Les chiens de garde réduisent de 70 % les menaces de violences envers les femmes battues
Le programme canin de la Fondation Michal Sela offre des chiens aux femmes menacées par leur ex-compagnon ; depuis le début de la guerre, les violences conjugales ont cru de 65 %
Selon une étude israélienne, les chiens de garde permettent de diminuer de 70 % les menaces de violences envers les femmes battues.
En 2021, à la fin de l’année de prison dont avait écopé l’ex-mari de Batya – condamné pour des violences à son encontre –, elle avait commencé à compter les minutes qui la séparaient de sa libération. Elle était terrifiée à l’idée qu’il mette sa menace de la tuer à exécution.
C’est à ce moment-là que Batya (ce n’est pas son vrai prénom) a entendu parler du programme canin proposé par le Michal Sela Forum. Cette initiative, mise en place par une organisation à but non-lucratif d’aide aux femmes victimes de violences conjugales, offre des chiens de garde aux femmes menacées, pour les protéger.
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Elle a contacté le groupe, et cela fait maintenant deux ans que Batya et ses trois filles partagent leur vie avec Bamba, un Malinois.
« À tout moment, j’ai peur que mon ex vienne par surprise et m’agresse, mais le fait d’avoir le chien avec nous m’aide à m’apaiser », a confié Batya au Times of Israel lors d’un entretien téléphonique.
Selon une étude rendue publique en septembre par Mashav Applied Research, sous la supervision du scientifique en chef du ministère de la Sécurité nationale, les neuf femmes – Batya y compris – ayant adopté un chien de garde grâce au Forum ont signalé que les menaces proférées par leur ex-partenaire avaient baissé de 70 % en moyenne.
Depuis le début de la guerre contre le Hamas, le 7 octobre 2023, les signalements de violences conjugales ont augmenté de 65 %.
Selon un rapport publié par l’Observatoire israélien des féminicides sous les auspices de l’Université hébraïque de Jérusalem, avant la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes lundi, vingt femmes ont été tuées en Israël en 2024.
Selon le rapport, onze d’entre elles ont été assassinées par leur époux ou compagnon.
L’étude réalisée par Mashav a aussi permis d’établir que la présence d’un chien renforçait de 73 % le sentiment de sécurité, de sûreté personnelle, de liberté et de contrôle des femmes victimes de violences. Ces dernières font part d’une augmentation de 620 % des activités sociales – voyages ou rassemblements – de leurs enfants.
Le programme canin du Michal Sela Forum
Lancé par le Forum en juin 2020, ce programme est unique en son genre en Israël. Pour pouvoir en bénéficier, une femme doit être reconnue par le ministère des Affaires sociales ou par la police comme faisant l’objet de menaces de mort de la part d’un partenaire qui ne vit plus au domicile conjugal.
Le chien est confié aux femmes gratuitement pendant toute la durée de vie de l’animal, qui effectue son travail d’assistance pendant sept ans en moyenne.
Selon le porte-parole, le Forum a passé un an à développer et à mettre en place ce programme avec l’aide d’experts du dressage canin (parmi lesquels d’ex-membres de l’unité canine de Tsahal), de spécialistes des violences conjugales et de professionnels du secteur des assurances.
Après avoir demandé à bénéficier d’un chien de garde, Batya a suivi une formation de trois mois pour s’assurer que sa famille et elle étaient capables de le prendre en charge et que l’animal serait bien dans son nouveau foyer.
« Il y a trois petites filles à la maison et donc beaucoup d’émotions, de bruits et d’énergie », explique-t-elle.
Quand elle a rencontré Bamba, raconte-t-elle, « il a commencé à marcher à côté de moi, tout près de moi, comme s’il l’avait toujours fait ».
Elle reçoit des aliments pour chiens chaque mois, gratuitement, et l’organisation prend en charge l’intégralité des frais vétérinaires.
Bamba dort avec ses filles, dans leur chambre.
« Je ne sais pas où se trouve mon ex-mari, ce qui me met sous pression, mais c’est plus facile de dormir dorénavant », confie Batya.
