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Yariv Levin annonce une refonte – radicale – du système judiciaire en Israël

"Ce n’est pas une réforme – c’est un coup d’État politique," a mis en garde Benny Gantz ; Ces annonces surviennent alors que la Cour doit décider si Aryeh Deri peut être ministre

Le ministre de la Justice Yariv Levin tient une conférence de presse à la Knesset, le parlement israélien à Jérusalem, le 4 janvier 2023. (Olivier Fitoussi/Flash90)
Le ministre de la Justice Yariv Levin tient une conférence de presse à la Knesset, le parlement israélien à Jérusalem, le 4 janvier 2023. (Olivier Fitoussi/Flash90)

Le nouveau ministre de la Justice israélien Yariv Levin a annoncé mercredi soir son programme de réformes du système judiciaire.

Cette réforme, présentée dans ses grandes lignes à la presse et qui doit être soumise au Parlement à une date encore inconnue, vise à accroître le pouvoir des élus sur celui des magistrats et intervient au moment où le Premier ministre Benjamin Netanyahu est jugé pour corruption dans une série d’affaires.

Levin a commencé son discours très attendu en citant le fondateur du Likud Menachem Begin : « Je crois qu’il y a des juges à Jérusalem, mais il y a aussi un gouvernement et une Knesset à Jérusalem (…) Et la démocratie est en danger lorsque l’on vote dans l’urne mais que chaque fois des gens non élus décident pour nous ».

Non seulement la Knesset et le gouvernement, mais aussi le système judiciaire « reposent sur la confiance que le peuple lui accorde », a poursuivi Levin.

Le député du Likud a dénoncé l’intervention des tribunaux dans les décisions du gouvernement et les lois votées à la Knesset, ce qui, selon lui, « a ramené la confiance du public dans le système judiciaire à un niveau historiquement bas, sapé la gouvernance et nui à la démocratie ».

« Nous allons aux urnes, nous votons, nous élisons, et à chaque fois, des gens que nous n’avons pas élus choisissent pour nous. De nombreux secteurs du public se tournent vers le système judiciaire et leur voix n’est pas entendue », a-t-il accusé. « Ce n’est pas la démocratie. »

Sa réforme « attendue depuis longtemps », a déclaré Levin, vise, selon lui, à « renforcer la démocratie, réhabiliter la gouvernance, restaurer la confiance dans le système judiciaire et rééquilibrer les trois branches du gouvernement ».

Levin a ensuite estimé que le système actuel « ne correspond pas à la démocratie ». « J’ai mis en garde contre les dégâts causés par la judiciarisation. Maintenant, le moment est venu d’agir, » a-t-il dit.

Le Premier ministre israélien Menachem Begin apparaît sur cette photo du 16 novembre 1980 lors de son intervention dans l’émission « Good Morning America » sur ABC. (AP Photo)

Levin a précisé que la série de projets de loi ci-dessous sera débattue à la Knesset.

– Le processus de nomination des juges qui sont actuellement nommés par un panel de magistrats, de députés et d’avocats, sous supervision du ministre de la Justice. Or Levin souhaite « mettre fin à l’élection des juges par leurs confrères » et propose un plus grand poids des élus dans ces choix.

A LIRE : Deux camps de la droite, deux réformes opposées du système judiciaire

– La clause dite « dérogatoire », qu’il qualifie « d’équilibrée ». Le Parlement pourrait, avec un vote à la majorité simple, annuler une décision de la Cour suprême qui aurait jugé une loi inconstitutionnelle. En l’absence de Constitution, la Cour suprême, plus haute juridiction israélienne, fait office de garde-fou du pouvoir politique et se pose en garant des libertés individuelles. Son rôle est d’autant plus important lorsqu’un bloc politique détient une majorité nette à la Knesset, comme c’est le cas suite aux dernières élections. « Une loi votée par le Parlement ne peut plus être annulée par un juge », a déclaré Levin.

Si les députés votaient une immunité judiciaire pour M. Netanyahu, et que la Cour suprême invalidait ensuite ce vote, l’introduction d’une « clause dérogatoire » permettrait de surseoir à la décision de la plus haute cour pour faire annuler le procès.

– Un tribunal ne pourra plus recourir à la règle de raisonnabilité pour juger les décisions du gouvernement. « Il n’y a pas de règle de raisonnabilité, » a-t-il affirmé.

– Une nouvelle réglementation pour laisser les ministres nommer leurs propres conseillers juridiques, au lieu d’obtenir les conseils de conseillers relevant du ministère de la Justice.

Simcha Rothman, député du parti sioniste religieux, présentant le programme « Droit et Justice » lors d’une conférence de presse à Kfar Maccabiah, à Tel Aviv, le 18 octobre 2022. (Crédit :Avshalom Sassoni/Flash90)

De son côté, le nouveau président de la commission de la Constitution, des Lois et de la Justice de la Knesset a affirmé mercredi que les Lois fondamentales d’Israël ne jouissent pas d’un statut quasi constitutionnel car elles n’ont pas été ratifiées par les citoyens.

Qualifiant les Lois fondamentales de « constitution ‘entre guillemets’, qui n’a pas été établie par le peuple », Rothman a déclaré au comité qu’elles ne font pas office de constitution d’État, et ce, « peu importe combien de fois le tribunal répète cet argument. »

Le député du parti HaTzionout HaDatit a déclaré que son aversion à l’égard du militantisme du pouvoir judiciaire était académique, un militantisme qu’il a comparé à une maladie au cœur des problèmes du système judiciaire.

« Même les valeurs les plus élevées, qui proviennent de la source la plus élevée, ne sont pas contraignantes sans le consentement du peuple », a-t-il fait valoir.

