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Les détails de la « réforme judiciaire » du 6e gouvernement Netanyahu

Yariv Levin a annoncé des propositions radicales qui prévoient de réduire drastiquement l'autorité des juges, estimant que leurs interventions dans les lois nuisent à la démocratie

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le ministre de la Justice Yariv Levin lors d'une conférence de presse à la Knesset, le parlement israélien de Jérusalem, le 4 janvier 2023. (Crédit :  Olivier Fitoussi/Flash90)
Le ministre de la Justice Yariv Levin lors d'une conférence de presse à la Knesset, le parlement israélien de Jérusalem, le 4 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Le ministre de la Justice Yariv Levin a annoncé, mercredi, une refonte large et controversée du système judiciaire et légal qui, si elle va à son terme, induirait les changements les plus drastiques de toute l’Histoire israélienne dans le système de gouvernance du pays.

Ces changements, qui ont été présentés par Levin pendant une conférence de presse à la Knesset, prévoient de limiter de manière importante l’autorité de la Haute cour de Justice, de donner au gouvernement le contrôle de la commission de sélection des juges et ils limiteraient aussi de manière significative l’autorité des conseillers juridiques du gouvernement.

Ainsi, selon les propositions faites par Levin, la Haute-cour sera explicitement empêchée de délibérer et d’émettre des jugements sur les Lois fondamentales israéliennes.

Les Lois fondamentales ont un statut quasi-constitutionnel mais contrairement à une constitution formelle, la plus grande partie d’entre elles peuvent être amendées, voire annulées, par une majorité simple. C’est notamment le cas de la Loi fondamentale : Dignité humaine et libertés, particulièrement déterminante.

Une vue du bâtiment de la Cour suprême depuis le Wohl Rose Park de Jérusalem, au mois d’avril 2021. (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Jamais la Haute-cour n’a abrogé une Loi fondamentale ou procédé à un amendement dans une telle législation, même si elle a pu ordonner, dans le passé, leur réexamen judiciaire dans certaines circonstances.

Levin a indiqué que dans le cadre de ses propositions, la Cour suprême ne pourra renverser un texte adopté à la Knesset que sur la base de son panel total de quinze juges et avec « une majorité spéciale ».

« Il n’y aura plus de rejet des lois de la Knesset par des personnes qui n’ont pas, par ailleurs, l’autorité nécessaire pour le faire », a-t-il ajouté, se référant au fait qu’une législation accordant explicitement à la Haute-cour le droit de réexaminer des textes adoptés par le Parlement israélien n’a jamais été approuvée jusqu’à présent.

Le ministre de la Justice n’a pas précisé quelle serait cette « majorité spéciale ». Ses alliés de HaTzionout HaDatit réclament, pour leur part, l’assentiment de 14 des 15 juges de la plus haute instance judiciaire d’Israël pour le rejet d’une loi.

Audience de la Cour Suprême de justice relative à une demande de vote par la Knesset de l’accord sur la frontière maritime avec le Liban, à la Cour suprême de Jérusalem, le 20 octobre 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

La dite clause « dérogatoire » sera également ancrée dans la loi, a noté Levin.

Ainsi, le Parlement pourrait, avec un vote à la majorité simple, annuler une décision de la Cour suprême qui aurait jugé une loi inconstitutionnelle. En l’absence de Constitution, la Cour suprême, plus haute juridiction israélienne, fait office de garde-fou du pouvoir politique et se pose en garant des libertés individuelles. Son rôle est d’autant plus important lorsqu’un bloc politique détient une majorité nette à la Knesset, comme c’est le cas suite aux dernières élections.

Si les députés votaient une immunité judiciaire pour Benjamin Netanyahu, et que la Cour suprême invalidait ensuite ce vote, l’introduction d’une « clause dérogatoire » permettrait de surseoir à la décision de la plus haute cour pour faire annuler le procès.

Levin a toutefois ajouté que le Parlement ne pourrait pas adopter un texte qui aura été rejeté à l’unanimité par les 15 juges au cours de la législature de la Knesset qui l’avait initialement voté.

Le président du Barreau israélien, Me Avi Himi, lors d’une audience au tribunal de Rishon Lezion, le 20 avril 2022. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Le ministre de la Justice a également noté que ses réformes changeront la composition de la commission de sélection judiciaire, offrant « une représentation égalitaire de toutes les branches du Parlement ».