Sayeret Michal
Au-delä du programme canin, le Forum a développé en octobre 2021 l’initiative Sayeret Michal (jeu de mots sur le nom d’une unité de commando de Tsahal, Sayeret Matkal) en collaboration avec d’ex-membres du Shin Bet, des compagnies de sécurité leaders dans leur domaine, des experts des questions de violences conjugales et des juristes.
Sayeret Michal offre aux femmes menacées les services d’une société de sécurité privée qui installe des caméras dans et autour de leur maison, un bouton d’urgence et une patrouille de sécurité privée, sans oublier des leçons d’autodéfense et le concours d’un cabinet d’avocats pour adresser un courrier dissuasif à la partie menaçante.
Le programme de protection est fourni pour douze mois et transforme la maison de la femme menacée « en forteresse », explique le porte-parole du Forum.
Selon la récente étude de Mashav, après six mois sous la protection de Sayeret Michal, 107 femmes ont signalé une augmentation de 800 % de leur sentiment de sécurité chez elle.
Les femmes ont également signalé une baisse de toutes les formes de violences, à l’instar de la baisse de 62 % des cas de violences physiques de la part du partenaire et de sa famille et de 25 % des violences verbales.
« Avant de faire partie de Sayaret Michal, j’avais le sentiment de devoir constamment me cacher », explique une femme qui se fait appeler D. « Ma vie était un vrai cauchemar. Le bouton d’urgence a totalement changé ma vie. Je l’ai avec moi 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, même quand je dors. »
Les deux programmes du Forum profitent à 414 femmes menacées et à 1 399 enfants.
Le coût mensuel moyen par femme menacée, au titre du programme, est de 1 336 shekels, soit moins de 6 % du prix d’un séjour d’un mois dans un refuge pour femmes. Le programme Sayeret Michal coûte 310 shekels par mois, soit 1,3 % du prix mensuel d’un refuge pour femmes.
À la mémoire de Michal Sela
Le Forum Michal Sela a été fondé en 2020 par Lili Ben Ami après que sa sœur, Michal Sela, a été poignardée à mort par son mari Eliran Malul, en 2019, devant leur fille de 8 mois. Malul a été condamné à la prison à vie en 2021.
Batya explique que, lorsqu’elle a appris la mort de Michal Sela, « une petite voix » lui a dit : « Tu seras la prochaine. » Six mois plus tard, elle trouvait le courage de quitter son mari.
Ben Ami, la PDG du Forum, dit agir pour empêcher de nouveaux féminicides en développant des programmes et des outils innovants avec des dirigeants des secteurs de la tech, des experts en contre-terrorisme et des dirigeants gouvernementaux.
Sur son site Internet, l’organisation dresse la liste des signes avant-coureurs pour les personnes susceptibles de se trouver dans des relations abusives et donne des conseils aux proches et amis sur le meilleur moment pour intervenir.
L’organisation espère ainsi contribuer à l’émergence de 100 startups d’ici 2030 pour prévenir les violences domestiques et les féminicides.
De récentes études sur l’efficacité du programme canin et de Sayeret Michal apportent « la preuve claire que les violences domestiques ne sont pas une fatalité et que des morts peuvent être évitées », explique Ben Ami.
En désaccord avec le ministère de la Sécurité intérieure
En février dernier, le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, a cessé de subventionner le Forum, affirmant dans une interview accordée à la radio 103 FM que les membres de cette organisation voulaient « cet argent, pas pour les femmes, mais pour se remplir les poches ».
Ben Ami nie catégoriquement le bien-fondé de ces accusations.
Elle explique au Times of Israel que le Forum « est géré de manière responsable et honnête à tous les niveaux, en particulier en matière financière, ce qu’atteste la certification Midot délivrée à l’issue d’un audit externe ».
Les fonds, dit-elle, sont destinés « intégralement aux femmes menacées ».
Le Forum reçoit par ailleurs des subventions privées.
Un mois après que Ben Gvir a cessé de subventionner le programme, le ministre des Affaires sociales, Yaakov Margi, a promis au Forum une enveloppe de près de 2 millions de shekels, au motif que la lutte contre les violences domestiques « requiert des idées originales et de la créativité ».
Batya l’assure : « Le chien nous protège et nous donne de la force. »
« Je ne saurais dire la confiance que nous avons retrouvée depuis qu’il est à la maison », conclut-elle.
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