« Ce n’est que lorsque nous aurons terminé notre travail ici à la Commission de la Constitution et à la Knesset, et que le souverain, qui est le peuple, décidera et déclarera que le travail de préparation de la constitution est terminé et adoptera notre proposition, qu’une constitution sera établie pour l’État d’Israël », a-t-il ajouté, laissant entendre qu’un référendum national serait une condition préalable nécessaire pour conférer aux lois une autorité constitutionnelle.

D’autres membres du parti d’extrême droite ont dénoncé les positions de la Cour sur les implantations et les avant-postes illégaux en Cisjordanie.

Le leader de HaTzionout HaDatit, le député, Bezalel Smotrich, se tenant au sommet du campement bédouin illégal de Khan al-Ahmar, en Cisjordanie, le 21 mars 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Soutenant le plan du ministre de la Justice visant à neutraliser le système judiciaire, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a publié un message vidéo « bénissant » le « redémarrage du système judiciaire » que Levin a présenté quelques minutes plus tôt.

« Vous savez tous que c’est ce que [les électeurs israéliens] ont déclaré, nous avons un mandat complet pour accroître la confiance du public israélien dans le système judiciaire, pour renforcer Israël et un État juif et démocratique », a jugé Smotrich, qui dirige le parti d’extrême droite HaTzionout HaDatit et qui a présenté un plan similaire lors de sa campagne électorale.

A LIRE : Les commentaires des élus de l’opposition à l’approche du « coup d’État »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré qu’un plan de refonte judiciaire créera un équilibre entre les tribunaux israéliens, le cabinet et la Knesset.

« Nous allons revoir notre façon de gouverner », a-t-il déclaré lors d’une conférence du mouvement révisionniste Beitar à Jérusalem. « Nous prendrons des mesures qui renforceront la sécurité personnelle dans tout l’État. Nous commencerons par mettre en place des réformes qui assureront le bon équilibre entre les trois branches du gouvernement. »

Les critiques affirment que les mesures prévues supprimeront le rôle du pouvoir judiciaire en tant que contrôle du pouvoir de l’exécutif et du Parlement. Les partisans disent que les décisions de justice annulant des lois ou des décisions du gouvernement ignorent la volonté démocratique des électeurs israéliens.

Montage photo du chef de l’opposition Benjamin Netanyahu, à droite, et du ministre des Affaires étrangères de l’époque Yair Lapid dirigeant la réunion de leur parti respectif, le Likud et Yesh Atid, à la Knesset, le 8 novembre 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Le chef de l’opposition Yair Lapid s’était insurgé avant l’annonce des réformes judiciaires, promettant de les « annuler » dès qu’il sera de retour au pouvoir. « Non seulement nous combattrons de toutes les manières possibles chacune des étapes que Levin annoncera ce soir, mais je précise également que nous les annulerons le jour de notre retour au pouvoir », avait prévenu Lapid sur Twitter. « Ceux qui tentent de mener un coup d’État unilatéral et de changer le régime israélien doivent savoir que nous ne leur sommes en aucun cas engagés », avait-il ajouté.

Lapid a ensuite réagi au discours de Levin en déclarant : « Comme une bande de criminels, la veille de l’audience de la Haute Cour sur la loi Deri, le gouvernement a posé une arme chargée sur la table ». En effet, ces annonces surviennent alors que la Cour doit décider si Aryeh Deri peut être ministre. Promettant de combattre la « folie » du vaste plan de Levin visant à placer le contrôle politique sur le système judiciaire israélien, Lapid dit que son bloc annulera les réformes s’il revient au pouvoir. « Ce que Yariv Levin a présenté aujourd’hui n’est pas une réforme juridique, c’est une menace. Ils menacent de détruire toute la structure constitutionnelle de l’État d’Israël. Nous continuerons à nous battre, nous reviendrons, nous annulerons tout. »

Le ministre sortant de la Défense Benny Gantz avait lui écrit : « Ce n’est pas une réforme – c’est un coup d’État politique. »

« Ce n’est pas ainsi qu’un gouvernement se comporte, c’est ainsi qu’une mafia se comporte. Si quelqu’un avait des doutes sur les intentions des ‘réformes juridiques’ de ce gouvernement, Yariv Levin vient poser un pistolet sur la table la veille du débat de la Cour suprême sur la nomination du condamné Aryeh Deri. Électeurs de droite, ce n’est pas pour cela que vous avez voté, pas pour qu’ils vous retirent la protection que la Cour suprême vous accorde, » avait affirmé la chef du parti travailliste, Merav Michaeli.

« Le nouveau gouvernement met un fouet sur la table et utilise les menaces et l’extorsion d’une façon dont [même] une organisation criminelle ne s’embarrasserait pas », avait écrit sur Twitter la députée d’Yisrael Beytenu, Yulia Malinovski.

Yulia Malinovsky, membre de la Knesset, lors d’une réunion conjointe de la commission de l’économie et des affaires sociales qui s’est tenue à la Knesset, le 11 décembre 2017 pour discuter des budgets destinés aux personnes âgées. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Le journaliste de Maariv, Ben Caspit, avait déclaré dans un tweet que Levin « met tout en œuvre pour démanteler le système judiciaire, retirer toute autorité à la Haute Cour et transformer Israël en dictature ». « Nous vivons un coup d’État », avait-il déploré.

Les « paroles de Levin n’étaient rien de moins qu’une condamnation à mort pour la doctrine de Menachem Begin », a tweeté son prédécesseur Gideon Saar. « Il ne fait aucun doute que Menachem Begin aurait rejeté chacune des sections du plan de changement de régime en Israël. » Saar, un ancien membre important du Likud avant de rompre avec Netanyahu en 2019, a écrit que « les vrais disciples de Begin ont le devoir de le combattre. Et donc je le ferai. »

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