Les artistes juifs britanniques qui boycottent Israël sont moqués
Le boycott culturel prôné par Mike Leigh et Peter Kosminsky, est décrié pour le moment choisi de son lancement et pour sa vision raciste
Londres – Dans le sillage des attaques de Copenhague et de Paris, une lettre intitulée « Notre boycott culturel d’Israël commence aujourd’hui », signée par 100 écrivains, acteurs, artistes et musiciens britanniques, a été accueillie avec dérision.
La lettre, publiée samedi 14 février dans le Guardian, annonce : « Nous n’aurons pas de relations normales avec Israël. Nous n’accepterons ni d’invitations personnelles d’Israël, ni de financement d’institutions liées à son gouvernement… Aujourd’hui nous affirmons qu’à Tel-Aviv, Netanya, Ashkelon ou Ariel, nous ne jouerons pas de musique, n’accepterons pas de prix, n’assisterons pas à des expositions, des festivals ou des conférences, n’organiserons pas de cours ou d’ateliers, jusqu’à ce qu’Israël respecte le droit international et mette fin à son oppression coloniale des Palestiniens. »
Le moment de la publication aurait difficilement pu être plus mal choisi par les signataires de la lettre, initiée par des célébrités britanniques juives, le réalisateur TV Peter Kosminsky et le réalisateur de films Mike Leigh.
Kosminsky, petit-fils d’un survivant de l’Holocauste, a pris connaissance du conflit israélo-palestinien dans une série télévisée de 2011, « La Promesse ».
Lors de la création du projet, il a déclaré au Jewish Chronicle avoir appris l’existence de l’initiative controversée « Briser le silence », où d’anciens soldats de Tsahal racontent en détail leurs expériences militaires.
Leigh a officieusement commencé à boycotter Israël en annulant un voyage à Jérusalem et en Cisjordanie en 2010. Il a récemment reçu un prix d’œuvre de vie de Bafta, le British Academy for Film and Television Arts. Dans une interview donnée en 2010 au Jewish Chronicle, Leigh a qualifié son travail d’ »inéxorablement juif ».

Quelques heures seulement après la publication de la lettre de boycott dans la presse, un tireur isolé a attaqué et tué un réalisateur de films lors d’un séminaire à Copenhague, où des écrivains et artistes s’étaient réunis pour débattre de la liberté d’expression.
Le tireur, identifié comme Omar El-Hussein, 22 ans, s’est dirigé vers la synagogue principale de la capitale danoise, a abattu Dan Uzan, 37 ans, l’un des gardes de sécurité bénévoles de la communauté, et blessé deux policiers.
La semaine dernière, le Groupe parlementaire multipartite sur l’antisémitisme a publié un rapport juridique de 120 pages, dans lequel les députés et les membres de la Chambre des Lords dénoncent les boycotts culturels.
‘Nous avons établi que le boycott culturel, mis en œuvre pendant l’été, était inacceptable’
« Les gens ont le droit légitime de protester contre Israël via un boycott ou d’autres moyens pacifiques. Cependant, une telle manifestation devient entièrement illégitime lorsqu’elle constitue une attaque ou une intimidation contre des Juifs britanniques. Nous avons établi que le boycott culturel, mis en œuvre pendant l’été, était inacceptable. Le mouvement de boycott doit relever le défi d’appliquer ses tactiques sans glisser dans l’antisémitisme, la discrimination illégale, ou violer les valeurs de liberté », déclare le rapport.
Laura Marks, vice-présidente du Conseil des députés juifs britanniques, souligne le moment choisi pour diffuser cet lettre sur le boycott qu’elle qualifie d’ « agressive » dans une interview au Times of Israel.
« Appeler au boycott culturel et ne pas s’impliquer alors que les attaques à Copenhague et Paris ont touché des gens qui voulaient simplement s’exprimer a quelque chose d’ironique », déclare Marks.
Pour Marks, un boycott culturel de ce genre est également « raciste ». « Comme le rapport l’indique clairement, le langage négatif envers les Juifs devient la norme », dit-elle.
