La campagne pour la libération d’Amiram Ben Uliel collecte 1,2 million de shekels
Plus de 6 000 personnes ont fait des dons en faveur du tueur israélien d'une famille palestinienne, dont des rabbins de droite de premier plan et le chef du groupe extrémiste Lehava

Une campagne de collecte de fonds en faveur de la libération d’un extrémiste juif reconnu coupable d’avoir tué trois membres d’une famille palestinienne lors d’un incendie criminel dont un bébé de 18 mois, en 2015, a levé plus de 1,2 million de shekels et les dons continuent à arriver.
Amiram Ben Uliel avait été reconnu coupable en 2020 de trois chefs d’accusation de meurtre, de trois chefs d’accusation de tentative de meurtre, d’incendie criminel et de conspiration en vue de commettre un crime raciste dans le cadre d’un « acte terroriste ».
Il purge actuellement trois peines de prison à perpétuité plus 20 ans pour l’attentat meurtrier à la bombe commis dans le village de Duma, en Cisjordanie – une attaque qui avait ôté la vie à Riham et Saad Dawabsha, ainsi qu’à leur fils de 18 mois, Ali Saad. Seul le deuxième fils du couple, Ahmed, alors âgé de 5 ans, avait survécu à l’attentat, avec de graves brûlures sur tout le corps.
Cette campagne en faveur de la libération de l’extrémiste juif, intitulée « Amiram mérite lui aussi qu’on lui rende justice », a fait les gros titres en début de semaine quand la députée du parti Otzma Yehudit d’extrême-droite, Limor Son Har-Melech, a pris la parole lors d’un événement de collecte de fonds en faveur de Ben Uliel, insistant sur le fait que ce dernier était innocent et qu’il était « un tzaddik » [un homme vertueux].
Dans la matinée de jeudi, la collecte de fonds en ligne atteignait un montant de 1 203 307 shekels. 6 020 donateurs y ont participé.
Galit Mesika a donné 1 800 shekels à cette campagne – dont l’objectif est de rassembler 1,6 million de shekels et qui s’achèvera jeudi soir.
« On l’a piégé. Il doit être remis en liberté », a-t-elle confié au Times of Israel. « Je suis entièrement persuadée qu’il est un bouc-émissaire. »
« Je pense qu’ils veulent qu’ils continuent à se taire », a-t-elle ajouté, évoquant le confinement en solitaire du détenu.

Mesika a mentionné une vidéo où l’un des activistes ayant lancé cette campagne affirme avoir rencontré un résident de Duma, qui lui aurait confié que Ben Uliel était innocent et que l’incendie criminel avait été déclenché par un habitant de la ville dans un contexte de querelle de voisinage.
Elle a dit espérer que Ben-Uliel serait libéré à l’issue d’un procès qui établirait son innocence.
Parmi les donateurs de cette collecte de fonds, il y aurait l’ancien député Moshe Feiglin; le chef du groupe ultra-nationaliste et homophobe Lehava, Bentzi Gopstein; le chanteur de droite Ariel Zilber; et des rabbins d’extrême-droite, Dov Lior, Elyakim Levanon et Yehuda Shapira.
La Douzième chaîne a précisé que le bureau de Bezalel Smotrich, le ministre des Finances, avait démenti des rumeurs circulant sur les réseaux sociaux qui auraient laissé entendre que lui-même avait versé de l’argent pour soutenir cette campagne.
Dans ses propos, diffusés dans une vidéo postée jeudi sur les réseaux sociaux, Son Har-Melech avait indiqué que « je ne soutiens pas un meurtrier. Je soutiens Amiram parce que je crois qu’il est innocent. Je n’aurais pas soutenu un meurtrier. »
Elle avait ensuite raconté une visite rendue à Ben Uliel en prison, disant qu’elle avait alors rencontré « un homme juste, un vrai tzaddik », en utilisant le terme en hébreu pour « homme vertueux ». Elle avait protesté contre la détention de Ben Uliel, confiné seul dans sa cellule depuis le début de son emprisonnement en affirmant que ces conditions étaient « sans précédent ».

Des paroles qui avaient été dénoncées par un certain nombre de députés de l’opposition et même par le législateur Almog Cohen, élu également sous l’étiquette d’Otzma Yehudit.
« La dernière chose que je ferais, ce serait bien de dire que c’est un tzaddik », a dit Cohen au site d’information Ynet dans la journée de mercredi, tout en notant que « j’ai entendu dire que ses aveux avaient été obtenus sous la torture. C’est quelque chose qui doit faire l’objet d’une enquête ».
Les partisans de Ben Uliel se concentrent très largement sur le fait que sa confession avait été obtenue par le biais de ce que le Shin Bet appelle « des mesures spéciales » – qui, selon les groupes de défense des droits de l’Homme, s’apparentent à des actes de torture.
Le ministre de l’Intérieur Moshe Arbel, du Shas, avait dit « profondément regretter » les propos tenus par Son Har-Melech.
« La nécessité de prendre en compte les droits des détenus interrogés et des accusés ne signifie pas qu’il faut faire de ces derniers des hommes vertueux ou des saints », a-t-il expliqué dans un communiqué. « Dans un État juif, chaque enfant apprend, dès sa prime enfance, les Dix commandements et notamment le Sixième commandement, ‘Tu ne tueras point’, qui interdit totalement de prendre la vie d’autrui ».

La chaîne publique Kan a annoncé qu’Ayala Ben-Gvir, l’épouse du ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite Itamar Ben Gvir, avait dit que son mari faisait en sorte d’améliorer les conditions d’incarcération de Ben Uliel.
Selon le reportage, Ayala Ben Gvir a posté un message dans un groupe WhatsApp, « Libérer Amiram », affirmant que le ministre s’assurait que Ben Uliel bénéficierait de conditions de détention « un peu plus sensées », avec notamment un accès au téléphone et à des livres. Elle a ajouté que l’homme passerait la fête de Pessah, en 2024, avec les autres prisonniers religieux et qu’il ne resterait pas en confinement solitaire à cette occasion.
La semaine dernière, Har-Melech a fait partie des 14 députés de la coalition – plus de la moitié d’entre eux appartenant au parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Likud – qui ont demandé au chef du Shin Bet, Ronen Bar, d’assouplir les conditions d’incarcération de Ben-Uliel, affirmant qu’il était détenu « dans les conditions d’incarcération les plus difficiles de tout l’État d’Israël ».
Les responsables des prisons ont approuvé le transfert du prisonnier « dans l’aile de la Torah » pour Rosh HaShana, le week-end dernier, avant de lui faire rejoindre sa cellule.
L’ancien chef de cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé mercredi que la campagne en cours fait partie de la « campagne du gouvernement pour écraser le système judiciaire ». « La logique destructrice est claire : il est tzaddik, les juges sont corrompus et il est donc interdit de respecter les décisions de justice », a écrit sur X – anciennement Twitter – Yoav Horowitz. « Le matin, nous blanchirons et justifierons les atrocités, et le soir, nous affirmerons en anglais que nous sommes moraux et que nous défendons les droits de l’Homme », a-t-il ajouté.