La commission comprendra « deux représentants publics » qui seront choisis par le ministre de la Justice, à la place des deux représentants qui sont actuellement désignés par l’Association du Barreau israélien au sein de la commission. (Le président du Barreau, Avi Himi, a annoncé sa démission quand la coalition est entrée en fonctions).

La commission de neuf membres comprend actuellement trois membres du gouvernement et de la coalition au pouvoir.

L’ajout de deux représentants choisis par le ministre de la Justice donnerait au gouvernement au majorité d’au moins cinq représentants contre quatre.

Ayelet Shaked, ministre de la Justice, au centre, entourée de Miriam Naor, présidente de la Cour suprême et de Moshe Kahlon, ministre des Finances, pendant la réunion de la commission de nomination judiciaire au ministère, à Jérusalem, le 22 février 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La droite politique israélienne se plaint depuis longtemps d’une influence trop forte des trois magistrats de la Haute cour de justice qui siègent au sein de la commission de sélection des juges, même si toutes les branches du gouvernement qui sont représentées dans le panel disposent d’un droit de veto sur les choix final des personnes nommées à la Cour suprême. « Ce sera la fin de cette situation où les juges se choisissent en coulisses, sans aucun protocole », a-t-il estimé.

Autre initiative de ce que Levin a qualifié de « première étape » de ce remaniement judiciaire, l’interdiction faite à la Haute-cour d’utiliser le standard du « caractère raisonnable » dans ses réexamens, un standard qui est employé par la cour pour déterminer si une décision – ou une régulation – gouvernementale ou ministérielle est bien conforme à la loi.

Ce qui « permettra au gouvernement élu de prendre et de faire appliquer ses décisions », a expliqué Levin qui a ajouté que « cette idée de ‘caractère raisonnable’ ne veut rien dire ».

Enfin, cette enveloppe de réformes changera le statut des conseillers juridiques du gouvernement et des ministères de manière à ce que leurs positionnements sur des décisions et autres régulations administratives ne soient pas considérées comme contraignantes pour les ministères ou pour les agences pour lesquels ils travaillent.

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Même si Levin ne l’a pas dit explicitement, il semble probable que ces réformes auront pour conséquence que ces conseillers professionnels deviendront des représentants politiques.

Levin, et d’autres partisans de droite de ces réformes, affirment que ces conseillers deviennent trop souvent des obstacles qui empêchent finalement les ministres de faire appliquer les politiques qu’ils souhaitent, et cette initiative est considérée comme déterminante s’agissant d’élargir le contrôle des ministres sur le processus décisionnaire politique.

« Ces réformes renforceront le système législatif et elles lui permettront de regagner la confiance du public. Elles restaureront l’ordre : Elles permettront aux députés de légiférer, au gouvernement de gouverner, aux conseillers juridiques de conseiller et aux juges de juger », a conclu le ministre de la Justice.

Répondant aux questions des journalistes après sa présentation, Levin a indiqué que l’abaissement de l’âge de la retraite pour les magistrats – une réforme qui avait été envisagée – ne figurait pas à l’ordre du jour.

Il a aussi nié que ces remaniements avaient quelque chose à voir avec les procédures judiciaires en cours contre les membres du nouveau gouvernement, notamment avec la requête présentée contre Deri devant la Haute cour, jeudi matin, ou avec le procès pour corruption de Netanyahu, qui est actuellement traduit devant les juges.

Levin a insisté sur le fait que ses réformes étaient équilibrées et que, malgré les inquiétudes des partis de l’opposition et de (très) nombreux experts, le pouvoir de réexamen de la Haute cour resterait intact dans la mesure où elle pourra encore rejeter les lois grâce à la « majorité spéciale » qui nécessite l’aval de tous les juges.

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Le ministre de la Justice a aussi laissé entendre que les législations ne passeraient pas en accéléré à la Knesset, notant qu’il y aura « un débat profond et sérieux » sur les réformes. Il a ajouté qu’il pensait que les lois variées qui seront nécessaires pour la réforme évolueront et que les textes qui seront présentés en troisième lecture seront différents de ceux qui auront été soumis au tout début du processus.

« La révolution constitutionnelle et les interventions toujours croissantes du système judiciaire dans les décisions gouvernementales et dans les lois de la Knesset ont considérablement sapé la confiance portée par le public dans le système judiciaire, elles ont entraîné un manque de gouvernance et ont gravement nui à la démocratie », a estimé Levin.

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