radicalement le système judiciaire.
Alors que Netanyahu s’exprimait, des milliers de manifestants opposés à la refonte se sont rassemblés à l’extérieur.
Quelques jours plus tôt, Netanyahu avait tenu une réunion très attendue avec le président américain Joe Biden, qui avait répété « son inquiétude quant à tout changement fondamental du système démocratique israélien, en l’absence du consensus le plus large possible », selon la Maison Blanche.
Netanyahu a également été interpellé sur son paquet de réformes radicales largement controversé lors d’une réunion vendredi avec les dirigeants de la communauté juive américaine.