« Comment pouvons-nous changer les attitudes si les gens désirent fermer les voies de communication ? Israël est la seule démocratie au Moyen-Orient et [ces artistes disent] qu’ils continueront à travailler avec toutes sortes de régimes terribles et qu’Israël est le seul avec lequel ils ne traiteront pas. »
Lundi, un éditorial du Times statuait : « Les campagnes outrageuses pour un boycott culturel d’Israël sont laides, attisant des mouvements ataviques en Europe. Celles-ci doivent être attaquées par l’opinion civilisée. Les gouvernements israéliens sont faillibles, mais l’Etat juif est une force pour la démocratie dans une région qui en manque. »
Le président de la Fédération sioniste britannique, Paul Charney, était tout aussi dédaigneux dans son entretien au Times of Israel.
« La lettre signée dit beaucoup plus sur les vues myopes d’une petite clique de nombrilistes qu’elle n’en dit sur n’importe quel soutien plus large au boycott dans ce pays », déclare Charney.
En effet, ajoute Marks, « les signataires ne sont pas exactement des noms familiers ». Mais Marks et Charney soulignent que le timing de la lettre est ce qui compte.
« L’annonce nous donne un aperçu précieux de la vision du monde de ces gardiens de la morale autoproclamés. Cette lettre n’avait aucun déclencheur spécifique. Certains pourraient comprendre (à un certain niveau) leur envie de ‘faire quelque chose’ si Israël faisait la une – mais il est clair que leur obsession les oblige à mettre en exergue l’Etat juif, même si le monde regarde ailleurs », dit Charney.
La lettre et son annonce montrent une sorte d’obsession envers Israël de la part de ces artistes. « Les multiples tragédies du Moyen-Orient, y compris l’effusion de sang inimaginable en Syrie et l’épuration des chrétiens, doivent sembler de simples drames qui distraient injustement l’attention de leur sujet favori. Le slogan du BDS d’il y a quelques années – ‘Gaza reste encore sur la table’ – vous montre non seulement où sont leurs priorités, mais leur détermination à bloquer tout ce qui pourrait remettre en question leurs idées préconçues », dénonce Charney.
Charney déclare que les artistes ont négligé les « informations près de chez eux », qui ont suscité un regain d’appels à la liberté d’expression. « Même si vous êtes ignorants du reste du Moyen-Orient, vous ne pouvez pas avoir manqué la récente série d’attentats en Europe… Et bien sûr, il y a l’épineuse question de l’antisémitisme. Même si vous prétendez que le boycott d’Israël n’est pas en soi antisémite, cette couverture hostile envers tout ce qui est lié à Israël favorise certainement l’idée que l’Etat juif est toxique. »
Jonathan Arkush, vice-président du Conseil des députés, est tout aussi critique, qualifiant la lettre de « totalement raciste, sectaire et haineuse », il affirme que « cette diabolisation obsessionnelle d’Israël contribue à générer une atmosphère où les extrémistes se sentent renforcés pour attaquer les Juifs ». Les signataires sont une liste d’individus qui haïssent Israël, affirme Arkush.
« Nous devrions les reléguer aux marges où ils appartiennent et cesser de s’inquiéter de l’obsession de ces gens abusés. Laissez-les se vautrer dans leur méchanceté – ce sont des gens désespérément tristes et malheureux », déclare Arkush.
Mais le dernier mot devrait revenir au docteur Stephen Malnick, dont la critique des boycotteurs culturels a paru dans le Guardian mardi.
« En tant que citoyen d’Ashkelon qui a failli être tué lorsqu’un missile a manqué ma voiture de quelques mètres, j’ai un message aux artistes dotés d’une conscience collective sélective. Je ne veux pas que vous insultiez ma ville et offensiez 120 000 personnes qui ont été attaquées quotidiennement, en violation du droit international. Il n’y a pas de cibles militaires à Ashkelon, mais beaucoup de Juifs. »
« Si vous prenez position contre l’exécution extrajudiciaire de personnes à Gaza, et contre la flagellation d’un blogueur en Arabie saoudite, et présentez des excuses aux citoyens d’Ashkelon, je vous offrirai peut-être l’hospitalité. Je poursuis à présent mes tâches quotidiennes, y compris le traitement de Gazaouis transportés au centre médical où je travaille. C’est bizarre, n’est-ce pas, qu’ils viennent ici, et pas vous ? »
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