Texte intégral de l’entretien public entre Joe Biden et Benjamin Netanyahu
Il s'agit de la première entrevue entre le président américain et le Premier ministre israélien en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York
Le président américain a commencé mercredi par rappeler sa longue relation de travail avec Netanyahu. Puis, se référant à des cartes qu’il avait en main, il a déclaré :
« Il y a 75 ans, le premier Premier ministre israélien, David Ben Gurion, après avoir déclaré l’indépendance, a utilisé une phrase que j’ai souvent citée. Il a dit que le monde se tenait aux côtés d’Israël pour que le rêve de générations se réalise. Israël et les États-Unis travaillent ensemble depuis longtemps pour faire de ce rêve une réalité.
Vous m’avez souvent entendu dire que s’il n’y avait pas d’Israël, nous devrions en inventer un.
Il s’agit notamment de construire un Moyen-Orient plus stable et plus prospère – ce qui, avec le temps, commence à se produire, et grâce à des initiatives historiques lancées sous les administrations précédentes, notamment, tout récemment, le couloir économique Inde, Moyen-Orient, Europe qui, selon moi, est extrêmement prometteur après la réunion du G20 en Inde, et qui reliera l’Inde et l’Europe en passant par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Israël.
Je pense qu’il s’agit d’une affaire d’une grande importance et nous travaillons ensemble sur beaucoup d’autres projets.
Aujourd’hui, nous allons discuter de certaines questions difficiles. Il s’agit de défendre les valeurs démocratiques qui sont au cœur de notre partenariat, notamment l’équilibre des pouvoirs dans nos systèmes, de préserver la voie vers une solution négociée à deux États et de veiller à ce que l’Iran ne se dote jamais, au grand jamais, d’une arme nucléaire.
Car même si nous avons des divergences d’opinion, mon engagement envers Israël, comme vous le savez, est inébranlable.
Je pense que sans Israël, aucun Juif dans le monde n’est en sécurité.
Je pense qu’Israël est essentiel.
J’ai hâte de discuter de tout cela avec vous et de travailler avec votre équipe pour réaliser, comme l’a dit Ben Gurion, le rêve de plusieurs générations.
Je souffre – oxymore – d’un optimisme irlandais. Si le ‘vous et moi’ d’il y a dix ans parlions de normalisation avec l’Arabie saoudite, je pense que nous nous regarderions en nous demandant qui a bu quoi ? »
« Un bon whisky irlandais », lui a répondu Netanyahu.
« Un bon whisky irlandais. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais bu un verre », a souligné Biden.
« Alors, bienvenue Bibi, et j’espère que nous pourrons régler certaines choses aujourd’hui. »
« Merci, Monsieur le Président, Joe, nous sommes amis depuis plus de 40 ans (…). Notre amitié remonte à loin et peut nous mener loin. Je suis ravi de vous voir.
Je pense que nous vivons une époque de grandes promesses, mais aussi de grands dangers.
Vous venez de parler de cette grande promesse lors de la réunion du G20 à laquelle vous avez participé et que vous avez dirigée. Vous avez parlé d’un couloir économique qui relierait l’Asie, le Moyen-Orient et l’Europe, et ce corridor ferait d’Israël une plaque tournante très importante sur une autoroute d’une prospérité sans précédent.
Mais je pense, et vous pensez, qu’il peut faire quelque chose de beaucoup plus grand que cela. Je pense que sous votre direction, Monsieur le Président, nous pouvons forger une paix historique entre Israël et l’Arabie saoudite, et je pense qu’une telle paix contribuerait grandement, tout d’abord, à mettre fin au conflit israélo-arabe, à réconcilier le monde islamique et l’État juif, et à faire progresser une paix véritable entre Israël et les Palestiniens. C’est quelque chose qui est à notre portée.
Je suis convaincu qu’en travaillant ensemble, nous pouvons écrire l’Histoire et créer un avenir meilleur pour la région et au-delà. En outre, en travaillant ensemble, nous pouvons affronter les forces qui menacent cet avenir, et en particulier l’Iran.
J’apprécie, Monsieur le Président, votre engagement continu à empêcher l’Iran de se doter d’une capacité d’armement nucléaire. Je pense que c’est essentiel. Et notre objectif commun peut être atteint au mieux par une menace militaire crédible, des sanctions paralysantes et un soutien aux hommes et aux femmes courageux d’Iran qui méprisent ce régime et qui sont de véritables partenaires pour un avenir meilleur.
Je me réjouis donc de travailler avec vous et votre équipe pour concrétiser la promesse et faire face à la menace.
Comme vous l’avez dit, nous vivons des temps incertains, des temps qui changent rapidement, et je veux donc réaffirmer ici devant vous, Monsieur le Président, qu’une chose est certaine et immuable : l’engagement d’Israël en faveur de la démocratie. Nous continuerons à défendre les valeurs que nos deux fières démocraties chérissent.
Et je pense qu’en travaillant ensemble, nous réaliserons les promesses, nous ferons reculer les dangers et nous apporterons un avenir meilleur à notre région et au monde. Nous pouvons faire l’Histoire, Monsieur le Président. Grâce à votre leadership, nous pouvons écrire l’Histoire. »
« Ensemble », lui a répondu Biden.
« Ensemble », a acquiescé Netanyahu.
Ils se sont serré la main.
Un journaliste a ensuite demandé à Biden s’il est inquiet pour la démocratie israélienne. Mais, la presse a été priée de quitter la salle.
Un des deux sujets épineux du moment : d’un côté la réforme judiciaire extrêmement contestée portée par le gouvernement israélien, qui a provoqué des manifestations monstres. De l’autre la volonté américaine de poursuivre le processus de normalisation entre Israël et les pays arabes.
Les deux hommes ne se sont pas vus en personne depuis le retour de Netanyahu au pouvoir fin 2022, ce qui est en soi inhabituel, tant la relation entre les deux pays est étroite.
Les relations entre les Etats-Unis et Israël se sont nettement tendues depuis le retour au pouvoir de Netanyahu, à la tête d’un gouvernement que Biden a qualifié de « plus extrême » de l’histoire du pays.
Le président américain a ouvertement critiqué le projet de réforme judiciaire du Premier ministre, qui depuis son annonce début janvier a donné lieu à l’un des plus importants mouvements de contestation qu’ait connu Israël depuis sa création en 1948.
Le gouvernement assure vouloir rééquilibrer les institutions en revoyant les prérogatives du pouvoir judiciaire, mais les opposants dénoncent un projet autoritaire, qui fait sauter des garde-fous à l’action du pouvoir législatif et exécutif.
Il y a quelques jours, plusieurs milliers d’intellectuels et artistes israéliens lui avaient demandé, dans une lettre ouverte dont plusieurs médias se sont fait l’écho, de ne pas rencontrer le Premier ministre israélien.
Mais le démocrate de 80 ans ne peut pas se permettre une crise ouverte avec Israël, lui qui espère faire advenir une normalisation des relations entre le pays et l’Arabie saoudite.
Selon le New York Times, le président américain serait prêt, pour emporter l’assentiment de la monarchie pétrolière, à négocier avec elle un pacte de sécurité particulièrement ambitieux, inspiré de ceux qui lient Washington avec le Japon ou la Corée du Sud.
L’AFP a contribué à cet article.